LES DILEMMES ÉTHIQUES, SOURCES DE STRESS AU QUOTIDIEN - La Semaine Vétérinaire n° 1853 du 08/05/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1853 du 08/05/2020

EXERCICE PROFESSIONNEL

PRATIQUE CANINE FÉLINE ET NAC

Auteur(s) : TANIT HALFON

Une étude australienne a mis en lumière des problématiques éthiques auxquelles sont confrontés des vétérinaires canins. Pour tous les interrogés, elles génèrent une situation de tension émotionnelle qui impacte durablement la pratique.

Comment résoudre un problème éthique en pratique ? S’il n’existe aucune réponse toute faite, connaître l’expérience de confrères et de consoeurs peut s’avérer utile. Une étude australienne, publiée récemment dans le Journal of veterinary medical education1, s’est justement penchée sur la question. Sept vétérinaires canins, quatre hommes et trois femmes, âgés de 27 à 62 ans, ont été questionnés sur leurs expériences passées. L’objectif était d’identifi er les dilemmes éthiques auxquels ils peuvent être confrontés au cours de leur exercice, de comprendre comment et pourquoi ils prennent une décision éthique et de savoir s’ils avaient été formés pour résoudre ce genre de problématiques. L’analyse des résultats a permis de dégager trois points principaux en matière d’éthique vétérinaire. Le premier concerne les différences de perception entre praticiens et propriétaires. Le meilleur pour l’un ne l’est pas forcément pour l’autre. « J’ai fortement recommandé l’euthanasie, elle a été refusée et le chat est mort quatre à cinq jours plus tard à la maison », raconte un vétérinaire. Pour une autre, « le chien était dans une situation désespérée mais la femme du propriétaire était très attachée à l’animal et avait fait plusieurs tentatives de suicide… »

Des choix sous influence

Les questions éthiques se retrouvent également dans le choix de l’option thérapeutique. « Est-ce que c’est correct de continuer à traiter un “patient” avec une bactérie multirésistante, alors qu’il n’y a pratiquement pas de chances de guérison ? », interroge un praticien. Ces doutes sont aggravés face à un propriétaire peu compréhensif ou en désaccord avec la décision, ou quand le praticien tient compte de l’impact négatif du traitement sur le propriétaire.

Le troisième et dernier point ressorti de l’analyse des résultats concerne la façon dont les vétérinaires gèrent les problématiques éthiques. La prise de décision des praticiens apparaît infl uencée par plusieurs facteurs : la responsabilité professionnelle, en particulier vis-àvis du bien-être animal, les aspects légaux, les pairs, et la morale. L’aspect légal peut être un point bloquant, tout comme le potentiel jugement des pairs. « Malheureusement, la loi est toujours du côté du propriétaire », affirme un praticien. « Mes dilemmes éthiques les plus importants sont quand je souhaite faire quelque chose mais que mon équipe désapprouve mon choix », souligne un autre. Toutefois, la discussion avec les collègues, pour connaître leurs opinions, leurs expériences et leurs conseils, se révèle aussi être une aide précieuse. Pour ce qui est de la morale, elle est reliée à l’intuition : « Au final, la décision dépend de moi et de ce que je ressens », dit ainsi une praticienne.

Une détresse palpable

Les expériences de chacun des vétérinaires interrogés, aussi différentes soient-elles, sont globalement associées à du stress, et ce, quel que soit leur âge. Un praticien de 62 ans, par exemple, déclare : « Vous essayez de faire le mieux pour un animal mais vous devez aussi respecter le fait que ce sont les propriétaires qui décident d’un point de vue légal et émotionnel. » « Lorsque j’étais débutant, je ne savais pas comment faire », reconnaît un autre. Avoir à résoudre des dilemmes éthiques est une réalité qui impacte durablement les vétérinaires. « Même aujourd’hui, je peux perdre le sommeil », indique un praticien de 51 ans. Mais cette détresse émotionnelle pourrait être une force pour la prise de décision, assurent les chercheurs. Face à ces diffcultés, et de l’avis de tous les interviewés, être mieux formé à gérer ces situations stressantes semble indispensable, notamment pour bien informer les futurs diplômés qu’ils devront faire face à des opinions et des valeurs très diverses.

1. L’étude a été mise en ligne le 13 février 2020 : www.bit.ly/3aVezxn.

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