LES CARNIVORES DOMESTIQUES, DES SOURCES POSSIBLES DE CAMPYLOBACTER - La Semaine Vétérinaire n° 1863 du 21/08/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1863 du 21/08/2020

ZOONOSES BACTÉRIENNES

PRATIQUE CANINE FELINE NAC

Auteur(s) : TANIT HALFON

Une étude de l’Anses rappelle qu’un portage de la bactérie par les chiens et chats peut être fréquent, en particulier chez les jeunes chiots de moins d’un an.

La campylobactériose est la principale zoonose responsable de gastro-entérites infectieuses d’origine alimentaire en Europe. La transmission de la bactérie se fait surtout via la consommation de viande de poulet peu cuite ou via une contamination croisée d’aliments ou d’ustensiles (en contact avec la viande de poulet crue). Elle serait à l’origine de 20 à 30 % des cas de campylobactériose en Europe selon l’Autorité européenne de sécurité sanitaire des aliments, EFSA1. Les carnivores domestiques sont une des autres sources possibles, et des récents travaux de thèse2 sur l’attribution des sources de Campylobacter en France le rappellent. Pour ce faire, 304 échantillons de selles ont été collectés dans les Côtes-d’Armor (Bretagne) : 234 de chiens âgés de 3 semaines à 17 ans, et 70 de chats âgés de 3 mois à 15 ans. Seuls 3 chiens et 1 chat présentaient des diarrhées lors du prélèvement. La bactérie a pu être isolée chez 89 chiens et 7 chats (38 % vs 10 %), cette différence dans le portage étant significative dans cette étude. Comparés aux chiens adultes, les chiots de moins d’un an étaient significativement plus porteurs de la bactérie (63,6 % vs 30,5 %). Ceci n’a pas été observé chez les chats mais le faible nombre d’animaux positifs dans l’étude ne permet pas de conclure sur un effet de l’âge de l’animal sur le portage de Campylobacter. De la même manière, aucun impact de la saison ni du milieu de vie n’a été mis en évidence. Enfin, aucun des animaux présentant des symptômes de diarrhée ne se sont révélés positifs pour la bactérie. « Le fait que le portage soit plus marqué chez les jeunes s’observe également chez d’autres espèces animales, explique Marianne Chemaly, responsable de l’unité Hygiène et Qualité des produits avicoles et porcins (HQPAP) où cette étude a été menée. Par exemple, 99,4 % des veaux sont porteurs de la bactérie, contre 39,3 % des bovins adultes dans une étude menée dans la même unité en 2016 sur plus de 900 échantillons. Cela est probablement lié au système immunitaire et/ou au microbiote intestinal variable suivant l’âge, l’alimentation, l’environnement… » À noter que le plan d’échantillonnage de l’étude menée chez les carnivores domestiques ne permet pas d’obtenir une prévalence nationale.

Campylobacter jejuni prédomine

Avec une présence chez 64 % de chiens porteurs et environ 71 % de chats positifs, campylobacter jejuni est majoritaire, ce qui correspond à une prévalence de 24,4 % et 7,1 % respectivement chez les chiens et chats. moins présent et uniquement détecté chez le chien, la prévalence de c. lari montait à 11 %, suivi de c. upsaliensis (9 %). et 16 chiens positifs (18 %) présentaient un portage multiple, avec un portage jusqu’à 3 différentes espèces de campylobacter. en outre, une analyse génétique a montré une forte diversité génétique, avec un même individu qui pouvait porter de 1 à 10 génotypes de c. jejuni différents. pour finir, des similitudes ont été notées avec des souches bactériennes issues de poulets et de ruminants, suggérant une possible transmission entre ces différentes espèces animales (des animaux de rente aux carnivores domestiques, et vice-versa), sans que cela n’exclue d’autres sources de contamination (oiseaux sauvages, eau, environnement). des génotypes spécifiques aux carnivores domestiques ne sont pas non plus à exclure, même si des réarrangements génétiques chez les souches issues des carnivores sont également possibles. un chevauchement dans les génotypes a aussi été obtenu entre isolats des carnivores de l’étude et d’humains, indiquant une source de contamination possible pour l’homme (et vice-versa), sans exclure que les deux puissent être contaminés par une source commune. « ce travail a montré que les carnivores domestiques étaient impliqués à hauteur de 8 à 12 % dans les cas de campylobactériose humaine en france, ce qui est équivalent à ce que l’on trouve dans d’autres pays, résume marianne chemaly. c’est loin derrière les sources volaille (57 %) et bovin (24 %)3. la transmission principale reste la voie alimentaire. pour les chats et chiens, il s’agirait d’une transmission par contact. » elle ajoute : « ce travail évaluait uniquement la présence ou l’absence de la bactérie et pas la quantité. pour évaluer le risque de campylobactériose, il faudrait disposer également de ce paramètre. en effet, par exemple, chez les volailles, une réduction de 3 log10 ufc/g de campylobacter dans les matières fécales diminuerait le risque de campylobactériose de 58 % selon l’efsa4. » comme elle le rappelle, seules des règles d’hygiène sont susceptibles de réduire tout risque de contamination via les carnivores domestiques.

1. rapport de l’efsa sur les zoonoses alimentaires : efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.2903/j.efsa.2019.5926.

2. www.mdpi.com/2076-2615/10/5/838. Thèse d’amandine thépault.

3. www.nature.com/articles/s41598-018-27558-z]

4. efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.2903/j.efsa.2020.6090

DES CAS DÉCRITS AUX ÉTATS-UNIS

Des cas de transmission par des chiens ont récemment été rapportés1 aux États-Unis. De janvier à novembre 2019, 30 personnes, de 13 États, ont été déclarées infectées par C. jejuni (symptômes diarrhéiques), dont 4 ont dû être hospitalisées. Les souches bactériennes présentaient une résistance aux antibiotiques fréquemment recommandés en première intention. Les enquêtes ont révélé que des contacts avec des chiots dans des animaleries étaient la source probable de la contamination, et certains des malades étaient d’ailleurs des employés d’animalerie. Une analyse génétique a révélé des similitudes avec des souches bactériennes d’une précédente épidémie de 2016-2018, qui avaient été, elle aussi, reliée à une exposition à des chiots dans des animaleries. Ces épisodes rappellent que l’âge n’est pas le seul facteur de risque, la promiscuité entre chiots en animalerie facilitant la transmission entre congénères.

1. www.cdc.gov/campylobacter/outbreaks/puppies-12-19.

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