SECRET PROFESSIONNEL : BIEN EN CONNAÎTRE LES CONTOURS ET LES CONTRAINTES - La Semaine Vétérinaire n° 1859 du 19/06/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1859 du 19/06/2020

DOSSIER

Auteur(s) : MARION BOIDOT

LES VÉTÉRINAIRES, AU MÊME TITRE QUE D’AUTRES PROFESSIONS LIBÉRALES, SONT SOUMIS AU RESPECT DU SECRET PROFESSIONNEL VIS-À-VIS DE LEURS CLIENTS. NÉANMOINS, PLUSIEURS SITUATIONS PERMETTENT D’ENVISAGER UNE LEVÉE DE CE SECRET EN CAS DE NÉCESSITÉ SANITAIRE OU DE PROTECTION ANIMALE. LE VÉTÉRINAIRE A UNE PLACE IMPORTANTE, GARANT DE LA CONFIANCE DU CLIENT ET AUSSI DU RESPECT DE LA SANTÉ PUBLIQUE.

L’obligation du respect du secret professionnel est inscrite dans le Code rural de de la pêche maritime, qui n’en donne toutefois pas explicitement les conditions d’application : s’il précise que « le vétérinaire est tenu au respect du secret professionnel dans les conditions établies par la loi » (article R.242-33, alinéa V), il faut se référer au Code pénal pour en connaître les contours juridiques.

Ainsi, le secret professionnel concerne toutes les informations apprises par le vétérinaire ou ses collaborateurs dans le cadre de l’exercice de leur métier. Relèvent donc du secret à la fois les données médicales liées à l’examen, au diagnostic et au traitement, mais également toute information concernant la vie privée des personnes impliquées.

La violation du secret professionnel peut avoir des conséquences très lourdes : les sanctions pénales prévoient jusqu’à un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende (article 226-13 du Code pénal), et peuvent s’assortir de sanctions disciplinaires de la part de l’Ordre des vétérinaires. Par ailleurs, les salariés ayant volontairement violé le secret professionnel peuvent être licenciés pour faute par leur employeur.

Le rôle des auxiliaires

Le respect du secret professionnel est dû par l’ensemble de l’équipe soignante ; les informations médicales et privées que les auxiliaires recueillent sont donc concernées par cette obligation. Il est important de noter que les auxiliaires n’y sont pas soumis par profession, celle-ci n’étant pas constituée en ordre soumis à un code de déontologie, mais par mission.

Cette obligation découle de l’article 17 de la convention collective nationale des cabinets et cliniques vétérinaires, qui précise que le respect du secret professionnel s’étend également en dehors des heures de travail, ainsi qu’après la rupture du contrat.

Si les procédures de communication, notamment à l’accueil et dans le cadre du secrétariat téléphonique, doivent être réfléchies de façon à ne pas divulguer des informations sensibles à une personne non concernée, une divulgation accidentelle (ordonnance oubliée sur le comptoir, client suivant écoutant la conversation) n’est pas reconnue comme une violation du secret professionnel par les auxiliaires ou collaborateurs. Par ailleurs, la responsabilité de l’agencement des locaux professionnels de façon à permettre le respect de cette obligation incombe au vétérinaire et non aux auxiliaires (article R. 242-53 du Code rural).

La question de la propriété des informations détenues

Le secret professionnel pose nécessairement la question de la propriété des informations recueillies par la vétérinaire et son équipe. Comme l’indique Christian Diaz, conseiller au Conseil national de l’Ordre des vétérinaires, dans ce domaine, deux textes éclairent les professionnels :

- le Code civil précise ainsi qu’« en matière de meuble, possession vaut titre » (article 2276 du Code civil). La personne présentant l’animal est donc techniquement reconnue comme détentrice de celui-ci, et donc protégée par le secret professionnel.

- le Code de déontologie, dans sa partie concernant les animaux en péril (article R. 242-48), fait mention du demandeur et non du propriétaire.

Rien n’interdit donc de communiquer des informations médicales au détenteur de l’animal, même s’il n’est pas le propriétaire, dès lors que celui-ci est le demandeur des examens. Toutefois, on peut imaginer qu’il faille étendre le secret professionnel aux informations qui concernent le propriétaire et que le détenteur aurait fournies à l’équipe soignante.

Les dérogations et obligations de levée du secret professionnel

Le Code pénal prévoit un certain nombre de situations permettant, voire imposant, la levée du secret professionnel (article 226-14 du Code pénal). Outre ces situations générales concernant la révélation de situation mettant en danger la santé des personnes ou la protection de l’intérêt public, le Code rural prévoit un certain nombre de situations spécifiques face auxquelles le secret professionnel doit être levé (encadré page 39).

La situation spécifique du cas référé entre vétérinaires rentre dans la notion de secret partagé, que l’on retrouve en médecine humaine dans le cadre de la Sécurité sociale. Il ne s’agit pas d’une infraction au respect du secret professionnel dans la mesure où les informations sont divulguées dans l’intérêt du client et avec l’accord du client. Ce cas est explicitement prévu par l’article R.242-60 du Code rural.

