STATUT DE L’ÉLEVEUR, CONFORMITÉ, DOL ET PRÉJUDICE - La Semaine Vétérinaire n° 1871 du 16/10/2020 Echec de la connexion : Too many connections
La Semaine Vétérinaire n° 1871 du 16/10/2020

JURISPRUDENCE

ENTREPRISE

Auteur(s) : CHRISTIAN DIAZ

Un même jugement éclaire plusieurs points d’interrogation concernant les relations conflictuelles entre éleveur et acheteur d’animal de compagnie.

Les faits

M. Fox achète à M. Terrier deux chiots d’une même portée. Ces deux chiens, souffrant de dysplasie coxofémorale, sont euthanasiés. M. Fox agit en garantie de conformité contre le professionnel. Ce dernier conteste ce statut et se prétend particulier, par conséquent non concerné par le code de la consommation et la garantie qui en découle.

Le jugement

Le tribunal d’instance ayant fait droit aux demandes de l’acheteur, le vendeur interjette appel. La Cour d’appel confirme partiellement le jugement.

Pédagogie du jugement

1 - L’éleveur amateur n’existe plus

Depuis 4 ans, les avocats des éleveurs prétendaient que le statut dérogatoire de l’éleveur qui ne vend qu’une portée de race par an (dispensé de numéro Siren) en faisait un non-professionnel. La cour d’appel se prononce sans ambigüité : en l’état actuel du droit, tout particulier devient éleveur professionnel dès la première portée, inscrite ou non à un livre généalogique officiel, même sans numéro Siret, la notion d’éleveur amateur ayant disparu des suites de l’ordonnance du 7 octobre 2015 entrée en vigueur le 1er janvier 2016.

2 - Défaut de conformité

Le vendeur étant un professionnel et l’acheteur un consommateur, la garantie de conformité a vocation à s’appliquer.

Les deux chiots sont issus d’une lignée porteuse du gène de la dysplasie coxo-fémorale et ont développé des formes précoces. Cette affection, existant en germe au moment de la vente, constitue un défaut de conformité. Les soins étant impossibles et l’acheteur ne souhaitant pas un remplacement, ce dernier est fondé à solliciter la restitution d’une partie du prix d’acquisition. Cependant, la décision d’euthanasie n’est pas en lien direct avec la dysplasie, mais est consécutive à des affections digestives et urinaires récurrentes. C’est pourquoi la restitution doit être limitée à 50 % du prix d’achat des chiots.

3 - Dommages et intérêts, réticence dolosive, obligation de renseignement

Le dol peut être constitué par le silence d’une partie dissimulant intentionnellement un fait qui, s’il avait été connu du cocontractant, l’aurait empêché de contracter. Les éleveurs LOF, professionnels, ne pouvaient ignorer les antériorités de dysplasie de la hanche dans la lignée des chiots ni le caractère génétique de cette affection (…) et se devaient d’en aviser l’acheteur dans le cadre de leur obligation de renseignement (…), ce qui traduit une volonté de tromper et d’induire en erreur sur le véritable état de santé de l’animal (…), et constitue autant d’indices graves, précis, concordants révélateurs de dol.

4 - Préjudices

La réticence dolosive retenue n’ouvre droit à dommages et intérêts que dans la mesure du préjudice en résultant pour l’acquéreur.

- Frais vétérinaires (2 000 euros en première instance) réduits de moitié. Le juge écarte les frais vétérinaires liés aux seules affections digestives et rénales-en effet seule la dysplasie justifie l’action en garantie de conformité -, ainsi que les frais d’euthanasie qui ne sont pas en relation directe avec la dysplasie. Ces frais ne peuvent être réduits au profit du professionnel fautif au motif des remboursements d’une assurance privée souscrite en contrepartie du paiement de cotisations.

Cette dernière disposition soulève deux observations : le cumul des indemnités pourrait dépasser le montant du préjudice. Dans la plupart des contrats, l’assurance n’est pas censée couvrir les frais liés à une affection congénitale, celle-ci étant par définition antérieure à la souscription.

- Préjudice moral (2 000 euros en première instance) réduit de 75 %. L’acheteur a subi un préjudice moral résultant de divers tracas, inquiétudes, déplacements auxquels il a dû faire face pour diagnostiquer et traiter la maladie. Contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, l’euthanasie n’étant pas liée à la dysplasie, le préjudice moral en lien de causalité directe avec la seule dysplasie doit être réparé par l’octroi d’une indemnité de 500 euros pour les deux chiots. Rappelons que le préjudice moral, non technique, relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.

Source : Cour d’appel de Toulouse, 15 juin 2020

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