RENFORCER SA TRÉSORERIE EN TEMPS DE CRISE - La Semaine Vétérinaire n° 1865 du 04/09/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1865 du 04/09/2020

COVID-19, LE JOUR D’APRÈS

ENTREPRISE

Auteur(s) : JACQUES NADEL

En sortie de crise, la reprise d’activité n’a pas été forcément au rendez-vous et la situation financière peut rester fragile. Aussi, chaque entreprise doit faire le point sur les failles de sa gestion de trésorerie. Quelles sont les mesures de soutien du gouvernement qui n’ont pas jusqu’ici été mises en œuvre ? Pourquoi ? Comment le problème aurait-il pu être géré ? Quelles sont les autres solutions possibles et celles à envisager en dernière extrémité ?

Report des échéances fiscales et du paiement des cotisations sociales, renforcement du dispositif du chômage partiel, prêt de trésorerie garanti par l’État (PGE), report du paiement des loyers et suspension des échéances bancaires de 6 mois sur des crédits long terme… Pour amortir le choc économique, soulager la trésorerie des entreprises confrontées à un ralentissement d’activité et éviter les faillites en cascade, le gouvernement a sorti l’artillerie lourde. Et les petites entreprises y ont eu recours avec discernement, après avoir consulté leur expert-comptable. Pendant le confinement et la baisse d’activité, « le PGE et le décalage des emprunts de 6 mois sont les deux dispositifs les plus efficaces pour sécuriser la trésorerie », estime Amélie Bouttemy, expert-comptable du cabinet AdequA.

Les entreprises qui s’en sortiront le mieux seront celles qui feront acte de résilience et tireront parti de cette crise du coronavirus. Elles challengeront leur organisation, et opéreront parfois de profonds changements dans la gestion de leurs achats, de leur poste clients et du recouvrement de leurs impayés.

Déterminer son seuil de rentabilité

La première des choses à faire est de se rapprocher de son expert-comptable et de définir, avec lui, le seuil de rentabilité : il s’agit du chiffre d’affaires minimal pour pouvoir couvrir l’ensemble de ses frais fixes - frais généraux, frais de personnel, rémunération du dirigeant, échéances d’emprunt, intérêts et capital.

Ce seuil de rentabilité pourra être exprimé sur la période étudiée (jour, semaine) et décliné en nombre d’actes, de consultations et de ventes. La période d’observation peut s’étaler jusqu’au mois d’octobre. Si le seuil de rentabilité n’est pas atteint une fois que le délai de suspension des échéances de 6 mois sera passé (en cas de décalage des emprunts), il conviendra alors de réduire certains frais fixes.

« Il ne faut pas négliger les autres pistes offertes par les mesures d’accompagnement aux entreprises, et donc aux vétérinaires, qui n’auraient pas encore été utilisées pour passer ce cap difficile », conseille Joël Lecœur, expert-comptable du cabinet LLA (Lecœur, Leduc et associés). L’objectif sera de préserver sa trésorerie tout en assurant le paiement des salaires et de ses fournisseurs. Le vétérinaire aura besoin de toutes ses forces vives pour relancer son activité.

Pédale douce sur les achats directs

« Le premier réflexe d’un grand nombre de petites entreprises est d’allonger les délais de paiement “fournisseurs” afin de se constituer un matelas de liquidités », constate Joël Lecœur. « À terme, le risque d’un effet domino qui serait fatal aux structures les plus fragiles est réel », met-il en garde. Il conseille plutôt comme action prioritaire de différer les commandes et livraisons des achats directs non nécessaires à la poursuite de l’activité et de privilégier les commandes auprès des grossistes et centrales d’achats pour le réapprovisionnement. Il ne faut pas perdre de vue que la réception de la marchandise déclenche juridiquement la facturation et donc le paiement. Le direct étant payable généralement à 60 jours.

Le plein d’idées pour « une approche préventive »

Par rapport à une trésorerie impactée par une baisse d’activité, « il y a toujours moyen d’adopter une approche préventive », explique Amélie Bouttemy. Elle suggère différentes actions : améliorer l’organisation ; revoir un accueil défaillant des propriétaires et de leur animal, notamment sur le plan des consignes sanitaires, révélé pendant le confinement ; adapter des horaires d’ouverture ; gérer les absences des collaborateurs par un agenda en binôme ou une flexibilité des horaires, voire le recrutement d’un intérimaire, car un salarié absent, c’est de l’attente en plus et potentiellement des clients perdus ; travailler la rentabilité de l’entreprise par des achats groupés, en traquant les dépenses inutiles (rationalisation des coûts, par un tableau de suivi de ses achats et de ses consommations avec un recensement précis de ses principaux fournisseurs : électricité, gaz, assurance, conseil, informatique, abonnement internet ou de téléphonie, fournitures de bureau) ; adopter une démarche écologique et d’économie d’énergie avec l’utilisation d’ampoules basse consommation, la mise en veille automatique des écrans des ordinateurs… ; limiter les prélèvements du dirigeant et par anticipation demander un ajustement de son échéancier de cotisations pour tenir compte d’ores et déjà d’une baisse de revenu, en estimant son revenu réel sans attendre la déclaration annuelle ; travailler plus…

« L’ensemble de ces mesures permettra de réduire le seuil de rentabilité et donc de renforcer la trésorerie. Toutefois, il est urgent pour l’instant de ne pas s’engager précipitamment sur une politique défensive et de restrictions des coûts, ça pourrait être contre-productif ! », souligne Amélie Bouttemy qui rappelle que les investissements financiers dans les TPE s’inscrivent sur du long terme.

« Si à la fin octobre, le niveau d’avant crise n’est pas revenu et que le point mort n’est pas atteint, alors il conviendra d’envisager des mesures structurelles, au niveau de l’exploitation, un ou des licenciements, et au niveau financier un réétalement de la dette », prévient Joël Lecœur. Si ces mesures s’avéraient insuffisantes - dont le recours aux prêts de trésorerie garantis par l’État -, « il conviendrait alors d’envisager des décisions stratégiques telles qu’adopter une structure juridique et fiscale plus adaptée (IS ou IR), se grouper, transférer, ouvrir le capital à un ou plusieurs autres associés, vendre la clinique ou le cabinet vétérinaire », ajoute Amélie Bouttemy. Un prévisionnel devra être établi avec son expert-comptable pour mesurer la pertinence des choix envisagés.

SOLLICITER UN PRÊT DE TRÉSORERIE

Ce dispositif de PGE (Prêt garanti par l’État) a pour objectif de faciliter l’octroi par les banques de prêts de trésorerie et permet de disposer de la trésorerie nécessaire pour poursuivre son activité, préserver les emplois et assurer les paiements interentreprises (paiement notamment des fournisseurs).

Il suffit de contacter le conseiller bancaire habituel de sa banque pour en bénéficier. Votre expert-comptable sera en mesure de déterminer avec vous son montant sans pouvoir dépasser 3 mois de chiffre d’affaires et ses modalités de remboursement d’une durée maximale de 5 ans avec un différé de 12 mois.

Une fois obtenu le préaccord de prêt par votre banque, il conviendra de se connecter sur le site de la BPI (Banque publique d’investissement) afin d’obtenir un identifiant unique permettant le déblocage des fonds.

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