UTILISATION DU PARACÉTAMOL : PHARMACOCINÉTIQUE ET SÉCURITÉ D’EMPLOI - La Semaine Vétérinaire n° 1854 du 15/05/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1854 du 15/05/2020

ÉQUINE

PRATIQUE MIXTE

FORMATION

Auteur(s) : ANNE COUROUCÉ

Chez le cheval, l’efficacité de l’acétaminophène a été démontrée comme traitement additionnel chez un poney fourbu et également comme agent analgésique combiné à un autre anti-inflammatoire non stéroïdiens dans un modèle de douleur de pied. Néanmoins, dans ces études, seule la dose de 20 mg/kg a été utilisée avec une administration unique ou de très courte durée.

Ainsi, l’objectif de cette nouvelle étude1 était :

- d’évaluer la pharmacocinétique de l’acétaminophène chez les chevaux lors de l’administration d’une dose de 20 mg/kg unique, puis de la même dose délivrée deux fois par jour pendant 14 jours ;

- d’évaluer la sécurité de l’administration de multiples doses d’acétaminophène.

Matériel et méthodes

Les chevaux

Cette étude a intégré huit chevaux adultes en bonne santé de race pur-sang, âgés entre 5 et 11 ans, provenant du troupeau pédagogique de l’université de Virginia-Maryland (États-Unis). Un examen clinique, ainsi qu’un bilan hématobiochimique avec notamment un profil ciblé sur le foie a été réalisé.

Administration de la molécule et dosages

Les comprimés de 500 mg d’acétaminophène ont été broyés finement et mélangés à de l’eau et à du sirop de maïs, puis le mélange a été administré par voie orale avec une seringue de 60 ml.

Pour une dose unique de 20 mg/kg : du sang était prélevé via un cathéter pour le dosage de l’acétaminophène plasmatique juste avant l’administration par voie orale, puis 10, 20, 30, 45, 60, 90 minutes, ainsi que 2, 3, 4, 6, 8, 12, 16, 24, 36 et 48 heures après l’administration. Pour une dose de 20 mg/kg deux fois par jour pendant 14 jours : les chevaux étaient évalués cliniquement deux fois par jour avec une attention particulière à l’apparition de signes de colique, d’inappétence et/ou d’ictère. Une numération et formule sanguines et un bilan hépatique ont été répétés à J + 7 et J + 14. Du sang était prélevé pour le dosage de l’acétaminophène plasmatique comme décrit précédemment.

Gastroscopie

Une gastroscopie a été réalisée juste avant le protocole avec administration de doses multiples et 48 heures après l’administration de la dernière dose.

Échographie et biopsie hépatique

Une échographie et une biopsie hépatique ont été effectuées 2 jours après la fin du protocole avec administration de doses multiples.

Résultats

Pharmacocinétique

Après l’administration unique, l’acétaminophène était rapidement absorbé avec une concentration plasmatique maximale atteinte en moyenne en 1,35 heure (et jusqu’à 1,69 heure).

Après l’administration de doses multiples, la concentration plasmatique maximale était atteinte au bout de 0,99 heure (mais cela peut être plus ou moins 0,86 heure). Aucune accumulation significative n’a pu être notée après l’administration de doses multiples.

Sécurité de l’administration

Une augmentation significative de l’albumine, des phosphatases alcalines, du calcium, des créatines kinases et du potassium a été notée au cours de l’étude. Néanmoins, les valeurs de ces paramètres sont restées dans les normes. Il a été noté également une diminution de la valeur de la sorbitol déshydrogénase et une augmentation de la bilirubine totale avec des valeurs en dehors des valeurs de référence. Pour la gastroscopie, aucun changement du score d’ulcères gastrique n’a été noté chez les chevaux de l’étude.

Pour la biopsie hépatique, un score a été établi, selon l’article2 publié par Durham et coll. Il a pu être mis en évidence une inflammation portale modérée chez tous les chevaux.

Discussion

L’acétaminophène est absorbé dans le petit intestin proximal par diffusion passive, la différence de remplissage de l’estomac a occasionné des concentrations maximales assez variables en fonction des chevaux.

