DE L’ART DE SEGMENTER SA CLIENTÈLE - La Semaine Vétérinaire n° 1871 du 16/10/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1871 du 16/10/2020

MARKETING

ENTREPRISE

Auteur(s) : FRANÇOISE SIGOT

En concentrant la majorité de son action sur les clients à plus fort potentiel, les gains de temps, d’argent et de confort de travail sont souvent au rendez-vous. Une stratégie gagnante surtout en ces temps où les cliniques sont sursollicitées.

Dans le monde vétérinaire comme ailleurs, force est de constater que tous les clients ne se valent pas. « Dans la plupart des cliniques, 30 % des clients font 4 à 5 % du chiffre d’affaires », calcule Pierre Mathevet, fondateur et dirigeant de Tirsev, conseil en stratégie et management vétérinaire. Lorsque l’on a du temps, les éternels mécontents, les mégoteurs et les hésitants agacent et prêtent même parfois à sourire. Mais quand les plannings se tendent, la rentabilité de la clinique peut être mise à mal par ces clients hyper chronophages. Sans compter l’énergie à dépenser pour riposter à leurs attaques, s’adapter à leurs caprices et argumenter les moindres faits et gestes. Une dimension à ne pas négliger. Alors que faire ? Le monde rêvé n’existe pas, il faudra donc toujours ferrailler avec quelques clients indélicats. Les repérer permet tout de même de mieux gérer la relation, voire de prendre ses distances avec la plupart d’entre eux et de gagner mieux et surtout plus agréablement sa vie. Bienvenue dans l’univers de la segmentation client !

Des critères objectifs

Procéder à un travail de segmentation ne doit surtout pas se transformer en une entreprise de discrimination. D’autant moins qu’il n’est pas question d’oublier sa mission de soignant. « Pour analyser quels sont les clients avec qui il est plus intéressant de travailler, il faut se fonder sur des critères objectifs », prévient d’emblée Pierre Mathevet. Parmi les indicateurs à retenir, le chiffre d’affaires réalisé auprès de chaque client arrive en tête. Pour affiner, le chiffre d’affaires rapporté au type d’acte est précieux, la rentabilité de chaque acte plus encore. « Avoir une vision précise du chiffre d’affaires réalisé auprès de chaque client est déjà une base solide », assure Pierre Mathevet. Au-delà des chiffres, il est également important de prendre en compte des éléments hors du champ comptable, comme la qualité de la relation avec sa clientèle et le potentiel de chaque client en partant d’une analyse de ses attentes. Certes, les critères seront moins objectifs puisqu’il s’agit d’un ressenti. Pour la qualité de la relation, il convient de mettre à contribution l’ensemble du personnel de la clinique. « Chacun des associés, et/ou des ASV, donne une note permettant d’évaluer la qualité de la relation que l’on a avec chaque client. On peut ainsi établir une moyenne », explique Pierre Mathevet. De quoi parvenir à un critère relativement objectif, nécessaire pour le travail de segmentation. Concernant le potentiel, la meilleure solution reste de prendre le temps d’interroger ses clients sur leurs attentes. « Certes, le chiffre d’affaires est important, mais le plaisir que l’on a à travailler avec un client l’est aussi, au même titre que la relation que l’on peut construire avec lui », insiste le spécialiste de la stratégie vétérinaire.

Faire des choix

Ainsi constituée, la grille d’analyse va donner une vision claire de la façon dont est composée la clientèle. Il sera plus aisé de faire des choix, mais les arbitrages dépendent de la stratégie adoptée par la clinique. Par exemple, les équipements et les compétences doivent être pris en compte. Les attentes de chacun des associés, voire de l’équipe également. Et il faut aussi regarder de près le « potentiel » de chaque client à plus ou moins long terme. « En rurale par exemple, les nouveaux installés font partie des clients à potentiels », estime Pierre Mathevet. Au final, on parviendra ainsi à qualifier la clientèle. Ceux qui au regard des critères semblent les plus intéressants vont vite se détacher du lot. Ceux qui le sont moins aussi et ceux qui ne le sont pas du tout encore plus. L’arbitrage sera simple. « Il ne s’agit pas de fermer brutalement la porte aux clients avec qui l’on ne souhaite pas ou moins travailler, mais dans un premier temps de voir si la relation que l’on a avec eux peut changer pour aller vers ce que l’on souhaite privilégier », indique Pierre Mathevet. Grâce à ces critères, il va être possible d’engager la discussion sur des données objectives. Certains s’éloigneront alors définitivement, d’autres pourront peut-être se révéler sensibles aux propositions que l’on pourra leur faire. La segmentation permet in fine de mieux comprendre les attentes de ses clients et donc de mieux les satisfaire.

Entretenir les liens et le travail de segmentation

La majeure partie du chemin sera alors bouclée. À ceci près que la segmentation client n’est pas un acquis définitif. Au contraire, elle s’entretient. D’abord en mettant en place des outils permettant d’apporter une attention particulière aux clients avec qui l’on se sent le plus à l’aise. « La fidélisation devient alors très importante », relève le consultant. En la matière, les outils ne manquent pas : sur le plan financier d’abord, mais aussi sur l’échange et le partage pour resserrer les liens. Remises, services personnalisés, temps d’échanges plus ou moins formels sont autant de pistes à suivre pour qu’un bon client le reste. D’ailleurs, il faudra périodiquement s’en assurer en retravaillant la segmentation. « L’idéal serait de faire une segmentation chaque année, mais on peut aller jusqu’à deux ans », admet Pierre Mathevet. De quoi pouvoir recentrer et réajuster régulièrement son action : « On reprend la main, on ne subit plus les choses. » Le chiffre d’affaires de la clinique ne devrait que mieux s’en porter et, cerise sur le gâteau, l’ambiance de travail en interne comme avec les clients aussi. Plutôt satisfaisant lorsque l’amplitude horaire des journées de travail ne cesse de s’accroître.

RETOUR D’EXPÉRIENCE

JÉRÔME DURAND LABOVET

Conseil (16 vétérinaires ; 25 ASV)

Il y a plus de 10 ans avec le laboratoire Virbac nous avons travaillé sur un projet de « segmentation » de la clientèle. Notre objectif était de mieux connaître nos clients pour leur proposer un meilleur service. Notre analyse n’a pas été basée sur le chiffre d’affaires ou la rentabilité de nos actions. La segmentation que l’on a utilisée fait partie d’une action plus globale et commerciale de proposition de service : c’est un outil pour mieux cibler nos services à nos clients. Une première étape passe par une bonne connaissance de nos valeurs et de notre catalogue de service. Puis, la segmentation prend la forme d’une étude des clients par rapport à leurs centres d’intérêt et leur prise de décision. Ainsi, nous pouvons proposer une offre ciblée par rapport à l’attente du client. Par exemple, nous ne proposons pas une prophylaxie à un client s’il préfère faire des économies et guérir plutôt que de prévenir ceci avec ses propres convictions. L’étude des profils humains de toute la clientèle nous a permis d’établir 4 catégories nous permettant de ne pas proposer le service A à un client qui nous attend sur le service B. À partir de notre catalogue de service et grâce à une meilleure connaissance de nos clients, nous avons créé des offres de services ciblées et mieux acceptées.

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