RECONFINEMENT : UN NOUVEAU DÉFI À RELEVER… - La Semaine Vétérinaire n° 1874 du 06/11/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1874 du 06/11/2020

DOSSIER

Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD

COMMENT LES CLINIQUES CONTINUENTELLES DE S’ADAPTER AUX FLUCTUATIONS DE LA DEMANDE LIÉES À L’ÉVOLUTION DE LA CRISE SANITAIRE ? AVIS DE PRATICIENS ET ANALYSE DE LA SITUATION.

L’annonce d’un second confinement par le Président Emmanuel Macron est bien entendu une mauvaise nouvelle, d’ordre sanitaire, humaine mais aussi économique », juge d’emblée le Dr Christophe Navarro, président du réseau vétérinaire Univet. « Néanmoins, nuance-t-il aussitôt, en activité canine, je pense que les consultations vétérinaires font partie des dépenses nécessaires des Français : beaucoup de nos compatriotes considèrent en effet leurs animaux de compagnie comme des membres à part entière de leur famille. Je n’ai donc toujours pas particulièrement peur d’une crise économique pour notre profession. » L’impact sera-t-il moindre lors de cette seconde vague de confinement1 ? Les cliniques peuvent rester ouvertes dans le respect des gestes barrières, mais sans avoir à limiter leurs activités aux seules interventions urgentes.

Une expansion contre vents et marées…

Dans ce contexte, le réseau Univet poursuit donc son expansion : « D’ici fin 2020, avec l’arrivée prévue d’au moins 26 nouvelles cliniques, nous devrions en fin d’année compter un total de 57 structures », comptabilise Christophe Navarro. Et d’ajouter : « Nous refusons même davantage de candidatures que nous n’en acceptons ! En effet, comme nous formons une véritable association humaine, nous recherchons des praticiens qui partagent avec nous des objectifs communs. Les mêmes critères de performance. Et aussi des valeurs de bienêtre au travail. » Avec des cliniques qui restent à taille humaine, puisqu’elles comprennent idéalement entre 2 à 6 vétérinaires temps plein en exercice dans chacune d’entre elles. Le réseau comprend également une filiale en Belgique, avec six sites d’ici à fin 2020, situés essentiellement en Wallonie francophone.

En continuant d’adapter l’offre à la demande

Est-il pour autant facile de s’adapter aux multiples changements qu’entraîne dans son sillage la crise sanitaire ? La réponse est variable d’une structure à une autre. « Les gens ne vivent pas le confinement de la même manière, la veille du second reconfinement, nous n’avons pas eu d’augmentation de ventes de croquettes, d’autres confrères si. Les propriétaires ont juste téléphoné pour savoir si on restait bien ouverts et si les rendez-vous étaient maintenus, mais pas non plus de ruée dans la journée », témoigne une consœur. « Trop de choses restent ouvertes : magasins, écoles, crèches, service à emporter, etc. pour que ce soit un vrai confinement. À part les commerces sur la liste qui doivent fermer, tout reste ouvert, donc les gens vont circuler. » « Dans un réseau tel que le nôtre, où nous bénéficions d’un maillage territorial local constitué de grappes de cliniques de proximité, l’union fait la force !, analyse Christophe Navarro. En effet, cela nous donne la capacité de mobiliser un ensemble de ressources humaines et matérielles. Par exemple, la perte du chiffre d’affaires enregistrée en avril a pu être rattrapée durant les mois d’été. Certes, il a fallu mobiliser les troupes et augmenter les heures d’activité, mais c’était faisable, contrairement aux vétérinaires qui travaillent en solo ou dans une petite structure. »

Autre exemple : si dans un secteur géographique donné surgit une perte d’activité, le problème peut être résolu par un déplacement des équipes de soins. « Durant le premier confinement, explique Christophe Navarro, nous avons d’ailleurs déjà été contraints de fermer deux sites. Leur personnel est allé aider des structures à proximité qui avaient un déficit de personnel : c’est aussi ça l’esprit d’équipe, où les membres se serrent les coudes dans l’intérêt général… Ceci nous a permis de maintenir notre activité, et nos clients ont simplement été déplacés d’un cabinet à un autre, sans que cela ne leur pose de problème. » Dans d’autres cliniques du réseau, qui fonctionnent normalement 24 heures sur 24, il serait aussi envisageable d’y travailler un peu moins, si cela s’avérait nécessaire. Enfin, si l’activité se réduisait matériellement, le réseau pourrait aussi avoir recours à de l’activité partielle.

