VETPARTNERS : « EN FRANCE, TOUT NOUS INTÉRESSE » - La Semaine Vétérinaire n° 1856 du 29/05/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1856 du 29/05/2020

GROUPE

ANALYSE

Auteur(s) : FREDERIC THUAL

Cliniques canines, mixtes, mais aussi laboratoires d’analyses ou fi rme pharmaceutique. Le troisième grand groupe vétérinaire à s’implanter en France souhaite intégrer tous les pans du secteur, avec un développement de type structure mère-structures satellites.

Après l’Italie et avant l’Allemagne, le groupe britannique VetPartners jette son dévolu sur la France. Avec l’ambition de conquérir 300 à 400 cliniques vétérinaires françaises d’ici trois ans. Grâce à un positionnement sensiblement diff érent des groupes Anicura et IVC Evidensia arrivés il y a un peu plus d’un an dans l’Hexagone. Aux commandes de la fi liale française depuis le 1er janvier, Vincent Parez (L 88), issu de l’industrie pharmaceutique.

Quelle est l’ambition du groupe britannique VetPartners en France ?

Vincent Parez : Nous voulons créer un maillage de la profession vétérinaire, en se fondant sur les deux éléments de notre ADN : la diversité et la bienveillance. Il n’y a pas deux cliniques identiques en France et il n’est pas question que cela change. Notre réseau respecte les identités des structures. VetPartners n’apparaîtra pas sur les façades. Cette diversité revendiquée, c’est aussi celle des espèces. L’objectif est de consolider le marché des animaux de compagnie, mais aussi de rente et l’équine. En cela, nous sommes diff érents des autres groupes.

À quel type de cliniques vous intéressez-vous ?

Il n’y a pas de critères de chiff res d’aff aires. Pour nous, la diversité des profi ls et des espèces est fondamentale. L’approche, c’est de créer d’abord le maillage dans le réseau des animaux de compagnie, mais aussi celui du réseau sanitaire sur les espèces de rente. Je ne veux pas voir la disparition de cabinets mixtes, qui constituent l’une des richesses du système français. En revanche, les cliniques rurales pures ne nous intéressent pas, en raison de leur manque de rentabilité. Nous intégrerons des petites, des moyennes et des grosses cliniques. L’idée, c’est le développement en grappe. Si une grosse clinique, voire un centre hospitalier vétérinaire (CHV), est intégrée, nous développerons le maillage autour pour structurer la prise en charge des animaux et être le plus effi cace possible.

Vous limitez-vous aux rachats de cliniques ?

En France, tout nous intéresse. Laboratoire pharmaceutique, d’analyses, agence intérim, cabinets spécialisés… Toute la vraie vie des vétérinaires.

Quelle sera votre part d’intervention dans les structures du réseau ?

Les cliniques travailleront en autonomie, sans infl uence sur les façons de travailler. Un vétérinaire heureux est un vétérinaire rentable. Mais il est essentiel que les gens aient la volonté de coopérer dans un réseau optimisé. Nous sommes une société de services voulue pour accroître la consolidation des structures vétérinaires. Une très grosse clinique mixte à tout intérêt à travailler avec beaucoup de cliniques moyennes en animaux de compagnie. C’est l’avenir du marché.

Quelle formule proposez-vous ?

Un système de salariat. Nous ne rachetons pas les murs. L’immobilier n’est pas notre métier. Le vétérinaire reste propriétaire ou locataire. Nous ne sommes jamais majoritaires dans la structure vétérinaire professionnelle, mais le sommes très largement dans la structure financière. Nous proposons aux vétérinaires de ne plus faire ce qu’ils ne veulent plus faire : finance, comptabilité, gestion des ressources humaines, etc. Ils auront accès à la formation, à la possibilité de passer des diplômes de spécialistes, à une diversité de plans de carrière. Pour beaucoup, le principal moteur, c’est la pérennité de la clientèle face à 85 % de jeunes qui ne veulent pas investir dans des cliniques.

Comment l’entité française de VetPartners est-elle organisée ?

L’entité française, c’est une holding… avec une équipe de collaborateurs : des directeurs financiers, marketing, informatiques, ressources humaines, etc. Et une direction des opérations fondée sur le maillage territorial en cours de construction. Les vétérinaires qui nous rejoindront pourront, s’ils le désirent, devenir directeurs des opérations, auxquels seront rattachés des directeurs régionaux.

Vous arrivez en troisième position, derrière Anicura et IVC Evidensia. N’êtes-vous pas en retard ?

