VETONE, UN GROUPE QUI REMET « L’HUMAIN DANS L’ENTREPRISE » - La Semaine Vétérinaire n° 1861 du 03/07/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1861 du 03/07/2020

RÉSEAUX

ANALYSE

Auteur(s) : FRÉDÉRIC THUAL

Pionnier des réseaux en France, VetOne ambitionne de devenir le groupe préféré des vétérinaires français. Sur un marché disputé par les leaders internationaux, le réseau à taille humaine joue sur l’ambiance et la force d’une communauté qui fait la part belle à l’autonomie.

Avocat de formation, diplômé de la London School of Economics and Political Science et de la Harvard Law School, le président de VetOne, Steve Rosengarten, 46 ans, n’a rien d’un pur produit vétérinaire à la française. Et c’est sans doute ce qui a compliqué l’émergence de VetOne, devenu malgré tout, en six ans, l’un des principaux réseaux français de cliniques vétérinaires. Un réseau encore modeste (une vingtaine de cliniques) au regard de ses concurrents internationaux (1 400 cliniques pour le britannique IVC Evidensia, 300 pour le suédois Anicura, 2 380 pour le danois VetFamily, etc.). Lui a essuyé les plâtres d’une profession en pleine mutation. « Nous capitalisons six années d’expériences ordinales, sociales et humaines et de conflits avec l’Ordre national des vétérinaires. Mais nous avons toujours eu gain de cause devant le Conseil supérieur ou le Conseil d’État », se défend le patron de VetOne. Le 29?mai encore, le Conseil d’État lui donnait raison dans un arrêt qui, contrairement à ce que défendait l’Ordre, stipule qu’une société holding vétérinaire (société de participations financières de professions libérales) peut tout aussi bien être détenue majoritairement par une personne physique que par une personne morale, c’est-à-dire une société par actions simplifiée (SAS) détenue à plus de 50 % par un vétérinaire. « Au moins maintenant, le cadre est clair et non soumis à des interprétations arbitraires… », observe Steve Rosengarten. « C’est une décision importante qui permet de constituer des groupes, dont les plus importants ont adopté ce statut », précise Jérôme Cayol, avocat conseil de VetOne.

Inspiré par les laboratoires de biologie médicale

L’entreprise fut d’ailleurs la première à user de la loi Dadue - issue d’une transposition des normes européennes en matière de développement durable - qui permet d’exercer en SAS et de dissocier droit de vote et droit économique. « Nous nous sommes inspirés des laboratoires de biologie qui emploient un montage similaire », note Steve Rosengarten, passé par les cabinets d’affaires Lazard et Carlyle Group où la moindre des transactions avoisinerait le milliard de dollars. Comment cet homme d’affaires, expert de la finance et du private equity (capital-investissement) est-il tombé dans le chaudron vétérinaire ? « En jouant avec le boxer de mon beau-père… », répète-t-il pour la petite histoire. Plus certainement, « en analysant comme une opportunité d’investissement la consolidation du secteur vétérinaire en Europe et dans le monde. Un secteur en pleine mutation, où tant de choses sont à faire au niveau de l’expérience clients, de la formation vétérinaire, etc. », reconnaît Steve Rosengarten. Il n’en fallait pas plus pour enflammer la fibre entrepreneuriale du financier, qui dit vouloir « remettre de l’humain dans l’entreprise et donner du sens aux salariés ».

« Je gère le groupe, vous gérez les cliniques »

L’expertise financière et une démarche volontariste ne vont pas empêcher l’erreur de jeunesse : une association en 2014 avec le cofondateur de VetOne (créé en 2011), qui, cumulée aux remises en cause de la profession, a compliqué l’émergence du réseau. « À l’époque, les réseaux émergeaient avec MonVéto en rurale, Family Vets en Île-de-France, etc. Il y avait un profond rejet pour ces groupes », se souvient Caroline Devieilhe, directrice des exploitations chez VetOne, entrée dans le réseau il y a six ans pour un remplacement dans une clinique d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), qu’elle a ensuite codirigée. « On m’a laissé la liberté de gérer la clinique en ayant à mes côtés l’expertise financière d’un non-vétérinaire », apprécie-t-elle. Désormais, c’est elle qui familiarise les nouvelles cliniques avec les us et coutumes de l’entreprise. « Depuis l’arrivée de groupes internationaux sur le territoire, les mentalités ont changé à 180°. Nous-mêmes avons beaucoup fait évoluer nos façons de faire depuis trois ans », remarque Caroline Devieilhe. « Nous avons remis le vétérinaire au centre du dispositif, ajoute Steve Rosengarten. Je leur dis, c’est simple, moi, je gère le groupe. Vous, vous gérez vos cliniques. L’idée est claire : l’autonomie leur permet d’accélérer leur stratégie. C’est un modèle décentralisé, extrêmement collaboratif. »

Et pour éviter d’être hors sol, Steve Rosengarten s’entoure. En 2018, il a ainsi sollicité Didier Fontaine, géniteur du CHV nantais Atlantia et secrétaire général de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac) comme conseiller et expert. « Trois autres groupes m’ont proposé cette fonction. Si, cette fois, j’ai accepté, c’est que j’ai trouvé une structure bienveillante où transpirent respect et entraide, estime le conseiller personnel du président, actif dans l’élaboration d’une charte de travail, la mise en avant des valeurs du groupe, les projets transverses élaborés à partir des remontées du terrain, etc. Je suis convaincu que les regroupements en cluster sont une solution pour l’avenir de la profession. »

Des structures de quatre vétérinaires exploitées par des “quadras”

Gelées pendant la crise sanitaire, quatre intégrations de cliniques auront lieu pendant l’été. Ce qui portera le réseau à 22 entités à la rentrée. « Et vraisemblablement à 30 fin 2020 », projette Steve Rosengarten. Des structures de quatre vétérinaires exploitées par des « quadras » plutôt que des vétérinaires en phase de transmission de leur patrimoine et qui réalisent entre 800 000 € et 2 millions d’euros de chiffre d’affaires. « Des gens qui correspondent à nos valeurs. Et ce ne sont pas de simples mots écrits sur un site internet ! Lorsque, quatre fois par an, nous réunissons nos associés vétérinaires et dirigeants de cliniques, ce ne sont pas des salariés qui viennent écouter le PDG. mais des associés qui discutent de l’avenir de leur boîte », prévient-il. VetOne assure proposer « des rémunérations en ligne avec les offres du marché » avec une part fixe et une variable selon les résultats dégagés. « Avec un chiffre d’affaires de 18?millions d’euros, et vraisemblablement 30 en fin d’année, VetOne est un groupe rentable qui supporte ses frais centraux. Ceux qui nous ont rejoints peuvent considérer que leur patrimoine fructifie. Et la consolidation va créer de la valeur », affirme le PDG du réseau.

Des participations au capital portées à 30 %

Seule ombre au tableau, la recomposition du marché vétérinaire a fait flamber le coût des cliniques. Soutenu par des investisseurs privés dont des banquiers suisses, Steve Rosengarten assure qu’il dispose des moyens de financer sa croissance et n’exclut pas de nouvelles levées de fonds pour accroître sa taille critique. La part de capital ouverte aux associés vétérinaires devrait être rapidement portée de 15 % à 30 % du groupe, où aucune clinique n’a fermé pendant la crise sanitaire. Au cours de cette période inédite, le réseau a ainsi montré sa pertinence en gérant la communication, les achats pour l’approvisionnement en gel et en masques, la mise en œuvre de la signalétique des gestes barrières, etc. « Cette épreuve a soudé les équipes », se félicite Steve Rosengarten, à l’écoute des stratégies managériales internationales et inspiré par les réussites économiques et sociales de Patagonia ou de Buurtzorg, un groupe fondé par un infirmier néerlandais devenu en moins de dix ans le plus gros acteur de soins à domicile des Pays-Bas. Grâce à un management qui prône l’autonomie.

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