EXPLORER UN SYNDROME DE CLAUDE BERNARD-HORNER - La Semaine Vétérinaire n° 1874 du 06/11/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1874 du 06/11/2020

NEUROLOGIE

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

FORMATION

Auteur(s) : GWENAËL OUTTERS

CONFÉRENCIÈRE

STÉPHANIE PIAZZA, diplomate ECVN, praticienne au CHV Languedocia, à Montpellier. Article rédigé d’après une conférence présentée au congrès de l’Afvac, en novembre 2019, à Lyon.

Le syndrome de Claude Bernard-Horner (CBH ou SCBH) est un ensemble de signes cliniques issus d’une anomalie de l’innervation sympathique de l’œil, dont le trajet est complexe.

Anatomie

Il s’agit d’un système à 3 neurones. Le corps cellulaire du premier neurone est situé dans le thalamus, l’axone redescend dans le tronc cérébral puis la moelle épinière cervicale et fait synapse au niveau des segments médullaires T1-T2-T3. Le deuxième neurone quitte la moelle épinière avec les racines nerveuses T1 à T3 du plexus brachial, passe dans le médiastin pour rejoindre le nerf vague, le long du tronc vago-sympathique, au niveau du cou, pour faire synapse dans le ganglion cervical crânial. Le corps cellulaire du troisième neurone est dans ce ganglion, son axone passe au niveau de la bulle tympanique pour rejoindre la région périoculaire, l’œil et ses annexes. Entre la bulle tympanique et l’œil, le trajet reste incertain mais repasse dans le crâne.

Signes cliniques

Tous les signes cliniques ne sont pas toujours présents mais le plus constant est le myosis. L’énophtalmie entraîne une procidence de la troisième paupière. La ptose palpébrale est davantage rencontrée chez le chien et se manifeste plutôt chez le chat par une diminution de la fente palpébrale. La vasodilatation conduit à une hyperhémie des conjonctives et, chez le chat, l’oreille est parfois plus chaude.

Neurolocalisation

Elle est primordiale pour choisir les examens complémentaires et les interpréter.

Atteinte du premier neurone

Cette situation est la plus rare. L’atteinte de ce neurone au niveau cérébral se manifeste par des signes d’atteinte intracrânienne : trouble de l’éveil, du comportement, de la thermorégulation, déficits visuels. L’atteinte au niveau de la moelle épinière cervicale se manifeste par des signes d’atteinte médullaire cervicale : ataxie, parésie, plégie, déficits posturaux… Il n’arrive quasiment jamais qu’une atteinte de ce premier neurone ne se manifeste que par un syndrome de Horner parce qu’il s’agit du système nerveux sympathique qui est constitué de fibres non myélinisées logées très profondément dans le parenchyme, donc extrêmement résistantes. Son atteinte est accompagnée de lésions très sévères qui s’accompagnent d’autres signes.

Atteinte du deuxième neurone

Si la lésion se situe au niveau du corps cellulaire, dans la moelle épinière, il peut y avoir des signes d’atteinte médullaire cervicale caudale, mais c’est rare. Si la lésion se situe au niveau du plexus brachial, les signes seront ceux d’une atteinte du plexus : monoparésie, déficit du placer proprioceptif, diminution des réflexes médullaires, animal qui ne supporte pas le poids de son corps sur ce membre. Au niveau thoracique, les signes sont ceux d’une atteinte respiratoire. Au niveau du tronc vagosympathique, une lésion cervicale peut être palpable (masse). Il est très rare d’avoir uniquement un syndrome de Horner lors d’atteinte du deuxième neurone.

Atteinte du troisième neurone

Situation clairement la plus fréquente, souvent associée à une paralysie faciale et/ou un syndrome vestibulaire, la lésion se situe dans la bulle tympanique où passe le nerf facial, là où sont situés tous les récepteurs vestibulaires. Il est fréquent d’avoir uniquement un syndrome de Horner comme seul signe clinique lors d’atteinte du troisième neurone.

Diagnostic différentiel

Il s’appuie sur la dichotomie « Damnit » ou « VitaminD » (voir tableau cidessous).

Examens complémentaires

Ils sont choisis en fonction de la neurolocalisation, des hypothèses diagnostiques, de l’accessibilité aux techniques d’imagerie et du propriétaire, autrement dit de sa motivation et de l’aspect financier.

→ Les tests pharmacologiques sont décrits mais peu utilisés. L’instillation de cocaïne 4 % permet de confirmer le syndrome de Horner : elle dilate la pupille normale – en bloquant la recapture de la noradrénaline au niveau des synapses de l’iris – et n’a pas d’effet lors de syndrome de Horner. Le produit n’est pas disponible en France. La phényléphrine diluée à 1 % est utilisée pour localiser l’origine du syndrome. Ce test se base sur le principe de dénervation postganglionnaire, au niveau du troisième neurone : en l’absence d’innervation, le nombre de récepteurs adrénergiques augmente. Cependant, la mise en place est longue et ce test ne peut avoir de valeur diagnostique qu’à partir de 7 à 10 jours (et jusqu’à 3 semaines). L’administration de phényléphrine dans les 2 yeux, sympathomimétique direct, lors de lésion du troisième neurone, induit une mydriase en moins de 20 minutes et n’a pas d’effet sur l’œil normal. Si la lésion se situe au niveau des deux premiers neurones, soit la mydriase est plus longue, soit il n’y a pas d’effet - 20 à 45 minutes pour le deuxième neurone et 60 à 90 minutes pour le premier neurone. Ce test permet simplement de savoir si la lésion se situe sur le troisième neurone mais est subjectif et peu fiable et ne permet pas de connaître l’origine de la lésion.

→ L’imagerie est incontournable pour localiser et identifier la lésion. L’IRM est l’outil de référence dans la recherche des lésions encéphaliques. Un scanner encéphalique normal n’exclut en effet pas la présence d’une lésion. La radiographie est un outil performant et facile d’accès dans l’investigation thoracique. L’échographie permet la réalisation de biopsies. La ponction-analyse du liquide céphalo-rachidien recherche les phénomènes inflammatoires et infectieux.

SYNDROME DE HORNER IDIOPATHIQUE

Plus de 50 % des cas de syndrome de Horner chez le chien et 40 % chez le chat sont idiopathiques : atteinte fonctionnelle sans lésion – démyélinisation probablement. Ce syndrome est bénin et se résout spontanément sur plusieurs semaines à plusieurs mois en fonction de la régénération des axones. Une prédisposition raciale est décrite notamment chez le golden retriever, le labrador et le border collie. L’âge moyen est de 5 à 8 ans mais peut être plus variable. Dans ces cas, il n’est pas déraisonnable de se laisser du temps. Si le propriétaire le demande, les examens complémentaires permettront d’exclure les causes lésionnelles de Horner en explorant l’entièreté du trajet nerveux : scanner de la tête, du cou et du thorax ou radiographie thoracique et IRM de la tête et du cou et ponction de LCS.

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