C’est toujours plus difficile de partir troisième, mais c’est le moment idéal. Cela permet de travailler sur ce que les autres ont fait. Sur un marché réfractaire, qui l’est toujours un peu, Anicura a créé la conscience de la consolidation. IVC Evidensia est venue juste après. Ils ont essuyé les plâtres, c’est toujours plus difficile. En retard ? Non. Tout ne va pas se jouer en 6, 12 ou 18 mois. Décider de rejoindre un groupe est une décision longue. Le rachat, c’est facile, ce sont des chiffres. Derrière, il faut construire tous les contrats de salariats, de collaboration, et ça ne se fait pas en 48 heures ! Mais il y a de la place pour tout le monde. 1 500 à 2 000 cliniques devraient entrer en consolidation dans les années à venir.

Où en êtes-vous ?

Des contrats sont signés mais encore soumis à des clauses de confidentialité. Nous n’avons pas d’ambitions chiffrées pour 2020. L’objectif est d’avoir intégré 300 à 400 sites (propriétaires) d’ici trois ans.

La crise sanitaire que nous traversons vous a-t-elle amené à revoir vos ambitions ?

Le confinement n’a fait que “décaler” certains aspects opérationnels, mais ne remet pas en cause les fondamentaux de VetPartners. Les impacts futurs de la crise sont difficiles à évaluer à ce jour, ils varieront sans doute beaucoup d’une structure à l’autre. En ce qui concerne VetPartners, elle a avant tout renforcé ma conviction profonde : le fait que la création d’un réseau innovant de cliniques vétérinaires, fondé sur la diversité, l’entraide et la collaboration, regroupant tous les aspects de la profession, est un réel besoin en France.

Quel accueil avez-vous reçu depuis votre arrivée ?

C’est binaire. Nos interlocuteurs sont soit non intéressés, soit très intéressés. Rien entre les deux. Il y a ceux qui préfèrent le mode libéral et ceux qui sont persuadés qu’ils ne réussiront pas à revendre leur clinique.

Pourquoi une clinique choisirait-elle de rejoindre VetPartners plutôt qu’un autre groupe ?

La notion de maillage peut décider certains vétérinaires à franchir le pas. Car la consolidation du marché ne sera pas la seule évolution du secteur vétérinaire. Et des risques existent. L’ouverture des frontières à la distribution du médicament vétérinaire est un vrai risque dans les trois années qui viennent. Dans une clinique classique, 40 à 60 % des bénéfices viennent des médicaments. Rentrer chez VetPartners, c’est avoir un sérieux avantage sur ce sujet. Je connais ce qui va se passer pour avoir participé à la mise en place des stratégies… et je sais comment nous allons nous y adapter. Nous sommes vraisemblablement les mieux préparés sur ce sujet. Mais les arguments pour nous rejoindre résident surtout dans l’environnement de travail, les perspectives d’évolution de carrière, la reconnaissance du travail, dans un climat de diversité et de bienveillance. La présidente et fondatrice du groupe (cidessus) n’est pas une financière, elle est vétérinaire.

L’actionnariat est, lui, bien financier…

Oui, il faut de l’argent pour racheter des cliniques. D’un autre côté, la performance financière demandée est raisonnable, à hauteur de la croissance du marché. Ce qui n’est pas le cas ailleurs…

VetPartners déroule son modèle en Europe

L’histoire de VetPartners commence en 2015 à York (Grande-Bretagne) avec Jo Malone, vétérinaire britannique de 45 ans, fondatrice et chief executive officer (CEO) du groupe. En moins de cinq ans, soutenu par le fonds d’investissement international BC Partners (gestionnaire de 17 milliards d’euros d’actifs), il a attiré quelque 130 cliniques, soit plus de 5 355 collaborateurs, répartis sur 450 sites en Grande-Bretagne. Au fil des années, le groupe s’est diversifié avec l’acquisition d’instituts de formation de soins infirmiers vétérinaires et de soins équins, des laboratoires d’analyses et de recherche sur la qualité du lait et une agence d’intérim. Au Royaume-Uni, VetPartners concentre plus de 20 % des animaux de production, 30 % des troupeaux laitiers et 45 % des porcs. Outre la Grande-Bretagne, VetPartners a créé deux entités légales, en Italie, avec cinq cliniques, et en France (à laquelle sont rattachées la Belgique et la Suisse). L’Allemagne est en cours de constitution.

VINCENT PAREZ (L 88) Directeur général de VetPartners France

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