Le socle de la confiance entre le client et le vétérinaire

Selon Christian Diaz, l’intérêt majeur du secret professionnel est d’instaurer une confiance du client envers le vétérinaire selon l’adage : « Pas de confiance sans confidence, pas de confidence sans secret. »

Le respect de secret professionnel - et le fait que cette obligation soit connue des clients - est indispensable pour que les propriétaires ou détenteurs aient suffisamment confiance en leur vétérinaire pour révéler les informations nécessaires à l’examen, au diagnostic ou au traitement de l’animal, informations qui pourraient être cachées s’ils craignaient leur divulgation.

Mais la limite entre la confiance accordée déontologiquement et la relation commerciale avec le propriétaire-client est parfois difficile à appréhender.

Ainsi, la levée du secret professionnel dans l’une des situations prévues par la loi peut être vécue comme une trahison par le client concerné, et possiblement détériorer la confiance donnée aux vétérinaires par d’autres clients qui se retrouveraient dans la même situation. À l’inverse, le respect strict du secret professionnel, qui a pour conséquence le refus de divulguer des informations à la personne qui les demande, peut être interprétée comme une volonté de dissimuler certains faits, voire comme une collusion, notamment dans le cadre de transactions commerciales.

Notamment, les relations tripartites entre le vétérinaire, le client et la compagnie d’assurances impliquée dans la prise en charge des soins vétérinaires peuvent être délicates à gérer du point de vue du secret professionnel. La relation contractuelle entre la compagnie d’assurances et le client ne permet pas de lever le secret professionnel, qui interdit donc la transmission directe du dossier médical à l’assureur par l’équipe soignante. Seuls les clients peuvent lever le secret les concernant en transmettant par eux-mêmes ces informations à leur compagnie d’assurances. Dans l’éventualité où les assureurs contacteraient l’équipe soignante, celle-ci devrait alors leur demander de s’adresser directement au client.

La réalisation d’expertises, en particulier dans le cadre des visites d’achat d’équidés, représente également un risque de violation du secret professionnel. Aussi, quand, dans son activité, un vétérinaire a, préalablement à la visite d’achat, eu connaissance d’affections dont l’animal souffre et qui pourraient impacter négativement l’utilisation qui en serait faite, le respect du secret professionnel lui interdit de les divulguer aux acheteurs qui l’ont mandaté. Par déontologie, et par mesure de prudence, le retrait du vétérinaire de cette expertise est recommandé, en vertu de l’article R.242-82 du Code rural qui impose l’objectivité du vétérinaire lors de toute opération d’expertise. Il est important de rappeler que, dans ce cadre également, les résultats d’examens et les conclusions de l’expertise ne peuvent et ne doivent être transmis qu’au demandeur. ?

Un gage de sérieux

TÉMOIGNAGE

ANTHONY SIEGEL

Praticien équin à Bailly-Romainvilliers (Seine-et-Marne)

En activité itinérante, il faut gérer les curieux qui observent la consultation dans l’écurie ; au sein de la clinique, certains clients peuvent se sentir libres de circuler dans les salles d’examen. Ces personnes connaissent parfois le cheval ou le client, mais il faut s’abstenir de répondre aux questions ou de les impliquer dans la consultation.

Le problème vient des personnes qui ont connaissance d’examens réalisés sur un cheval ne leur appartenant pas, et qui téléphonent pour obtenir des informations. Au sein de notre structure, l’ensemble des collaborateurs est formé et refuse la transmission d’informations.

Cette obligation nous impose aussi d’être vigilants quant aux destinataires des comptes rendus d’examens : il est parfois plus pratique et transparent d’informer l’ensemble des acteurs entourant le cheval, mais cela peut être risqué.

Malgré tout, le respect du secret professionnel est un gage de sérieux, qui inspire confiance aux clients.

Une position parfois délicate

TÉMOIGNAGE

PAULINE ROUQUET

Praticienne canine à Onet-le-Château (Aveyron)

La question du secret professionnel se pose régulièrement, notamment celle de son contour juridique. J’ai l’impression de ne pas réellement en connaître le cadre légal, essentiellement par manque de formation pendant nos études, puis par manque de sensibilisation au sujet après notre sortie des écoles vétérinaires.

Une situation problématique fréquente est celle de tierces personnes ou d’associations qui nous interrogent sur l’enregistrement du propriétaire dans la base I-Cad, par exemple lorsque le changement de propriétaire n’a pas été effectué : il est alors délicat de ne pas donner l’information qui permettrait de débloquer la situation. Le vétérinaire ou l’auxiliaire se retrouvent dans une position peu enviable, pris en étau entre le respect du secret professionnel et la relation humaine et commerciale avec le client. Le refus de divulguer l’information heurte le client, qui pense qu’on ne lui fait pas confiance.

LES CONDITIONS DE LEVÉE DU SECRET PROFESSIONNEL

- La mise sous surveillance des chiens mordeurs : transmission des informations relatives à l’animal, aux propriétaires et aux victimes à la DD (CS) PP, par délégation du préfet.

- La déclaration des morsures de chien à la mairie.

- La transmission des rapports d’évaluation comportementale à la mairie et leur enregistrement au fichier national.

- Les manquements aux règles de protection sanitaire, qui incluent les manquements au respect du bien-être animal : signalements à la DD (CS) PP (article L. 203-6 du Code rural).

- Les dangers sanitaires de 1re et 2e catégories : déclaration des maladies réputées contagieuses et des maladies à déclaration obligatoire.

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