WELHBEEF, UN MODÈLE INNOVANT POUR LIMITER LES MALADIES RESPIRATOIRES ? - La Semaine Vétérinaire n° 1865 du 04/09/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1865 du 04/09/2020

RECHERCHE

PRATIQUE MIXTE

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE

La prise en charge des troubles respiratoires dans les ateliers d’engraissement évolue. Le dispositif expérimental WelHBeeF mis en place pour évaluer l’incidence de la préparation des broutards livre ses premiers résultats.

Réviser la préparation sanitaire dans les ateliers d’engraissements de jeunes bovins tout en l’adaptant au contexte. Telle est la conclusion du projet WelHBeeF1, dont les résultats ont été présentés par Élise Vanbergue (chefs de projet Santé et bien-être à l’Institut de l’élevage Idele) lors d’une conférence en juin dernier. Mené par l’Unité mixte technologique (UMT) Pilotage de la santé des ruminants avec de nombreux partenaires 2, le projet vise à définir une conduite d’élevage innovante pour faciliter la transition entre la naissance et l’engraissement des animaux (réduction de la fréquence des maladies respiratoires et de l’utilisation des antibiotiques).

Des conditions stressantes

En effiet, actuellement les broutards sont élevés chez des naisseurs jusqu’à 10 mois environ puis ils vont dans des ateliers d’engraissement plus ou moins longtemps après le sevrage. Ils sont alors triés dans des centres de rassemblement afin de constituer des groupes de taille et de poids homogènes. Tous ces évènements stressants influencent négativement l’immunité et le microbisme des animaux, augmentant le risque de maladies respiratoires dans les 3-4 semaines qui suivent l’arrivée en engraissement (75-80 % des troubles de santé dans ces ateliers). Pour améliorer cette situation et répondre à l’interdiction de l’antibioprévention, le projet WelHBeeF propose des alternatives en termes de traitement ou de conduite d’élevage, comme le sevrage précoce des animaux pour dissocier le stress du sevrage de celui du transport ou bien la vaccination contre les trois agents pathogènes les plus fréquemment responsables de maladies respiratoires (BRSV, BPi3 et Mannheimia Haemolytica) ainsi que la vermifugation. Par ailleurs, les animaux peuvent être complémentés en oligoéléments, vitamines et extraits de plantes afin de renforcer leur immunité avant le départ.

Expérimentation de pratiques alternatives

Un essai expérimental a ainsi été mené sur 168 broutards pour évaluer l’intérêt et l’impact de ces pratiques - immunité des bovins, croissance des animaux, observations cliniques pré et post mortem, mesures des taux d’anticorps et de cytokines, observations comportementales et enfin évaluation du statut en oligoéléments -, ainsi que le retour des professionnels du secteur. D’un point de vue clinique, un score a été établi : état général, toux, jetage, fréquence et amplitude respiratoire.

Associé à la température de l’animal, il permet d’évaluer un taux de morbidité (score clinique > 1 et T > 39,5 °C : animal malade). De plus, un score lésionnel a été établi grâce à l’observation post mortem des poumons des animaux (lobe pulmonaire concerné et étendue de la lésion). L’immunité statique (sans stimulation) a été évaluée par sérologie ELISA sur différents agents pathogènes respiratoires à différents âges et par mesure des taux de cytokines. Enfin, la compétence immunitaire (réaction à la stimulation immunitaire) a été évaluée à deux dates.

Des résultats surprenants

Contrairement aux attentes, dans cette expérience les maladies respiratoires se sont révélées plus fréquentes chez les bovins des lots préparés que chez les témoins. Ainsi, la morbidité des maladies respiratoires était en moyenne de 19 % chez les témoins et de 32 % chez les animaux préparés (p :0,07). Quant au score lésionnel moyen des poumons, il était supérieur dans le lot préparé par rapport au lot témoin chez deux engraisseurs. Ces résultats peuvent s’expliquer, selon Élise Vanbergue, par le contexte épidémiologique particulier de ces élevages. Ainsi, l’identification par qPCR des écouvillons profonds des bovins a révélé la présence de coronavirus dans 81 % des cas et de Pasteurella multocida chez 47 % d’entre eux. À l’inverse, les agents contre lesquels les bovins étaient vaccinés ont été peu retrouvés dans ces élevages, ce qui est atypique. Par ailleurs, le dosage des cytokines révèle que 10 % des animaux préparés sont arrivés en atelier d’engraissement dans un état inflammatoire modéré à sévère en raison de conditions d’hébergement peu favorables chez les naisseurs. Enfin, les protocoles vaccinaux réalisés chez les naisseurs étaient divers (variabilité des compétences immunitaires individuelles). Le protocole WelHBeeF a donc permis de conclure que la préparation sanitaire complète depuis la naissance de l’animal est globalement positive même si elle doit être adaptée au contexte et mise en place pour compléter de bonnes pratiques d’élevage.

1. www.idele.fr/reseaux-et-partenariats/welhbeef.html

2. Institut de l’élevage, École nationale vétérinaire de Toulouse, Oniris, Institut national de la recherche agronomique et de l’environnement (INRAE), CCPA (groupe d’experts en nutrition et santé animales) et la coopérative EMC2.

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