« LE RETOUR A LA NATURE D’ANIMAUX SAUVAGES CAPTIFS : ATTRACTIF MAIS PAS SI SIMPLE » - La Semaine Vétérinaire n° 1863 du 21/08/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1863 du 21/08/2020

EXPRESSION

Un collectif de vétérinaires réunis au sein de Vétérinaires Faune Sauvage explique les difficultés de la réintroduction d’animaux sauvages captifs dans la nature. F

Face à la crise de la biodiversité, des structures internationales comme l’IPBES1 appellent à des actions urgentes pour sa préservation. Les initiatives gouvernementales, privées, globales comme locales, sont les bienvenues.

L’idée d’avoir recours aux collections de faune sauvage captive comme sources de repeuplement pour les pays d’origine est régulièrement évoquée et a été tentée à plusieurs reprises.

Nous sommes des vétérinaires réunis au sein de la structure informelle Vétérinaires Faune Sauvage2 par le souhait de conserver des animaux sauvages et libres, en bonne santé, dans leur environnement naturel. Nous savons, pour avoir été témoins et/ou acteurs de tels projets de réintroductions, qu’avant leur mise en œuvre, un certain nombre de précautions sont nécessaires.

Les animaux sont-ils aptes à survivre à un relâcher en nature ?

Pour des animaux nés et élevés en captivité, nourris, jamais confrontés ni à des prédateurs ni à des concurrents, une mise en liberté dans un environnement inconnu est risquée et peut même être fatale.

D’un point de vue génétique est-ce pertinent ?

La taxonomie fait de grands progrès et certaines espèces pensées monotypiques peuvent en fait cacher une grande diversité génétique, géographique et comportementale. Les risques de pollution génétique des populations locales sont réels. Est-on sûr de l’origine des animaux candidats au retour ? La diversité génétique de la population captive est-elle encore représentative de celle de son espèce ?

L’écosystème de destination peut-il accueillir ces animaux ?

La régression de la biodiversité est liée à la dégradation des habitats. Le site choisi est-il encore de qualité satisfaisante et d’une superficie adaptée ? Dispose-t-il d’un statut de protection convenable ?

Les populations locales soutiennent-elles le projet ?

Quelles que soient les espèces concernées, herbivores ou carnivores, les populations locales qui vivent au sein de la zone de réintroduction doivent être partie prenante et dans l’idéal s’être appropriées le projet.

Les risques sanitaires ont-ils été correctement évalués ?

En captivité les animaux ont pu côtoyer toute sorte d’agents pathogènes et leur introduction dans un environnement naïf peut être lourde de conséquences.

Quels sont les coûts associés pour ces projets, suivi et évaluation compris ?

Un projet de réintroduction ne s’arrête pas à l’ouverture des caisses de transport dans la zone de destination. Une évaluation des effets des réintroductions doit être prévue, qui nécessite un suivi sur le long terme.

ces programmes ne sont pas des simples retours à la vie sauvage : ils se prévoient sur plusieurs années, requièrent de multiples compétences, de l’expérience et des fonds en conséquence. Un programme mal conçu peut avoir des conséquences négatives sur le bien-être des animaux réintroduits mais potentiellement aussi sur celui des animaux et humains peuplant l’écosystème d’accueil, compromettant par-là même d’éventuelles futures tentatives. ?

HUGO SENTENAC, VINCENT GIRARDOT, JULIEN PORTIER, MARIE MOINET, MARC ANCRENAZ, FRANÇOIS MOUTOU, MARC ARTOIS, MARGUERITE NETCHAIEFF, REGIS CAVIGNAUX, VINCENT DEDET, DOMINIQUE AUTIER-DERIAN

1 www.ipbes.net

2 VFS : collectif constitué de vétérinaires présentant un intérêt pour la faune sauvage et rassemblant plus de 200 personnes, étudiants inclus, échangeant via une liste courriel fermée. Voir aussi le blog : www.veterinairefaunesauvage.wordpress.com/articles.

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr