LA COPROSCOPIE, UN EXAMEN UTILE EN PRATIQUE - La Semaine Vétérinaire n° 1856 du 29/05/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1856 du 29/05/2020

PARASITOLOGIE

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

Auteur(s) : TANIT HALFON

En évitant les traitements à l’aveugle, l’analyse coproscopique s’inscrit dans une médecine personnalisée. Si l’examen reste facile d’accès pour le praticien, il n’est pas suffi sant pour diagnostiquer toutes les parasitoses digestives des carnivores domestiques.

La vermifugation systématique est classique en médecine canine et féline. Ce traitement à l’aveugle pourrait-il être remis en question ? « Nous pourrions être confrontés à la réduction de cet usage pour limiter le risque d’apparition de résistance, et pour répondre aussi à une demande sociétale de baisse des produits chimiques », souligne Bruno Polack, enseignant-chercheur de parasitologie à l’École nationale vétérinaire d’Alfort. Pour l’instant, « il n’y a pas de résistance connue sur les nématodes des carnivores domestiques en France, note-t-il. Mais nous constatons des difficultés de traitement pour les giardioses chez les jeunes animaux ». En revanche, outre-Atlantique, aux États-Unis, sont observées des souches résistantes de Dirofi laria immitis. De plus, comme il le rappelle, aucun vermifuge n’agit sur l’ensemble des parasites. « Par exemple, nous observons régulièrement des strongyloses à Uncinaria stenocephala, présent dans la moitié nord de la France, pour lesquelles la substance active milbemycine oxime n’a pas d’action. Ces cas sont bien la conséquence de l’absence de contrôle parasitaire avant et après le traitement. »

Plusieurs situations d’usage

En médecine individuelle, l’usage de la coproscopie peut s’envisager dans le cadre de la médecine préventive, ou plus simplement pour confi rmer une suspicion clinique, permettant d’éviter des diagnostics tardifs. « En cas d’infestation massive avec un risque de mortalité, la coproscopie est un bon examen à pratiquer au chevet de l’animal, car elle permet de détecter la majorité des parasites fréquemment incriminés, et donc au praticien d’agir rapidement. » Par ailleurs, « il serait intéressant de la réaliser en première intention sur les cas de diarrhées chroniques pour exclure dans un premier temps les principaux parasites », explique l’enseignant. En ce qui concerne la médecine préventive, la première visite du chiot, notamment, est un moment propice à l’examen. « Cela permet de détecter la présence de coccidies et des ascarides et d’agir de façon spécifi que, en évitant un traitement inutile, comme avec le Procox, seul vermifuge ayant une autorisation de mise sur le marché pour les coccidioses du chien, alors que ces parasitoses peuvent provoquer des troubles importants. » Pour autant, la vermifugation systématique reste pertinente en cas de risque zoonotique, notamment pour Toxocara et les échinocoques. D’autant qu’actuellement, seul l’examen par PCR permet d’identifi er les animaux porteurs de ce dernier parasite. À noter que même si un propriétaire possède plusieurs animaux, une analyse individuelle doit être effectuée. « Le parasitisme dépend du comportement de chaque individu. Par ailleurs, peu de parasites sont communs entre les chats et les chiens, sauf quelques parasites respiratoires, souligne Bruno Polack. Mais la détention de plusieurs animaux facilite leur circulation. Par exemple, pour les trichures du chien, on peut observer un phénomène accumulatif avec une persistance d’œufs dans l’environ nement et, à la clé, une quantité importante chez le jeune adulte. » Dans ce contexte, la coproscopie est aussi intéressante pour suivre l’efficacité d’un traitement.

Une technique à maîtriser

En pratique, il convient de commencer par un examen direct en observant au microscope un échantillon de selles entre lame et lamelle, ce qui permet par exemple de détecter des coccidies en grand nombre lors d’une suspicion clinique forte. De plus, « c’est cet examen macroscopique des fèces qui permet de détecter les cestodes, et il est facile ensuite de faire la différence entre un Taenia sp. et un Dypilidium caninum au microsocope par l’observation des segments repérés, mais il convient de ne pas oublier d’identifi er la source de contamination - puces (D. caninum) ou souris (T. taeniaformis), par exemple - après avoir trouvé le parasite en cause. » Pour la suite, les méthodes de coproscopie qualitative suffisent pour les carnivores domestiques. « La technique de fl ottation est un examen simple, qui permet de voir la majorité des parasites, explique Bruno Polack. Classiquement, on peut utiliser des kits, nombreux sur le marché et relativement sensibles. » Attention toutefois : certains parasites restent invisibles à l’examen coproscopique. C’est le cas de Giardia. « Il existe un kit, mais l’inconvénient est qu’il est très sensible, donc il apparaît souvent positif chez les jeunes carnivores même en l’absence de signes cliniques. » De plus, « les larves de nématodes pulmonaires nécessitent des examens spécifi ques de laboratoires, sachant qu’ils sont de plus en plus fréquents en France », ajoute-t-il. Sans oublier que « beaucoup d’antiparasitaires ont une activité limitée sur ces parasites. » Enfi n, il existe aussi des risques de faux positifs en cas de contamination de l’environnement. De façon générale, lors de persistance ou d’aggravation des symptômes compatibles avec un parasitisme, l’idéal est de multiplier les techniques, ce qui nécessite alors une expertise assez grande et donc un envoi des prélèvements au laboratoire.

Pour en savoir plus :

Le nouveau guide de l’European Scientific Counsel Companion Animal Parasites (Esccap) met en avant les situations dans lesquelles un examen coproscopique serait intéressant à réaliser : www.bit.ly/36f8pHE.

DES PRÉCAUTIONS SPÉCIFIQUES EN ÉLEVAGE

L’apparition de résistance aux antiparasitaires est liée à la pression de sélection sur une population de parasites : plus il y a d’animaux traités simultanément avec la même molécule, plus le risque augmente. Et « une fois qu’une résistance est acquise, on ne sait pas s’en débarrasser », souligne Bruno Polack. Dans ces conditions « dès qu’on traite une collectivité, il est fondamental de raisonner en terme d’analyses coproscopiques et de rotation des antiparasitaires ». En élevage de carnivores domestiques, il est donc recommandé de réaliser des analyses de selles pour identifi er les parasites en présence, mais aussi pour suivre l’efficacité des traitements mis en place.

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