LOQUES AMÉRICAINE ET EUROPÉENNE : COMMENT LES DIFFÉRENCIER ? - La Semaine Vétérinaire n° 1858 du 12/06/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1858 du 12/06/2020

ABEILLES

PRATIQUE MIXTE

FORMATION

Auteur(s) : SAMUEL BOUCHER

Leur présentation clinique et les examens de laboratoire permettent de distinguer ces maladies bactériennes du couvain. Ces examens sont d’autant plus essentiels que des cas de loque européenne atypique compliquent le diagnostic différentiel.

Les loques américaine et européenne sont des maladies bactériennes du couvain. Jusqu’à présent, les signes cliniques étaient considérés presque comme pathognomoniques. Mais c’était sans compter sur la venue des loques atypiques.

Les larves “filantes” de la loque américaine

Classée danger sanitaire de 1re catégorie, la loque américaine est causée par Paenibacillus larvae. La maladie se présente sous deux formes : végétative et sporulée. La larve se contamine par ingestion des spores de la bactérie, qui se développeront dans son tube digestif et provoqueront une septicémie mortelle en une dizaine de jours. Qu’elles meurent jeunes ou dans des cellules déjà operculées, les larves seront éliminées par les ouvrières. Seule restera une alvéole vide, donnant un aspect “en mosaïque” du couvain.

Si le diagnostic de la maladie nécessite l’identification de l’agent pathogène par un examen de laboratoire, des signes cliniques d’appel existent. Ils dépendent du génotype de la bactérie impliquée, du stade de la maladie et de la force de la ruche. Au départ, l’alvéole operculée contenant une larve malade semble moite et de couleur plus foncée. Puis elle s’affaisse et se perfore, et une odeur caractéristique se développe à ce stade avancé de l’infection. À l’intérieur, la larve ou la nymphe, de couleur blanchâtre, devient brun crémeux puis brun foncé. Après sa mort, elle prend un aspect “filant” lorsqu’on essaye de l’extraire de l’alvéole avec un petit bâton (test de l’allumette). Les restes du couvain malade se dessèchent pour former des écailles typiques dures, brunâtres, très fragiles et très adhérentes.

Si la mort se produit au stade de pupe, il peut y avoir formation de la « langue pupale », correspondant à une saillie de la tête de la pupe qui traverse le dessus de l’alvéole. C’est un des signes les plus caractéristiques de la maladie, mais il est rarement observé. Parfois, la langue persiste également sur l’écaille sèche.

L’écaille noire de la loque européenne

Plusieurs agents bactériens peuvent être impliqués dans la loque européenne. L’agent principal est Melissococcus plutonius, qui ne sporule pas. Les autres organismes bactériens sont Enterococcus faecalis, Paenibacillus alvei ou Bacterium eurydice. Elle apparaît en général à la suite d’un stress alimentaire et disparaît quand les ressources sont suffisantes. En cas de contamination, la larve meurt généralement au moment de l’operculation des cellules, avant la métamorphose en chrysalide, et devient jaune puis brune, visqueuse, presque liquide pour finir par se dessécher. Elle prend alors l’aspect d’une écaille noire sèche au fond de l’alvéole. Les écailles sont vite nettoyées par les ouvrières, ce qui rend l’observation plus difficile. Là encore, il en résulte un couvain en mosaïque. La maladie est plus facilement repérable au début du printemps et en été. Dans le cas d’infections sévères, les colonies dégagent une odeur aigre nauséabonde. À noter que la loque européenne n’est pas une maladie à déclaration obligatoire.

Un risque de confusion avec la loque atypique

Depuis quelques années, les apiculteurs français signalent l’observation de cas de formes atypiques de loques qu’ils nomment parfois « couvain morveux »1. Ces loques atypiques sont récurrentes d’une année à l’autre, avec une persistance possible des signes cliniques en saison, témoignant d’un pouvoir pathogène fort. Les larves mortes peuvent prendre une consistance « gluante », proche du caractère filant de la loque américaine. Pourtant, les examens de laboratoire n’identifient pas l’agent causal de la maladie, Paenibacillus larva e, mais bien un ou des agents associés à la loque européenne (Melissococcus plutonius, agent causal, et Paenibacillus alvei, agent secondaire). Ces résultats montrent l’importance de la confirmation en laboratoire pour le diagnostic des loques. À la suite des remontées de terrain des cas de loque européenne atypique, une étude exploratoire a été lancée en 2017 par les équipes du laboratoire national de référence santé des abeilles (Anses de Sophia-Antipolis, Alpes-Maritimes), de l’Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation (Itsap) et de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV).

1. La maladie a été décrite dès 2008 en Suisse.

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr