LES RÈGLES ÉLÉMENTAIRES DU DROIT DU TRAVAIL EN JEU - La Semaine Vétérinaire n° 1868 du 25/09/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1868 du 25/09/2020

COVID-19

ENTREPRISE

Auteur(s) : JACQUES NADEL

La perspective d’une crise économique inquiète à juste titre les salariés du privé. En ces temps d’incertitude, le dirigeant peut être tenté de supprimer des postes pour améliorer rapidement le bilan de sa société. Les licenciements jugés irréguliers, sans cause réelle et sérieuse, abusifs, prononcés sans respect des procédures légales ou conventionnelles, peuvent être lourds de sanctions.

Compte tenu des efforts effectués par le gouvernement pour soutenir les entreprises, des salariés injustement licenciés pour un motif économique pourraient être légitimes à demander la requalification de leur licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse devant le conseil des prud’hommes et obtenir gain de cause. En cas de contestation du licenciement, l’appréciation de la cause réelle et sérieuse du licenciement par les juges pourrait être plus stricte et sévère au regard des aides dont auront bénéficié les entreprises pour préserver l’emploi.

S’il n’y a pas d’interdiction formelle et absolue de rompre un contrat de travail durant la période du Covid-19, l’état de crise sanitaire ne constitue pas en soi un motif de licenciement économique. Le licenciement pour motif personnel, ou économique, reste toutefois possible, même si le gouvernement a largement incité les entreprises, dès lors qu’elles justifient d’une baisse d’activité, à recourir au dispositif du chômage partiel. S’il va de soi qu’une suppression de poste devra être motivée par des difficultés financières avérées, la situation économique de l’entreprise avant l’épidémie devra également être prise en compte pour en apprécier la réalité.

En cas de licenciement irrégulier

Lorsqu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure mais que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut pas être supérieure à un mois de salaire. Cette sanction est notamment encourue en cas de non-respect des règles relatives à la convocation et au déroulement de l’entretien préalable ou à l’assistance du salarié lors de cet entretien, aussi bien dans le cadre d’un licenciement pour motif personnel que dans celui d’un licenciement pour motif économique, individuel ou de moins de 10 salariés sur 30 jours.

En cas de non-respect de stipulations conventionnelles

Pour les licenciements prononcés depuis le 24 septembre 2017, sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut pas être supérieure à un mois de salaire. Un tel manquement ne prive donc plus le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Pour les autres stipulations conventionnelles relatives au licenciement, leur violation ouvre droit pour le salarié à la réparation du préjudice subi, cumulable avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse si elles sont considérées comme de simples règles de forme, ou rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse si elles sont considérées comme des règles de fond.

Salaires, indemnités à verser : avec ou sans réintégration ?

Si le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer, et non imposer, la réintégration du salarié avec maintien des avantages acquis et droit au versement des salaires perdus entre son licenciement et sa réintégration. En sont déduits les revenus de remplacement (en particulier les allocations chômage) et les rémunérations perçus pendant cette période si l’employeur le demande au juge. Employeur et salarié sont libres de refuser la réintégration.

S’il ne propose pas la réintégration, ou si l’une ou l’autre des parties la refuse, le juge doit, pour les licenciements prononcés depuis le 24 septembre 2017, accorder au salarié une indemnité à la charge de l’employeur dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans un barème établi en fonction de l’ancienneté de l’intéressé dans l’entreprise.

Le salarié renonçant à sa réintégration, parce que l’employeur s’y oppose, a droit, en sus des indemnités mentionnées ci-dessus, à une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait perçue jusqu’à sa renonciation.

Saisie pour avis, la Cour de cassation a validé ce barème en le jugeant compatible avec l’article 10 de la convention 158 de l’Organisation internationale du travail qui exige le versement d’une indemnité adéquate au salarié dont le licenciement est injustifié, alors que les conseils de prud’hommes ont adopté des positions divergentes en la matière, y compris après cet avis. En fonction de chaque cas d’espèce, le juge du fond peut s’affranchir du barème lorsqu’il ne permet pas d’allouer au salarié une réparation en adéquation avec son préjudice, à condition que l’intéressé demande expressément l’examen de sa situation.

Pour déterminer l’indemnité, dans les bornes du barème, le juge doit considérer tous les éléments déterminant le préjudice subi par le salarié licencié. Il peut aussi tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture, à l’exception de l’indemnité légale de licenciement.

En cas de licenciement économique, l’indemnité est cumulable, dans la limite des montants maximaux fixés par ce barème, avec l’indemnité pour non-respect des procédures de consultation des représentants du personnel ou d’information de l’autorité administrative, de non-respect de la priorité de réembauche, d’absence de représentants du personnel alors que l’entreprise est assujettie à cette obligation et qu’aucun procès-verbal de carence n’a été établi.

Des allocations chômage à rembourser

Outre l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse versée au salarié, l’employeur pourra être amené à verser des sommes à Pôle emploi. En effet, l’article L. 1235-4 du code du travail prévoit qu’en cas de licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse ou nul, l’employeur peut se voir réclamer par Pôle emploi le remboursement de tout ou partie des allocations chômages versées à son ancien salarié à la suite de la rupture, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de 6 mois - excepté pour les licenciements de salariés ayant moins de 2 années d’ancienneté et les licenciements intervenus dans des entreprises de moins de 11 salariés.

Si cette faculté n’était jusque-là pas systématiquement mise en œuvre par Pôle emploi, elle pourrait le devenir pour les licenciements qui seront reconnus abusifs à l’issue de la période d’urgence sanitaire.

Dans un arrêt du 5 février 2020, la Cour de cassation précise ainsi qu’en l’absence de motif économique, le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) devenant sans cause, l’employeur est tenu de rembourser les indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, en déduisant la contribution prévue à l’article L. 1233-69 du code du travail et déjà versée par l’entreprise aux organismes concernés.

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