ÊTRE EMPATHIQUE : UNE QUALITÉ À DÉVELOPPER - La Semaine Vétérinaire n° 1859 du 19/06/2020 Echec de la connexion : Too many connections
La Semaine Vétérinaire n° 1859 du 19/06/2020

CLIENTÈLE

ENTREPRISE

Auteur(s) : CHRISTELLE FOURNEL

Régulièrement évoquée dans les journaux vétérinaires, les congrès ou la littérature scientifique, l’empathie est-elle un phénomène de mode ou un vrai besoin des patients et clients ? Alors que ces compétences individuelles restent assez peu exprimées par les professionnels de santé, plusieurs études en ont montré les bénéfices.

L’empathie, faculté intuitive de se mettre à la place d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent (dictionnaire Larousse), représente la conscience des états internes d’une personne et la réponse affective consécutive. Cette capacité est étudiée en médecine humaine depuis plus de 20 ans. En médecine vétérinaire, Jane Shaw, vétérinaire américaine, pionnière en communication client, fut l’un des premiers auteurs à publier sur le sujet, en reprenant les bases scientifiques de la médecine humaine.

Un concept aux multiples dimensions

Avoir de l’empathie suppose de se sentir concerné, impliqué. La personne empathique exprime sa curiosité autour des émotions, des valeurs et de l’expérience d’autrui. Elle apprécie ainsi le vécu du client à partir de son point de vue et de ses inquiétudes.

Tout d’abord évoquée chez les psychothérapeutes, elle aide le praticien et le patient à gérer les émotions exprimées au cours de la consultation. On distingue quatre dimensions1 :

- affective : partager les sentiments du patient ;

- morale : avoir pour motivation le bien du patient ;

- cognitive : reconnaître et comprendre les émotions du patient ;

- comportementale : transmettre clairement au patient cette compréhension de ses émotions.

De fait, l’attitude empathique est décrite comme un processus en deux étapes :

- la compréhension et l’appréciation sensible du ressenti ou des sentiments de l’autre ;

- l’expression bienveillante, à l’attention de l’autre, de cette compréhension.

Donc en pratique, lorsqu’un médecin dit au malade des phrases telles que : « Je vois combien c’est difficile pour vous ! » ou bien « Je comprends que vous êtes très en colère ! », il est considéré comme empathique.

Une ouverture aux patients

Le manque d’écoute et d’empathie est décrit en médecine humaine depuis 1968. Dans trois consultations sur quatre, les pédiatres ne s’enquièrent pas des attentes des mères et leurs inquiétudes ne sont pas mentionnées. Pourtant, une relation empathique augmente la satisfaction de la mère et réduit ses craintes et l’utilisation de compliments, d’encouragements ou de réassurance est positivement associée à la révélation d’inquiétudes psychosociales, facilitant ainsi la détection des troubles de la santé mentale de l’enfant.

Chez l’adulte, plus le score d’empathie du soignant est élevé, meilleurs sont les paramètres biochimiques du patient.

Toutefois, montrer de l’empathie se révèle complexe, car cela nécessite de décrypter des émotions du patient qui les cache parfois. Un « tout va bien, ce n’est pas grave ! » n’est peut-être pas cohérent avec l’expression physique qui marque un repli et de l’inquiétude. Ainsi, le patient exprime souvent ses émotions indirectement, en donnant seulement des indices. Le médecin choisit trop souvent d’occulter ces signaux, n’offrant pas au patient l’occasion de parler de son ressenti.

Or la relation médecin-patient nécessite de plus en plus de négociations et de prises de décision partagées. L’empathie ou l’écoute active (encadré) est nécessaire pour comprendre le prisme et les contraintes du patient et arriver à une forme de consensus sur la meilleure façon de gérer sa maladie.

Un bénéfice pour la médecine vétérinaire

Finalement, en plein cœur de l’interaction, les caractéristiques de l’empathie sont rarement observables ou guère explicites. Autrement dit, les remarques du vétérinaire relatant les émotions ou le ressenti du propriétaire restent très rares et ne sont formulées que par certains vétérinaires2.

Or, Jane Shaw a déterminé que les quatre compétences clés de la communication vétérinaire sont la communication non verbale, l’empathie, l’écoute active et les questions ouvertes3. Ses multiples publications démontrent qu’un vétérinaire non formé spécifiquement à la communication client tend à laisser peu de place au propriétaire durant la consultation. Il s’inscrit dans un modèle descendant. Une fois formé à la médecine centrée « patient », le praticien recherche davantage à construire un partenariat, il éprouve une plus grande satisfaction professionnelle et le propriétaire, lui-même plus satisfait de la consultation, administre mieux le traitement.

En médecine vétérinaire, une récente étude montre que, finalement, en plein cœur de l’interaction, les caractéristiques de l’empathie ne sont guère observables ou peu explicites. Comme démontré en humaine, le manque d’empathie du vétérinaire engendre une moindre satisfaction du propriétaire, une qualité de la relation détériorée et une mauvaise collecte de données.

1. Suchman A. L., Markakis K., Beckman H. B., Frankel R. A model of empathic communication in the medical interview. JAMA. 1997;277 (8):678-682.

2. Cahen (Fournel) C. Modèles de coproduction et qualité de service : le cas de la consultation vétérinaire canine. Marne-la-Vallée, Paris-Est. 2019.

3. Shaw J. R. Four core communication skills of highly effective practitioners. Vet. Clin. North Am. Small Anim Pract. 2006;36 (2):385-396.

ÉCOUTER SON CLIENT

Rogers1, le père de l’écoute active, a écrit :

« Fondamentalement, cela nécessite que nous pénétrions dans celui qui parle, que nous saisissions, de son point de vue, exactement ce qu’il nous communique. Plus que cela, nous devons faire savoir à l’orateur que nous voyons les choses de son point de vue. » En observant le comportement d’une personne, on peut confondre écoute active et empathie, car chaque compétence permet de comprendre l’autre et d’exprimer ses émotions. Toutefois, alors que l’écoute active peut s’apprendre par la formation (non par la pratique), l’empathie, elle, est intuitive puisqu’elle implique une dimension émotionnelle. En ce sens, l’écoute active, qui nécessite une distanciation émotionnelle, est préférable à l’empathie, qui peut engendrer une trop forte implication de soi.

Ainsi, il a été démontré que, pour les propriétaires, l’écoute active et la demande de permission de la part du vétérinaire pour accomplir un acte constituent des compétences communicationnelles majeures2.

1. Englar R. E., Show-Ridgway A., Noah D. L. et coll. Perceptions of the veterinary profession among human health care students before an inter-professional education course at Midwestern University. J. Vet. Med. Educ. 2018;45 (3):423-436.

2. Rogers C. R., Farson R. E. Active listening. Industrial Relations Center of the University of Chicago. 1857.

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