LA SERUM AMYLOID A CHEZ LE CHEVAL SAIN ET MALADE - La Semaine Vétérinaire n° 1857 du 05/06/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1857 du 05/06/2020

INFLAMMATION ET DIAGNOSTIC

PRATIQUE MIXTE

FORMATION

Auteur(s) : ANNE COUROUCÉ

Suivre la réponse inflammatoire peut être riche en information, notamment lorsque les signes cliniques sont frustres ou peu pathognomoniques1. La serum amyloid A (SAA) est une protéine majeure produite chez le cheval pendant la phase aiguë de l’infl ammation. Sa concentration peut augmenter très tôt (6 heures) et pendant 24 à 48 heures et sa valeur initiale peut être multipliée par 1 000. Lorsque l’infl ammation se résout, la concentration en SAA diminue en 12 heures.

Concentration de la SAA chez les chevaux sains

Chez les chevaux sains, les valeurs de la SAA sont généralement comprises entre 0 et 20 mg/l. S’il n’existe pas d’effet lié au sexe de l’animal, l’âge joue un rôle. Des changements physiologiques ont également été rapportés pendant la gestation, avec une augmentation des valeurs de SAA 1 semaine avant le part et jusqu’à 4 semaines après.

Concentration de la SAA et exercice

Les auteurs ont rapporté que, chez les chevaux d’endurance effectuant des courses sur de longues distances et passant avec succès le contrôle vétérinaire (vet gate), la concentration en SAA augmentait avec un facteur multiplicateur de plus de 10. Pour des chevaux courant sur des distances plus modérées ou des sujets inexpérimentés soumis à un entraînement intense, le facteur multiplicateur était de deux à quatre fois les valeurs basales. Les courses de plat entraînent également une augmentation de près de sept fois la valeur de base, et ce jusqu’à 48 heures postcourse.

La valeur de base de la SAA peut être un bon indicateur de suivi chez les chevaux de sport et de course. Ainsi, chez des galopeurs en course, la valeur de la SAA 3 à 4 jours après une course était significativement plus élevée chez des chevaux présentant un problème locomoteur.

Le suivi de la SAA au cours de l’entraînement est un critère intéressant pour évaluer l’état de santé de l’animal et définir son potentiel de performance.

Concentration de la SAA chez les poulains

Le dosage de la SAA doit être considéré en conjonction avec l’anamnèse, l’examen clinique, les autres examens sanguins et examens complémentaires effectués. Une augmentation de la SAA n’est pas spécifique d’un problème en particulier, mais témoigne de l’existence d’une inflammation comme d’une infection nécessitant la mise en place d’un traitement rapide, ce qui est particulièrement important chez les nouveaux-nés.

Une bactériémie, une arthrite septique et une pneumonie bactérienne vont entraîner, par exemple, une élévation importante de la concentration en SAA. À l’opposé, des poulains présentant des affections noninfectieuses de faiblesse néonatale affichent des valeurs de SAA normales ou très légèrement augmentées. Des poulains présentant des omphalo-phlébites peuvent également avoir des valeurs de SAA normales du fait du caractère localisé de l’infl ammation. Ainsi, des concentrations élevées de SAA suggèrent la présence d’une infection systémique, mais cette observation ne doit pas conduire, par exemple, à faire le choix d’un traitement antibiotique. Celui-ci doit s’appuyer sur les données cliniques et les autres examens complémentaires effectués.

Une valeur seuil de 100 mg/l a été suggérée pour différencier les cas infectieux et non-infectieux. Toutefois, les poulains atteints d’une pneumonie due à rhodoccocus equi n’ont pas toujours une SAA augmentée, par exemple. Dans ces cas, le fibrinogène est beaucoup plus utile du fait de la chronicité de la maladie.

Concentration de la SAA et affections du système reproducteur

Les outils habituels pour évaluer la santé utérine sont l’examen clinique, la cytologie, la bactériologie et l’histopathologie. Néanmoins, les résultats de ces examens ne permettent parfois pas de conclure. Une étude a montré que la SAA pouvait augmenter en cas de pyomètre, notamment. C’est également un bon marqueur de l’existence de placentites et du risque d’avortement dans ces cas-là. Le suivi de la SAA lors de la mise en place de traitement en cas de placentite permet d’évaluer son effcacité. À l’opposé, lorsqu’il s’agit d’endométrite subclinique, la SAA n’est pas un bon marqueur.

Concentration de la SAA et médecine interne chez le cheval adulte

Il a été mis en évidence que le dosage de la SAA est un bon outil de screening pour des affections médicales. En cas d’infection respiratoire (pneumonie) par Streptococcus zoœpidemicu s de très fortes concentrations de SAA (supérieures à 1 000 mg/l) ont été notées. La SAA augmentait à partir du premier jour postinfection, avec un pic à 3 jours, puis diminuait progressivement. L’élévation de la SAA était alors plus significative que celle du fibrinogène.

