DÉPOUILLES : UN TRAITEMENT DIFFERENCIÉ SELON LES ANIMAUX - La Semaine Vétérinaire n° 1861 du 03/07/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1861 du 03/07/2020

DROIT

ENTREPRISE

Auteur(s) : MARIE-BÉNÉDICTE DESVALLON1

Après l’affaire de l’ours polaire Olaf du zoo d’Amnéville, en Moselle, dont le cadavre aurait été envoyé par erreur à la déchetterie (instruction en cours) et alors que le trafic d’animaux vivants comme morts ne cesse de croître, la question se pose du sort de la dépouille des animaux non domestiques détenus en captivité dans les zoos. Parallèlement, la mort de 1 à 2 millions d’animaux de compagnie par an interroge sur le traitement de leurs cadavres.

Qu’il s’agisse d’un animal détenu dans un zoo et dont l’espèce est le plus souvent protégée par la Convention de Washington (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, Cites) ou d’un animal de compagnie, la mort de l’animal est vécue comme une perte pour l’homme.

Au-delà des enjeux sanitaires communs aux deux situations, le droit encadre de manière différenciée le traitement de leurs dépouilles2.

Qualification juridique des cadavres d’animaux

Les cadavres d’animaux issus de zoos sont qualifiés de sous-produits d’animaux non destinés à la consommation humaine au sens de l’article 3 du règlement (CE) n° 1069/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009.

Les sous-produits animaux sont classés en catégories spécifiques reflétant leur niveau de risque pour la santé publique et animale.

Les cadavres d’animaux de compagnie tout comme les animaux de zoos relèvent de la même catégorie 1 au sens du règlement susvisé, alors que les carcasses des gibiers ou animaux issus des abattoirs relèvent de la catégorie 33 et peuvent elles être utilisées pour l’alimentation des animaux.

Un animal mort peut-il être enterré sur place ?

Nul ne peut jeter en quelque lieu que ce soit le cadavre d’un animal sous peine d’une amende de 3 750 €4. Ainsi Il est interdit de déposer les cadavres d’animaux sur la voie publique ou dans les ordures ménagères ainsi que de les jeter dans les mares, rivières pour des raisons sanitaires notamment.

Dans le cas d’un exploitant d’établissement tel qu’un zoo, la sanction est portée à 7 500 € plus une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 6 mois.

L’inhumation dans son jardin autorisée pour les animaux de compagnie d’un poids inférieur a 40 kg

Sous réserve que l’animal de compagnie soit d’un poids inférieur à 40 kg, l’article 98 du règlement sanitaire départemental pris en application de l’ancien article L1 du Code de la santé publique prévoit la possibilité d’enterrer son animal de compagnie dans son jardin, sous plusieurs conditions notamment l’observation :

- d’une distance minimum de 35 m des habitations, des puits, des sources et dans les périmètres de protection des sources et des ouvrages de captage et d’adduction des eaux d’alimentation prévus dans la réglementation des eaux potables ;

- d’un enfouissement à une profondeur minimum de 1,20 m. Il faut être propriétaire de son terrain et dans le cas d’un lotissement, vérifier le règlement. Dans tous les cas il convient de se rapprocher de la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) pour connaître les éventuelles conditions supplémentaires.

En dehors de ces conditions, l’inhumation d’un animal de compagnie peut être réalisée dans un cimetière animalier dont certains acceptent également les animaux de compagnie de plus de 40 kg.

Sur l’inhumation d’un animal ou de ses cendres avec son propriétaire, les articles L. 2223-3 et L. 2223-13 du Code général des collectivités territoriales disposent que la sépulture dans un cimetière communal est due aux seules personnes. Le maire ne peut donc y autoriser l’inhumation d’un animal ou de ses cendres, demandée par une famille ou un propriétaire de caveau. Dans une décision du 17 avril 1963 (Blois), dite “jurisprudence Félix”, le Conseil d’État a justifié l’interdiction faite à un concessionnaire de caveau de s’y faire inhumer avec son chien en se fondant sur la notion de dignité des morts, qui implique de séparer strictement les espaces dédiés à l’inhumation des hommes et des animaux de compagnie.

L’incinération de l’animal de compagnie

Lors de la mort d’un animal de compagnie, le propriétaire peut s’adresser directement à un crématorium ou confier la dépouille de son animal à son vétérinaire qui l’enverra alors à un crématorium. L’incinération peut être collective ou individuelle. Il est possible de conserver les cendres si l’incinération a été individuelle (sur demande).

L’équarrissage

L’équarrissage consiste en la collecte, la manipulation, l’entreposage après collecte, le traitement ou l’élimination de cadavres d’animaux de plus de 40 kg. L’équarrissage est une mission de service public payante relevant de l’État.

Qu’il s’agisse de la dépouille d’un animal de compagnie ou d’un animal non domestique détenu dans un zoo, tout propriétaire ou détenteur doit s’adresser aux services d’équarrissage dans les 48 heures de la mort de l’animal pour demander son enlèvement dans un délai de deux jours francs5. Si l’enlèvement n’a pas été réalisé dans les délais, les propriétaires ou détenteurs sont tenus d’en aviser l’autorité administrative. En cas d’inaccessibilité d’un site, si des moyens matériels plus importants sollicités auprès de la mairie (héliportage, sécurité civile) ne suffisent pas, la DDPP pourra alors être sollicitée et procéder à l’enfouissement ou l’incinération sur place de la dépouille.

Le défaut de déclaration est puni d’une amende de 3 750 €6.

Dans le cas des zoos, les délais relatifs à la procédure d’équarrissage (déclaration et enlèvement) peuvent être rallongés sous réserve que leur entreposage réponde à des conditions sanitaires.

Autopsie et conservation en chambre froide des animaux détenus dans les zoos

Aux termes de l’article 42 de l’arrêté du 25 mars 20047, les zoos sont tenus de s’attacher les soins d’un vétérinaire investi du mandat sanitaire. Selon l’Académie vétérinaire de France, un contrat peut être conclu entre l’établissement zoologique et le vétérinaire lorsque ce dernier est de statut libéral.

Lors du décès d’un animal, les textes prévoient une autopsie par le vétérinaire pour rechercher les causes de la mort8.

L’article 56 de l’arrêté susvisé précise encore que « sauf s’ils sont utilisés pour les besoins propres de l’établissement en matière de diffusion des connaissances ou de conservation, l’exploitant doit tenir à la disposition des institutions à caractère scientifique ou pédagogique les cadavres d’animaux susceptibles de présenter un intérêt particulier notamment en ce qui concerne les espèces rares, menacées ou protégées dont il importe que tous les éléments soient conservés dans les archives et collections patrimoniales ».

En tant qu’installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) sous la rubrique 2140, les établissements zoologiques doivent observer un ensemble de contraintes en termes d’installations notamment celles de chambre froide pour conserver le cadavre avant l’équarrissage. La durée de conservation des cadavres d’animaux dans des chambres froides à température négative maintenues en permanence une température inférieure à - 14 °C ne peut excéder un mois, sauf en cas de procédure d’expertise pour une assurance9. Si l’équarrissage intervient dans les 48 heures, le cadavre peut être conservé dans une chambre froide à température positive maintenue en permanence une température inférieure à 5 °C.

Une fois l’autopsie réalisée, il est procédé à l’équarrissage du cadavre10.

Un enjeu sanitaire

Aux termes du premier considérant du règlement de 2009, tout ou partie des cadavres d’animaux constitue une source potentielle de risques pour la santé publique et pour la santé animale. Les conditions d’autopsie, de stockage et d’équarrissage doivent donc être scrupuleusement observées.

Le cadavre doit être « éliminé comme déchets par incinération », enfoui dans de décharges autorisées, utilisé comme combustible ou utilisé pour la fabrication de produits dérivés.

Toutefois plusieurs dérogations sont prévues sous conditions. Ainsi le cadavre des animaux de zoos peut être utilisé dans le cadre d’expositions et d’activités artistiques, de même qu’à des fins de diagnostic, d’éducation et de recherche, dans des conditions qui garantissent la maîtrise des risques pour la santé publique et animale11. Le règlement précise deux conditions essentielles à cette dérogation :

- il est interdit de procéder à toute utilisation ultérieure, à d’autres fins (on pense notamment au trafic d’organes d’animaux) ;

- il est obligatoire d’éliminer les sous-produits en toute sécurité (sanitaire). Comment la dépouille de l’ours Olaf du zoo d’Amnéville a-t-elle pu être acheminée vers une déchetterie classique alors que la réglementation française est encore renforcée avec la création d’un tout nouveau fichier (i-fap) visant à assurer l’identification des animaux pour une meilleure traçabilité des animaux y compris les entrées et sorties d’animaux des établissements zoologiques ?

Pourquoi cette différence de traitement entre les animaux ?

La protection de la santé publique et animale est l’enjeu majeur et commun du traitement de la dépouille d’un animal quel qu’il soit.

Le lien affectif entre un humain et son animal de compagnie si bien décrit dans le Petit Prince mais aussi de plus en plus considéré par les tribunaux dans les affaires de maltraitance, est un des éléments pouvant expliquer la différence de traitement tout au moins pour les animaux de moins de 40 kg.

Concernant les animaux de zoos, parce que les textes les différencient des cirques par un rôle de conservation des espèces de plus en plus menacées… par l’homme, l’utilisation des cadavres des animaux issus des zoos aux fins de recherche ou d’éducation perdure.

Pour autant, la disparition des animaux et cadavres d’animaux, notamment mais pas seulement au sein des zoos, ne peut être dissociée des questions de trafics internationaux d’animaux ou d’organes pour répondre à certaines croyances “ciblées” qui alimentent des commerces juteux.

1. Avocate au barreau de Paris et solicitor of England & Wales (associée du cabinet Wat & Law, société de législation comparée), responsable de la commission ouverte du barreau de Paris et de la commission thématique de la Société de législation comparée Droits de l’animal.

2. La question des animaux de rente fera l’objet d’une tribune.

3. La catégorie 2 vise notamment les animaux dont la mort ne résulte pas d’un abattage ni d’une mise à mort en vue de la consommation humaine, y compris les animaux mis à mort à des fins de lutte contre une maladie.

4. Art. L.228-5 du Code rural et de la pêche maritime.

5. Art. L.226-6 du Code rural et de la pêche maritime.

6. Art. L.228-5 du Code rural et de la pêche maritime.

7. Fixant les règles générales de fonctionnement et les caractéristiques générales des installations des établissements zoologiques à caractère fixe et permanent, présentant au public des spécimens vivants de la faune locale ou étrangère.

8. Art. 45 de l’arrêté du 25/3/2004.

9. Arrêté du 6/6/18 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l’autorisation au titre de la rubrique n° 2740 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement (incinération de cadavres d’animaux.

10. Règlement (CE) N° 1069/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21/10/2009.

11. Art. 17 du règlement (CE) n° 1069/2009.

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