CONDUITE À TENIR EN CAS DE DIARRHÉE CHRONIQUE - La Semaine Vétérinaire n° 1857 du 05/06/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1857 du 05/06/2020

GASTRO-ENTÉROLOGIE

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

FORMATION

Auteur(s) : MYLÈNE PANIZO

FANNY BERNARDIN, diplomate Ecvim-CA, spécialiste en médecine interne au centre hospitalier vétérinaire Languedocia à Montpellier (Hérault).

Article rédigé d’après un “webinaire” organisé par le laboratoire Idexx en décembre 2019.

La diarrhée se définit comme l’augmentation de la fréquence ou du volume des selles associée ou non à une diminution de leur consistance. Face à une diarrhée chronique (qui persiste au-delà de 3 semaines), la démarche diagnostique doit être systématique et rigoureuse, fondée sur des examens complémentaires à savoir hiérarchiser.

Obtenir une bonne anamnèse

La première étape face à un animal qui présente une diarrhée chronique est de savoir mener une anamnèse, en posant les bonnes questions à son propriétaire. Les principaux objectifs sont d’évaluer l’impact de la diarrhée sur l’état général de l’animal et d’envisager les premières hypothèses diagnostiques.

Il est important de connaître les antécédents de l’animal (voyages récents, maladies concomitantes), son mode de vie (accès à l’extérieur, exposition à des toxiques, ingestion de corps étrangers), son suivi médical (vaccination, vermifugation) et son alimentation (nature, fréquence d’administration, changements récents).

Le praticien doit ensuite chercher à savoir si la diarrhée entraîne ou non une répercussion sur l’état général de l’animal (fatigue, baisse d’appétit, douleur), une contagiosité (à d’autres animaux, voire à l’humain) et si elle est associée à d’autres signes cliniques (vomissements, borborygmes, douleur, polyuro-polydipsie, etc.). Le recueil des commémoratifs inclut également des questions concernant l’aspect des selles (couleur, consistance, présence de méléna ou d’hématochézie), la fréquence d’émission, et l’urgence ou la douleur à la défécation. La localisation anatomique (diarrhée de l’intestin grêle ou du côlon) est intéressante dans un contexte de diarrhées récidivantes. Lors de diarrhée du grêle, le volume des selles et la fréquence de défécation sont généralement augmentés, l’apparition de méléna est possible, tandis que la présence de mucus, d’hématochézie, de ténesme et l’urgence à la défécation sont rares (contrairement aux diarrhées du côlon). En revanche, la caractérisation de la diarrhée en fonction du mécanisme pathophysiologique (diarrhée osmotique, sécrétoire, etc.) reste théorique et peu utile en clinique.

Reconnaître les critères cliniques de gravité

Il est indispensable de savoir reconnaître les signes cliniques alarmants qui justifieront d’emblée une exploration (même dans le cas d’une diarrhée aiguë), tels qu’un état de maigreur, une déshydratation ou une hyperthermie. La présence d’anomalies à l’examen clinique (halitose, ulcères buccaux, congestion des muqueuses, troubles du rythme cardiaque, douleur abdominale, méléna ou sang en nature en grande quantité à la palpation transrectale) doit également inciter à la réalisation d’examens complémentaires.

Hiérarchiser les examens complémentaires

Les causes infectieuses sont en général à rechercher en premier lieu, par la réalisation d’une analyse complète de selles récoltées dans l’idéal sur 3 jours consécutifs (coproscopie par flottaison, test rapide Elisa, PCR1, voire culture). Cet examen permet de rechercher des agents parasitaires (helminthes, protozoaires, etc.), des bactéries (dysbiose, Clostridium perfringens, Campylobacter, Salmonella, etc.) et des virus (coronavirus, maladie de Carré, parvovirus).

Si les causes infectieuses sont exclues, il est nécessaire d’envisager des causes métaboliques, en réalisant une analyse sanguine et urinaire. En fonction du contexte et de l’animal, des maladies non gastro-intestinales sont explorées : pancréatites (Spec cPL), insuffisance pancréatique exocrine (TLI2), hépatopathies (PAL, ALAT, ASAT, GGT3, bilirubine, etc.), endocrinopathies (ionogramme, cortisol, T4/TSH4), néphropathies (créatinine, SDMA5, densité urinaire), ou infections polysystémiques (leptospirose, PIF, FIV-FeLV6, etc.).

Lors de maladies strictement digestives, certains paramètres sanguins sont parfois modifiés. La numération et formule sanguines peut ainsi révéler une neutrophilie, une éosinophilie, une lymphopénie, associées ou non à une anémie. En cas d’entéropathie exsudative, une panhypoprotéinémie est constatée. Lors de syndrome de malabsorption, une hypocholestérolémie, une hypocalcémie et une hypomagnésémie sont parfois observées. Généralement, en présence d’une prolifération bactérienne de l’intestin grêle, la vitamine B12 est basse et les folates sont élevés. En cas de malabsorption intestinale, les deux paramètres sont abaissés, les folates étant absorbés dans la partie proximale (duodénum) du petit intestin, et la vitamine B12 dans la partie distale (iléon). Une hépatopathie réactionnelle est souvent présente lors de troubles digestifs (augmentation modérée, de deux à quatre fois, de l’activité des PAL et des ALAT).

Si ces analyses ne permettent pas de trouver une cause aux diarrhées récidivantes, le praticien peut s’appuyer sur l’imagerie médicale : réaliser une échographie abdominale permet d’exclure des causes digestives (corps étranger, ulcères, tumeur), d’évaluer l’aspect des anses digestives et des nœuds lymphatiques, ainsi que de sélectionner la meilleure méthode pour effectuer des biopsies si besoin. Lors de maladie inflammatoire chronique de l’intestin (Mici), les signes échographiques ne sont pas systématiques. S’ils sont présents, un épaississement pariétal généralisé avec architecture préservée, un changement d’échogénicité de la muqueuse et la présence d’une adénomégalie régionale d’échogénicité normale sont observés.

Réaliser des essais thérapeutiques

À ce stade, si des causes tumorales ou mécaniques ont été écartées, et si l’état de l’animal le permet, il peut être raisonnable de procéder à des essais thérapeutiques séquencés avant la réalisation de biopsies. Il est conseillé de :

- vermifuger pour traiter une éventuelle parasitose non diagnostiquée par l’analyse de selles, avec une molécule à large spectre telle que le fenbendazole à 50 mg/kg/j pendant 3 jours.

- traiter une dysbiose ou une entéropathie répondant aux antibiotiques avec des pré et probiotiques et du métronidazole, à la dose de 10 à 15 mg/kg, deux fois par jour, pendant 1 mois. La tylosine (de 10 à 15 mg/kg, trois fois par jour, pendant 7 jours ou plus) peut également être utilisée même si une résistance bactérienne est possible. L’usage d’antibiotiques dans ce contexte permet de traiter d’éventuels entéropathogènes non diagnostiqués et possède un effet immunomodulateur.

- changer d’alimentation en mettant en place un régime d’éviction (dans l’idéal, éviter le bœuf, le poulet et les produits laitiers), appétent, avec une transition sur 4 à 7 jours, et conserver ce régime strict pendant au moins 12 semaines. Une réponse clinique est attendue dès la deuxième semaine.

Réaliser des biopsies pour confirmer une Mici

En cas de non-réponse aux essais thérapeutiques, des biopsies sont souvent recommandées, par endoscopie (par voies haute et basse) ou par chirurgie, avant la mise en place d’un traitement immunomodulateur. Les Mici idiopathiques répondent à cinq critères : des signes gastro-intestinaux récurrents ou persistants chroniques, une preuve histologique d’inflammation de la muqueuse, une exclusion des autres causes d’inflammation digestive, une absence de réponse au changement alimentaire, aux antibiotiques et au vermifuge, et une réponse clinique aux immunomodulateurs. Une prédisposition génétique a été démontrée pour certaines races de chiens (basenji, shar pei, soft coated wheaten terrier).

1. Réaction en chaîne par polymérase.

2. Trypsin-like immunoreactivity.

3. Phosphatase alcaline, alanine aminotransférase, aspartate aminotransférase, -glutamyl transférase.

4. Thyroxine/thyréostimuline hypophysaire.

5. Diméthylarginine symétrique.

6. Péritonite infectieuse féline, immunodéficience félineleucose féline.

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