Lors d’infection virale une hausse survient également en relation avec l’expression des signes cliniques. Pour la grippe, par exemple, une augmentation de la SAA a été observée dans les 48 heures après apparition des signes cliniques.

La mesure de la SAA permet de faire la différence entre des affections respiratoires bactériennes entraînant de fortes augmentations de la concentration et des affections respiratoires inflammatoires liées soit à des infections virales soit à des phénomènes allergiques qui entraînent des augmentations modérées, voire des valeurs normales. Dans les cas d’affections digestives, des entérocolites, colites, abcès et péritonites entraînent également une augmentation de la concentration en SAA. Pour les auteurs, il est intéressant de constater que les chevaux présentant des concentrations en SAA supérieures à 50 mg/l lors de l’admission avaient un pronostic de survie plus faible. Une autre étude a montré qu’une hausse de la SAA dans les 24 à 72 heures lors de l’hospitalisation avait plus de chances de développer des complications.

Des inflammations ou infections isolées, comme des uvéites ou des kératites, n’entraînent aucune modification de la concentration en SAA.

Concentration de la SAA et affections articulaires

Le diagnostic d’une inflammation et/ou infection articulaire est fondée sur l’examen clinique et l’analyse du liquide synovial. Toutefois, il est parfois difficile d’effectuer une différentiation claire entre une inflammation non-septique et une infection débutante. La SAA peut être mesurée dans le liquide synovial. Chez un cheval sain, la SAA dans le sang et dans le liquide synovial est généralement inférieure à 1 mg/l. Une élévation de la valeur de la SAA a été proposée pour faire la distinction entre affection non-septique et septique, avec une valeur seuil de 60 mg/l pour les affections septiques.

Chez les chevaux de course, les dommages au niveau osseux et tendineux n’entraînent pas d’augmentation de la SAA, contrairement aux affections des tissus mous et du système musculo-squelettiques qui, elles, l’engendrent.

Concentration de la SAA et affections chirurgicales

La réponse postchirurgicale normale est une augmentation de la SAA, puis une diminution rapide. Une hausse anormalement prolongée peut indiquer la survenue de complications postopératoires. Lors de chirurgie mineure, sans complications, la valeur de la SAA augmente entre 100 et 400 mg/l, avec un pic 3 jours postchirurgie et un retour à la normale 7 jours après environ.

La SAA peut également être utile pour la gestion de la douleur abdominale aiguë. Une étude a évalué d’une part un modèle clinique seul et d’autre part un modèle clinique avec paramètres sanguins pour différencier des chevaux présentant une colique inflammatoire (entérocolite et péritonite) de ceux ayant une colique nécessitant une chirurgie. Le modèle clinique était fondé sur la léthargie, la température rectale supérieure à 38 °C, un refl ux gastrique de 5 à 10 l et une fouille rectale normale. Toutes ces variables, à part le refl ux gastrique, étaient des prédicteurs positifs d’une colique inflammatoire avec une capacité de distinguer une colique inflammatoire d’une colique chirurgicale de 86 %. Lorsque des paramètres sanguins étaient ajoutés à ce modèle clinique, la capacité de distinguer les deux types de colique passait à 90 % sachant que la SAA était le paramètre principal apportant une amélioration de cette prédiction.

Lors de cœliotomie exploratrice, la concentration en SAA 48 heures, 72 heures et 96 heures postchirurgie permettait de déterminer les chevaux à risque de complications.

1. Article rédigé d’après Witkowska-Pilaszewicz O. D., Zmigrodzka M., Winnicka A. et coll. Serum amyloid A in equine health and disease. Equine Vet. J. 2019:51 (3);293-298.

À RETENIR

La mesure de la SAA est une aide pour le diagnostic, le pronostic et l’évaluation globale de l’état de santé des chevaux. Du fait de la concentration faible chez les chevaux sains et de l’augmentation rapide en cas d’infl ammation, la SAA est un outil sensible, fiable qui permet une détection précoce d’un état inflammatoire. Sa mesure est notamment particulièrement importante lorsqu’il s’agit d’établir un diagnostic précoce et de mettre en place un traitement rapide et agressif, comme en néonatalogie, par exemple. Il convient néanmoins d’insister sur le fait que la SAA n’est pas spécifique et que le fait de la mesurer ne représente pas un gold standard. Elle doit être mesurée et évaluée en combinaison avec un examen clinique détaillé et d’autres tests de laboratoire. Le suivi de la SAA chez un animal traité est un excellent moyen d’évaluer l’efficacité du traitement mis en plac e et la nécessité, par exemple, de le poursuivre plus longtemps.

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