Chez l’homme, la concentration effective qui permet 50 % de la réponse maximale est estimée entre 15,2 et 16,55 µicrog/ml avec une concentration thérapeutique minimale de 10 µicrog/ml. Cette dernière reste à déterminer chez le cheval. Néanmoins, dans cette étude, la concentration plasmatique d’acétaminophène est restée au-dessus des 10 µicrog/ml proposés chez l’humain pendant seulement 2 heures après administration.

Des travaux précédents ayant utilisé une dose unique de 20 mg/kg chez des chevaux adultes ont permis de montrer une diminution de boiteries pendant 5 heures et une baisse de la fréquence cardiaque pendant 11 heures postadministration, ce qui est comparable à la flunixineméglumine. Bien que cette étude n’ait pas mis en évidence de seuil thérapeutique chez le cheval, elle permet de suggérer que les concentrations nécessaires pour l’analgésie chez le cheval sont inférieures à celles recommandées chez l’homme.

La gastroscopie n’a pas montré d’évolution du score d’ulcères gastrique chez les chevaux de cette étude. Ceci est en accord avec les données issues de la médecine humaine qui rapportent peu d’effets secondaires gastro-intestinaux de l’administration d’acétaminophène.

La biopsie hépatique a permis de mettre en évidence des scores tous inférieurs à 2, ce qui est associé, selon l’étude de Durham et coll., à un taux de survie de 96 % chez des chevaux qui, eux présentaient des signes cliniques d’insuffisance hépatique. Le score inflammatoire était lié à une infiltration leucocytaire au niveau portal (lésion non associée avec une toxicité à l’acétaminophène). Toutefois, il a été démontré par la suite que ces chevaux étaient en pâture dans des prés où poussaient des plantes contenant de la saponine de type Panicum spp, hépatotoxique pour les chevaux. Les lésions trouvées lors des biopsies peuvent donc être expliquées par le mode de vie des chevaux et non pas par l’administration d’acétaminophène. Il n’y a pas eu de biopsie hépatique d’effectuée avant l’étude, par conséquent, pas de possibilité de savoir si les lésions hépatiques décelées étaient antérieures à l’étude ou non.

En conclusion, cette étude a permis de mettre en évidence la sécurité de l’administration de doses multiples d’acétaminophène chez des chevaux adultes pendant 14 jours. Elle a également permis de décrire la pharmacocinétique de l’acétaminophène avec l’administration d’une dose unique et de doses multiples, sachant que d’autres études seront nécessaires pour déterminer la concentration thérapeutique efficace de ce médicament chez le cheval.

Deux questions se posent par rapport à cette étude : Quid d’autres effets secondaires qu’une éventuelle toxicité hépatique ? Notamment de la survenue de colites ou d’effets secondaires sur la fonction rénale ? Quid également de la cascade et de l’utilisation d’acétaminophène vu qu’il existe des COX-2 spécifique comme le firocoxib ayant une autorisation de mise sur le marché chez le cheval ?

1. Mercer M. A. McKenzie H. C., Davis J. L. et coll. Pharmacokinetics and safety of repeated oral dosing of acetaminophen in adult horses. Equine Vet. J. 2020;52(1):120-125.

2. Durham A. E., Smith K. C., Newton J. R. An evaluation of diagnostic data in comparison to the results of liver biopsies in mature horses. Equine Vet. J. 2003;35(6):554-9.

L’ACÉTAMINOPHÈNE

Les anti-inflammatoires non stéroidiens (AINS) sont des médicaments très fréquemment utilisés en médecine équine lors de douleurs liées à un processus inflammatoire. Les plus utilisés sont les inhibiteurs de l’activité des COX-1 et COX-2.

L’acétaminophène (plus connu sous le nom de paracétamol) est la molécule la plus utilisée en médecine humaine pour son aspect analgésique et antipyrétique. Sa pharmacologie et sa toxicologie sont similaires aux inhibiteurs COX-2 et il n’est pas reporté d’effets secondaires gastro-intestinaux ou rénaux chez l’homme contrairement aux AINS n’ayant pas d’action sélective.

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