« UN MANQUE D’ÉTUDES POUR IDENTIFIER LES BESOINS » - La Semaine Vétérinaire n° 1868 du 25/09/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1868 du 25/09/2020

CLINIQUE CONNECTÉE

ANALYSE

Auteur(s) : TANIT HALFON

Stéthoscope connecté, glucomètre connecté… Si en médecine humaine, les objets connectés à visée médicale commencent à à être exploités, leur usage en médecine vétérinaire se heurte à la réalité du marché. Le point avec Annick Valentin-Smith, membre de Vet IN Tech.

Peu d’objets connectés à visée médicale disposent d’une version vétérinaire, explique Annick Valentin-Smith, vétérinaire et membre de Vet IN Tech, groupe de réflexion sur la e-santé animale.

En médecine humaine, sont déjà répertoriés plusieurs objets connectés utilisables par le professionnel de santé. Le vétérinaire a-t-il accès à des dispositifs similaires ?

En médecine humaine, ces dispositifs connectés sont des dispositifs médicaux évalués, validés et approuvés, 12 sont même reconnus officiellement pour un usage en télémédecine1. Les premiers utilisateurs de ces objets sont les patients chroniques comme les diabétiques, avec les glucomètres connectés, ou les insuffisants cardiaques avec les balances connectées qui détectent de façon très précoce la prise de poids associée à une décompensation. Les cabinets médicaux sont peu équipés car les données ne remontent pas encore directement dans le dossier médical du patient. Seuls quelques dispositifs connectés2 ont une version vétérinaire. En revanche, ils n’ont pas fait l’objet d’une validation scientifique chez l’animal, et n’ont pas prouvé qu’ils font aussi bien, si ce n’est mieux en sensibilité et spécificité que la méthode de référence. En médecine des animaux de compagnie, les seuls essais réalisés concernent la validation de trackers d’activité pour un usage dermatologique.

Développer et commercialiser des objets pour un usage strictement vétérinaire n’est-il pas porteur ?

En e-santé animale, il faut distinguer les dispositifs destinés aux propriétaires (B to C) des dispositifs destinés aux vétérinaires (B to B). Le marché vétérinaire est plus difficile d’accès car il demande une validation de la technologie et des essais cliniques. En l’absence de preuves, les praticiens se montrent sceptiques sur l’intérêt de ces dispositifs. De plus, le marché vétérinaire français, à lui seul, est aujourd’hui trop restreint pour être rentable. Par ailleurs, les objets connectés qui arrivent actuellement sur le marché n’ont globalement pas fait l’objet d’une étude de marché avec identification des véritables besoins des praticiens. La coopération avec les vétérinaires devrait se faire très en amont, dès la phase de démarrage d’un projet.

Que peuvent apporter ces objets, par rapport aux outils déjà existants ?

Ils permettent d’abord d’enregistrer à distance, et en permanence, et de sauvegarder des données, et donc de pouvoir les comparer dans le temps et de les partager entre vétérinaires. En outre, en y associant des systèmes d’intelligence artificielle, on peut plus rapidement détecter une anomalie. Par exemple, il est compliqué pour un cardiologue de lire 24 heures de tracés d’ECG enregistrés par un holter. Avec l’aide de l’intelligence artificielle, l’information sera analysée en quelques secondes. Ils pourront servir à automatiser la surveillance des animaux hospitalisés. Ce suivi sera prolongé à la maison avec les objets connectés équipant les animaux chez eux. D’un côté, il y a les usages purement vétérinaires, qui s’inscrivent dans un contexte clinique, et, de l’autre, les usages domestiques, avec des objets qui permettent de surveiller au long cours la santé de son animal. Ces dispositifs sont très utiles dans le cadre des actes vétérinaires qui peuvent dorénavant être pratiqués à distance, ce sont des outils qui peuvent donner des informations précieuses pendant les téléconsultations ou permettre la mise en place d’une télésurveillance.

Quels retours avons-nous de la médecine humaine sur la responsabilité du praticien utilisant ces objets ?

La responsabilité du fait d’un dispositif non conforme repose sur le fabricant. En médecine humaine, les choses avancent vite : le projet de loi bioéthique, qui aborde ce point, est en cours d’adoption. L’un des objectifs est de rappeler qu’une décision médicale ne peut pas résulter du seul résultat d’un traitement automatisé. Le médecin est bien identifié comme le décideur final et les données recueillies ne sont qu’un outil. Elle propose qu’en cas d’usage d’un système d’intelligence artificielle, le médecin devra en informer son patient. Il est aussi dit que lors de la conception d’un objet connecté, un professionnel de santé devra prendre la responsabilité des conclusions de l’algorithme. Enfin, il est envisagé que le comité national d’éthique ait un droit de regard sur les dispositifs d’intelligence artificielle utilisés en santé humaine.

1. Ces objets sont associés à des aides financières pour les médecins libéraux qui voudraient s’équiper. www.bit.ly/32LNjkd.

2. Ces dispositifs concernent particulièrement la médecine des animaux de compagnie.

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