Avec du personnel qui aime bouger…

Toutefois, le personnel est-il d’accord pour changer ainsi de site d’exercice, afin de s’adapter à une offre fluctuante ? « La plupart des salariés qui rejoignent notre réseau souhaitent pouvoir bouger, commente Christophe Navarro. En temps normal, le réseau ne peut d’ailleurs pas toujours les satisfaire, car nous savons qu’à l’inverse, les clients, eux, préfèrent souvent être reçus par le même praticien, considéré comme le vétérinaire de famille. »

Quels autres changements importants constate-t-il du fait du Covid-19 ? « Cette crise sanitaire amplifie encore la nécessité d’augmenter le processus en cours de digitalisation, estime le président d’Univet. Avant la survenue de la pandémie, nos vétérinaires avaient l’habitude de se rencontrer régulièrement, au sein de différents comités scientifiques. Nous avons donc investi dans des outils de visioconférence performants, afin qu’ils puissent, par l’image et le son, continuer à échanger entre eux, de la façon la plus conviviale possible. Nous passons même ponctuellement à des visioconférences élargies entre différents bassins d’emploi, de manière à préserver notre solidarité et notre esprit d’équipe, qui sont en fait sortis renforcés à l’issue de l’acte I du confinement. » De même, des séminaires virtuels remplacent désormais les formations en présentiel. « C’est un peu moins festif, reconnaît Christophe Navarro, mais cela nous permet de lutter contre un possible sentiment d’isolement professionnel. »

Des investissements dans les outils digitaux

Depuis le premier confinement, les clients ont aussi accès à de la téléconsultation. « Cette formule intéresse ceux qui ont peur de la maladie, qui sont contagieux, qui ont du mal à se déplacer, une partie des personnes âgées… », observe Christophe Navarro, qui ajoute : « C’est d’ailleurs un véritable progrès, un gain de temps pour tous pour les suivis de consultation. Dans ce domaine-là, la profession était en retard ! Nous allons aussi lancer en 2021 une nouvelle application pour ce qui concerne les renouvellements de traitement. »

Du tchat, des prises de rendez-vous en ligne sont également possibles. Quant aux ventes de petfood et de produits d’hygiène, les commandes sont désormais directement livrables au domicile du client, si ce dernier ne souhaite pas ou ne peut pas se déplacer pour venir les chercher à la clinique. « Nous observons en effet que certaines personnes veulent limiter les contacts, conclut Christophe Navarro. Et l’on ne sait pas jusqu’où cela va pouvoir aller ? Covid ou pas Covid, nous devrons toujours soigner les animaux le mieux possible ! »

1. À lire aussi en pages 14 et 15 de ce numéro

Combien de temps la crise sanitaire va-t-elle encore durer ?

TÉMOIGNAGE

HUGUES CLAUDE

Praticien canin à Divonne-les-Bains et à Gex (Ain)

Aimant l’humour, je dirais volontiers que le Covid-19 a muselé les maîtres, et laissé la parole aux chiens ! Plus sérieusement, il faut bien s’adapter aux changements. Dans quelle ambiance ? Je dirais qu’au tout début, il y a eu une courte phase de panique ! Suivie d’un peu de déprime, puis d’une phase d’acceptation. Un peu comme dans un deuil…. L’équipe s’est habituée à travailler avec un seul client qui rentre à la fois dans nos cliniques. C’est un peu triste, mais c’est comme cela… Maintenant, la question, c’est combien de temps cela va-t-il encore durer, en particulier cet acte II du confinement ? Comme une partie de notre clientèle vient aussi de Suisse, ou occupe des emplois là-bas, notre sort est aussi partiellement suspendu au maintien ou non de l’ouverture de la frontière… Mais pour l’heure, notre situation économique n’est heureusement pas mauvaise. Et dans le groupement de vétérinaires AlpiVet dont nous faisons partie - qui comprend près de quarante cliniques -, c’est ce même son de cloche assez rassurant qui domine encore.

« Nous n’avons reçu aucune demande de la part de vétérinaires praticiens »

TÉMOIGNAGE

DONA SAUVAGE

Présidente de l’Association centrale d’entraide vétérinaire (ACV)

Je ne peux pas donner d’information au sujet de l’influence de la crise sanitaire sur la profession vétérinaire, car jusqu’à présent, aucun praticien n’a contacté notre association pour lui demander son aide. De fait, seuls quelques étudiants vétérinaires nous ont pour l’heure fait part de quelques difficultés supplémentaires liées à la suppression de leurs jobs complémentaires. Pour être plus précise, trois demandes d’aides nous ont été adressées juste après le premier confinement : essentiellement des étudiants de première ou deuxième année qui complétaient leurs revenus en travaillant dans des commerces le soir ou le week-end et un étudiant dont les parents restaurateurs se sont retrouvés en grande difficulté… Nous leur avons apporté très rapidement une aide financière ponctuelle de 500 à 1 000 €. Par ailleurs, nous continuons naturellement à verser à environ une quarantaine d’étudiants des établissements d’enseignement vétérinaire - le plus souvent boursiers mais pas toujours - une aide annuelle de 1 500 €, versée en deux fois, à l’automne et au printemps. Et nous aidons également surtout des vétérinaires victimes d’accident de la vie ou souffrant de maladies longues ou chroniques, empêchés de travailler normalement, ce qui leur crée des difficultés financières…

Donc, au final, malgré le peu d’impact sur les demandes d’aides que nous avons jusqu’à présent reçues, il demeure malheureusement que cette pandémie du Covid-19 touche l’ACV, car elle complique singulièrement la gestion de notre association, dont le nombre de vétérinaires cotisants a beaucoup de mal à se maintenir.

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