LA TÉLÉ-EXPERTISE SIGNE-T-ELLE LA FIN DE LA CONFRATERNITÉ ? - La Semaine Vétérinaire n° 1865 du 04/09/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1865 du 04/09/2020

EXPRESSION

LA QUESTION EN DÉBAT

Auteur(s) : TANIT HALFON

La télé-expertise est le fait pour un vétérinaire de solliciter à distance l’avis d’un confrère ou d’une consoeur du fait de sa formation ou de compétences particulières, pour la prise en charge d’un animal. Déjà autorisée depuis quelques années, sa pratique a été récemment confortée avec le décret autorisant l’expérimentation de la télémédecine.

« UN PARTENARIAT GAGNANT-GAGNANT »

LAËTITIA DORSO (N 2005)

Praticienne-hospitalière en autopsie à Oniris (Loire-Atlantique)

Je suis régulièrement sollicitée par mail pour donner mon avis sur une autopsie. J’y réponds gracieusement, au titre de la confraternité, mais les conditions ne sont pas optimales pour la réalisation d’un diagnostic pertinent : photos de plus ou moins bonne qualité, défaut de prélèvements… Dans ce contexte, j’expérimente depuis novembre 2019 un projet de lunettes connectées, en partenariat avec un praticien du terrain. L’idée est de pouvoir assister en direct à l’examen autopsique. À ce stade, l’objectif est d’en étudier la faisabilité et la pertinence. Les premiers résultats sont encourageants, avec des échanges fluides et un compte-rendu d’autopsie plus précis et personnalisé. Cela illustre le fait que la téléexpertise est un partenariat gagnant-gagnant, au bénéfice de tous, y compris du client, et ne fait que renforcer les liens entre vétérinaires généralistes et spécialistes. C’est totalement comparable au système de référés, avec l’avantage de ne pas rompre la relation avec son client.

« UN GAGE DE SÉRIEUX »

VIRGINIE DELPONT (N 2003)

Vétérinaire canin à Noisy-le-Roi (Yvelines)

Je ne vois que des avantages à la télé-expertise. Cela va dans le sens de la confraternité en permettant d’abord de solliciter à bon escient nos spécialistes, qui pourront prendre un temps de meilleure qualité pour nous répondre. Ensuite cela renforce notre diagnostic généraliste et nos conseils de traitements, et donc le sérieux du service apporté à nos clients. Le référé est plus pertinent, tout le monde y gagne du temps. Les clients sont prêts à payer en plus un supplément pour avoir un avis de spécialiste qui renforce le premier avis de leur vétérinaire traitant. Nous évitons à nos clients parfois un long trajet ou un long temps d’attente, en adressant mieux nos clients après téléexpertise. Cela n’empêchera pas les échanges informels ni les conseils gratuits entre confrères, gages d’une solidarité précieuse, ossature de la confraternité. Mais alors que nous revendiquons tous le fait de pouvoir valoriser nos actes à leur juste valeur, je ne vois pas pourquoi ces conseils de confrères spécialistes ne devraient pas être rémunérés.

« UNE MEILLEURE RELATION ENTRE VÉTÉRINAIRES »

ÉMILIE VIDÉMONTDREVON (L 2007)

Vétérinaire spécialiste en dermatologie à Saint-Martin Bellevue (Haute-Savoie)

Je suis régulièrement sollicitée par des confrères et consoeurs pour avoir mon avis sur un cas clinique. Y répondre demande parfois beaucoup de temps. En outre, ceux qui me sollicitent le plus ne sont pas forcément les mêmes qui me réfèrent des patients. Cela ne me choquerait pas de mieux cadrer ces pratiques et d’y associer une rémunération. Je suis persuadée que cela irait dans le sens d’une amélioration de la relation entre vétérinaires et permettrait, en tant que spécialiste, de mieux se positionner dans les conseils que l’on prodigue. Les clients peuvent être demandeurs, et tout à fait comprendre que leur vétérinaire ne maîtrise pas tout. Néanmoins, pour ma discipline, je me projette difficilement car elle repose sur un examen clinique lésionnel associé à des examens complémentaires au chevet de l’animal. Il y a toujours la possibilité de prendre des photos mais nul n’est à l’abri d’une image de mauvaise qualité pouvant orienter sur un diagnostic erroné.

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