SYNDROME OCCLUSIF : DOIT-ON DIFFÉRER LE TRAITEMENT CHIRURGICAL ? - La Semaine Vétérinaire n° 1863 du 21/08/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1863 du 21/08/2020

VACHE

PRATIQUE MIXTE

FORMATION

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE

CONFÉRENCIERS

GUILLAUME BELBIS, YVES MILLEMANN, VINCENT PLASSARD ET COLL.

Unité de pathologie des animaux de production, ENVA.

Article rédigé d’après la conférence « Suspicion de dilatation de caillette et bilirubinurie chez une vache blonde d’Aquitaine » présentée lors des journées nationales des GTV, les 15 et 17 mai 2019.

Une vache blonde d’Aquitaine de 11 ans, non gestante, est référée au service d’hospitalisation des grands animaux de l’École nationale vétérinaire d’Alfort (EnvA) pour abattement profond et anorexie depuis 36 heures. Elle est issue d’un troupeau de 75 mères sans antécédents pathologiques majeurs. À l’examen clinique, elle présente un état général dégradé, un œil sale purulent, une énophtalmie prononcée et un mufle sec conduisant à estimer la déshydratation à 10 %, une hypothermie à 37,1 °C et une tachycardie prononcée (100 bpm). À l’auscultation, la motricité ruminale est absente et un son métallique (« ping ») est audible à la percussion du flanc droit, sa localisation étant centrée dorsalement entre la 10e et la 13e côte. Par ailleurs, l’examen des urines révèle une bilirubinurie. Le tableau clinique est donc dominé par des signes cliniques évoquant un arrêt du transit digestif secondaire à un syndrome occlusif et le développement d’un état de choc hypovolémique (tachycardie, déshydratation, détérioration de l’état général…).

Une hypothèse de syndrome occlusif confirmée

Dans ce contexte, parmi les hypothèses diagnostiques évoquées (volvulus abomasal, duodénal, intussusception, occlusion intestinale, syndrome hémorragique jéjunal, volvulus du cæcum), en raison de l’importance du choc et de l’analyse des urines, l’hypothèse d’un syndrome occlusif (volvulus duodénal) conduisant à une alcalose métabolique avec hypokaliémie et d’une cholestase est la plus probable. Diagnostic qui aurait d’ailleurs pu être confirmé par un dosage de la chlorémie ou par un examen échographique.

Un traitement adapté

Pour traiter l’état de choc de l’animal, une fluidothérapie hypertonique (NaCl 7,2 %, 3 L) puis isotonique (NaCl 0,9 %, 20 L) est mise en place. Une décision chirurgicale est ensuite prise (laparotomie par le flanc droit classique), après avoir administré à la vache une antibiothérapie à base de pénicilline et dihydrostreptomycine, et un anti-inflammatoire non stéroïdien (méloxicam). L’examen de la cavité abdominale confirme la présence d’un volvulus de l’anse sigmoïde du duodénum, sans nécrose. La nuit suivant l’intervention de réduction du volvulus, la vache meurt malgré la fluidothérapie mise en place. L’autopsie révèle la présence de lésions hémorragiques dans la séreuse du duodénum crânial ainsi qu’une dilatation de la vésicule biliaire et des canaux biliaires.

Un traitement à bien évaluer

Ce cas clinique témoigne donc de l’importance de connaître les critères devant conduire à mettre en œuvre un traitement médical avec réévaluation ou bien à procéder à une chirurgie immédiate. À cet égard, Sattler propose de prendre en compte plusieurs paramètres : la motricité ruminale (présente ou non), la durée d’évolution et l’effet des traitements mis en œuvre, le degré de déshydratation, la fréquence cardiaque et le résultat de l’examen transrectal, comme aide au choix lors de diagnostic de dilatation du cæcum. Dans le cas présent, ce sont les critères cliniques qui ont conduit à opérer très rapidement. La réalisation d’un ionogramme aurait également pu être envisagée, afin de mesurer chlorémie et kaliémie1. En effet, lors de dilatation/volvulus cæcal, la valeur de la chlorémie peut être recommandée comme critère de décision, une chlorémie inférieure à 80 mEq/L2 devant conduire à mettre en œuvre un traitement chirurgical. L’échographie aurait également pu être envisagée3, 1. Ici la non-disponibilité des outils diagnostiques au chevet de l’animal et la nécessité d’intervenir rapidement ont conduit à ne pas les utiliser et à se fier seulement à l’examen clinique et à l’analyse d’urine. Malgré tout, ces quelques éléments ont permis d’établir un diagnostic présomptif assez fin et, au final, exact.

1. Vogel S. R., Nichols S., Buczinski S. et coll.

Duodenal obstruction caused by duodenal sigmoid flexure volvulus in dairy cattle : 29 cases (2006-2010). JAVMA. 2012;241(5):621-625.

2. Anderson D. E., Ewoldt J. M. Intestinal surgery of adult cattle. Vet. Clin. North Am. Food Anim. Pract. 2005;21(1):133-154 ;

Bourel C., Badillo M., Buczinski S., Bélanger A.-M. Volvulus de l’anse sigmoïde du duodénum chez une vache laitière. 2010. Le Point Vétérinaire, 308.

ACIDURIE PARADOXALE LORS DE TROISIÈME SECTEUR DIGESTIF

Lorsqu’un troisième secteur digestif (volvulus de caillette, syndrome occlusif au sens large) est présent, la sécrétion de HCl dans la lumière abomasale se poursuit, mais son absorption intestinale est diminuée, voire bloquée. Ce mécanisme conduit à une diminution des concentrations sanguines en Cl-, mais aussi en H+ à l’origine d’une alcalose métabolique hypochlorémie (et hypokaliémique, le K+ n’étant plus absorbé au niveau intestinal). Puis, lorsque le sang est filtré au niveau glomérulaire, le filtrat obtenu est plus riche en HCO3-, et moins riche en Cl-. Par conséquent, en raison de l’hypokaliémie existante, l’organisme tente de conserver le K+ : l’absorption du Na+ sera alors couplée à une sécrétion de H+ dans les urines. C’est pourquoi, lors d’alcalose hypochlorémique (ou pour toute cause d’hypochlorémie), les urines peuvent présenter un pH acide, comme dans le cas clinique présent.

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