C’ÉTAIT CHAMPIGNELLES

Champignelles c’était avant tout un projet pédagogique. Immerger des petits groupes de citadins (12 étudiants au départ) en pleine campagne, en pleine nature et les faire encadrer par des gens passionnés pour leur faire découvrir les joies et les difficultés de la pratique de « la rurale ». Leur faire manipuler des animaux, aimer les autopsies, s’intéresser à l’abattoir, approcher des éleveurs et se sentir utiles auprès d’eux. Se lever malgré le froid, la neige, faire de la route, arpenter les stabulations, examiner des veaux, vaches, cochons, couvées, remplir les bâtiments de fumée froide, fouiller, piquer, prélever, peser, les pieds dans le fumier. Discuter jusqu’à point d’heure entre étudiants, entre étudiants et enseignants, entre étudiants et éleveurs, techniciens, vétérinaires, conseillers de la banque, de la boîte d’aliment, de la chambre d’agriculture… Approcher des réalités parfois tragiques, souvent bien loin des préoccupations citadines.

Et toujours dans la bienveillance et dans la confiance. Champignelles c’était un projet d’exploitation à la pointe : des moutons (des INRA 401 avant la création de la race Romane, et des Vendéennes car les agneaux ont de la laine à la naissance), des bâtiments innovants, légers, conçus en prenant en compte le comportement des animaux. Mais bon c’est sûr, un bâtiment innovant dans les années 1980 devient vite obsolète sur la durée. Champignelles c’était un projet au service de l’enseignement et des éleveurs. Des examens possibles sur place tout de suite (des copros, des autopsies, des échos…) ce qui n’était pas courant au début.

Champignelles c’était le café après la visite et parfois la trouspinette, le ratafia de raisin, de pomme, de prune, de poire, de fleurs de pissenlits (!) autour d’une tarte, des palmitos maison ou des beignets dans le godet du tracteur. C’était les crêpes, le repas de cerf, les repas « entre amis » au centre, le barbecue, le télescope et le sarcophage. C’était le taureau qui répond à son nom, le chien qui saute sur le dos des moutons, la chèvre qui met bas sur la descente de lit, le chihuaha qui prend son calmant « tous les matins dans son bol de café », le veau qui porte mon nom, les vaches qui restent couchées dans le pré et se laissent caresser… Les cochons couverts de pustules, les parasites qui grouillent sur les taurillons, le percheron pourri d’ascaris, les veaux qui perdent leurs oreilles, les brebis étranglées par l’auge affaissée, le poulain décapité par un chasseur qui l’a confondu avec un chevreuil…

C’est Veaulin, Delaporte, Juquet, Houdemont, Batman, Gionnet, Souhon, Glaudin, Desplanches, Bets, Huguet, Nachbar, et j’en passe évidemment. Ce sont Mme Flé, Pedrozo, Lamine, Jean-Louis, Alain, Roch, Eric, Geneviève, Halima, Claire, Christiane, Céline, Nico, Nicolas, Florent, Christophe, Edwige, Edwige, Pascaline, Maggy, Liviana… Mais aussi Hélène, Jean-Jacques, Marc, Bruno, Henri-Jean, Patrick, Edouard, Isabelle, Philippe, Renaud, Alline, Andrew, Maxime, Karim, Radu, Valérie… et moi et moi et moi. Ce sont Tolkien, Yota, Bilbo, Parylène et Django. C’est le personnel aux petits soins pour accueillir, préparer les repas (bof bof les menus), équiper le bus (ne pas oublier les cottes, les gants, le gel, la caisse bâtiment, le désinfectant, les seaux, la caisse de goûter, les sandwichs, le pain d’épice), mettre un bol pour Django dans ma chambre, des fleurs, des chocolats… Bye bye Champi. Le centre a marqué bien des promos d’étudiants, c’est au projet Nocard de prendre le relai. Bon vent au paquebot ! À dans 30 ans !