UN CAS INATTENDU DE BVD DANS UN ÉLEVAGE DE VACHES LAITIÈRES - La Semaine Vétérinaire n° 1866 du 11/09/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1866 du 11/09/2020

CAS CLINIQUE

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

FORMATION

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE

CONFÉRENCIÈRE

LAURA-MAY CANONNE (Mayenne), Oniris 2015. Article rédigé d’après la publication présentée lors des BVDzero Award 2020

La BVD (Bovine Viral Diarrhea) est une maladie virale (pestivirus) à l’origine de signes cliniques très variés (dont la diarrhée) et de pertes de production multiples (avortements, mortalités néonatales…). On parle de maladie des muqueuses lors de contamination in utero de certains veaux qui naissent infectés permanents immunotolérants ou IPI. Dans l’exploitation de 50 vaches laitières présentée par la conférencière, trois avortements sont survenus au cours des mois précédents. À l’analyse, les tests sérologiques se sont révélés négatifs pour la brucellose, la BVD et la néosporose mais ils étaient positifs pour la fièvre Q avec une confirmation du passage de Coxiella burnetii dans le troupeau lors de l’analyse par polymerase chain reaction (PCR) du lait de tank. Par ailleurs, les analyses bisannuelles n’ont montré aucune circulation du virus de la BVD dans le troupeau laitier.

Des symptômes évolutifs

Le 11 juin 2019, l’éleveur a constaté une baisse de production laitière et une diminution de l’appétit chez une génisse Prim’Holstein de 26 mois qui avait vêlé environ 15 jours auparavant avec rétention placentaire. Traitée dans un premier temps par l’éleveur avec un antibiotique à base de pénicilline et de dihydrostreptomycine (Intramicine), un acide tolfénamique (Tolfine) et un complément alimentaire oral pour stimuler la rumination (Rumi C3), en l’absence d’amélioration de l’état clinique de l’animal, le vétérinaire est ensuite appelé. Lors de la première visite, la vache présentait une hyperthermie (40 °C), une absence de contraction ruminale audible ainsi qu’une acidurie (pH 5). Compte tenu de ces données, une ehrlichiose est alors suspectée. La génisse est alors traitée avec de l’oxytétracycline (10 mg/kg) (Oxytétracycline 10 %) en supplément du traitement mis en place auparavant par l’éleveur. Toutefois, l’état de l’animal se dégrade ensuite (déshydratation, muqueuses légèrement ictériques, absence totale de rumination et diarrhée abondante). L’analyse d’urine révèle alors une acidurie (pH 5), une protéinurie (+++) ainsi qu’une hématurie. Le tableau clinique, la couleur des muqueuses et l’analyse d’urine suggèrent une insuffsance rénale et hépatique, confirmée par analyse biochimique bien que la diarrhée abondante et le reste du tableau clinique aient de nombreuses étiologies possibles. Un traitement symptomatique est alors mis en place avec l’administration d’argile, de Rumi C3, d’antispasmodiques (scopolamine et métamizole : Estocelan) et les antibiotiques sont remplacés par du triméthoprime sulfaméthoxypyridazine (Septotryl).

Un examen post mortem d’importance cruciale

L’animal décède quelques jours plus tard et l’autopsie révèle la présence d’un foie de taille augmentée avec une dizaine de plaquards blanchâtres de 1 à 5 cm de diamètre, de consistance augmentée et entourés par des zones de halos hémorragiques. Il s’agit donc d’une grave hépatite nécrosante diffuse et multifocale associée à une stéatose sévère, suggérant une hépatite due à la bactérie Fusobacterium necrophorum. De plus, les poumons présentent les mêmes lésions ce qui confirme l’hypothèse d’une bactériémie. Les ulcères œsophagiens évoquent des lésions de BVD. C’est pourquoi, même si les indicateurs du lait de tank étaient négatifs, une recherche de virus BVD est réalisée par PCR dans la rate et elle se révèle positive (animal virémique). S’agit-il d’un animal immunotolérant infecté de façon persistante (IPI) ou d’un animal infecté de manière transitoire (ITI) ? Un Ct (indicateur de charge virale) de 33 suggère qu’il s’agit probablement d’un ITI. Il aurait été intéressant de pouvoir tester le veau de cette vache mais malheureusement il avait déjà été vendu. Une surveillance de l’exploitation par analyse sur l’ensemble du troupeau (PCR sur lait de cuve et sérologie ou PCR sur tous les autres animaux présents) est alors menée. Les résultats montrent que 5ffveaux de moins de 6 mois étaient virémiques, mais aucun animal de plus de 6 mois n’avait d’anticorps BVD. Les 5 veaux positifs ont été de nouveau testés 5 semaines après la première analyse. Trois étaient encore virémiques mais un seul d’entre eux avait un Ct <25.

Une présence de BVD inattendue

Pour expliquer ces résultats, les auteurs de l’étude suggèrent que les deux autres animaux étaient virémiques transitoires (Ct = 31 et 42 lors de la première analyse et Ct = 36 et 39 lors de la seconde) bien que la virémie ait semblé durer très longtemps. Lorsque les animaux ont été isolés et testés à nouveau 9 semaines après la première analyse, il ne restait qu’un animal virémique (Ct = 24 pour les trois analyses). Il s’agissait d’un animal IPI, qui a alors été abattu. Dans ce contexte, une vaccination (Bovela) est mise en œuvre très rapidement pour l’ensemble du troupeau afin de limiter la présence de nouveaux IPI. De plus, un prélèvement cutané de l’oreille a été réalisé sur tous les veaux nés pendant un an pour le dosage immunologique de l’antigène E0. Compte tenu de la gravité des signes cliniques, qui étaient probablement secondaires à l’immunosuppression causée par le virus BVD, et de la persistance (exceptionnellement longue) de la virémie transitoire chez certains veaux, il a été décidé de typer la souche de BVD responsable. Il s’agissait de BVD de type 1. Ce cas clinique souligne donc l’importance de réaliser un examen post mortem afin de réduire les répercussions économiques pour l’éleveur. En effet, grâce à cette gestion, seul un cas d’IPI nouveau-né a été détecté 8 mois après l’épisode clinique.

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