« NOUS SOMMES AUX CÔTÉS DE NOS BÉNÉFICIAIRES À TRAVERS LE MONDE »

Dans ce contexte de crise sanitaire, quels ont été vos premiers réflexes pour accompagner vos partenaires dans les pays les plus démunis ?

Manuelle Miller : Notre premier réflexe, à l’association Agronomes et vétérinaires sans frontières (AVSF) 1, a été d’assurer la sécurité de nos équipes présentes aux quatre coins du monde, mais aussi des bénéficiaires de nos projets sur le terrain. Nous les avons équipés de matériels de protection lorsque cela a été nécessiaire. Face à l’évolution incertaine de la crise, nous avons dû nous coordonner avec nos partenaires (agriculteurs, coopératives d’agriculteurs et d’éleveurs) dans les différents pays d’action. Ils n’ont pas été affectés de la même manière ni au même moment. Notre objectif est de les accompagner face au possible impact de l’épidémie en matière d’organisation de leurs activités. L’une de nos priorités a été d’échanger avec nos partenaires et nos bénéficiaires sur les risques de chute des productions agricoles et les conséquences éventuelles sur la sécurité alimentaire. Notre but est d’anticiper un besoin et l’appui, pendant et après la crise, que nous pourrions leur proposer de manière coordonnée avec les autorités locales.

Avez-vous mené des actions de sensibilisation auprès de vos bénéficiaires ?

Nous nous sommes rapidement posé la question du rôle que nous pourrions tenir dans cette crise sanitaire. Il nous a paru primordial de ne pas nous substituer aux organisations urgentistes. Ce n’est pas notre métier. Nous ne pouvons pas déployer des moyens logistiques médicaux sur le terrain. Ainsi, à l’exception de quelques cas ponctuels, nous n’avons pas lancé des actions de distribution massive de moyens de protection auprès de nos bénéficiaires, au risque de perturber la réponse locale. Mais nous sensibilisons nos équipes de terrain sur les enjeux sanitaires et l’importance du respect des gestes barrières. Ces messages sont ensuite relayés aux bénéficiaires que nous accompagnons. Par ailleurs, nous travaillons de longue date sur des sujets de fond et des actions à mener sur le long terme. Cette crise met un coup de projecteur sur ces questions. Elle est l’occasion de s’interroger sur les modèles de développement agricole et rural que nous souhaitons défendre et de réfléchir à leurs impacts sur les santés humaine, animale et environnementale.

Cette crise sanitaire rappelle-t-elle l’importance de l’approche One Health ("une seule santé") ?

Il s’agit d’une thématique qui est au coeur de nos projets sur le terrain. En effet, nous nous mobilisons depuis plusieurs années pour une mise en avant opérationnelle du concept One Health, tant au niveau international qu’auprès de nos décideurs nationaux. Nous soutenons notamment des projets qui tendent vers la réalisation de cet objectif de manière opérationnelle sur le terrain. La crise sanitaire que nous vivons permet de mettre plusieurs sujets sur le devant de la scène. Des discussions sont menées pour encourager une agriculture à échelle humaine, qui préserve les ressources naturelles et respectueuse de son environnement. Le développement et le renforcement de l’agroécologie aux différentes échelles de la parcelle, du territoire et du système agricole et alimentaire font aussi partie des sujets sur lesquels il est nécessaire d’avancer. Nous espérons qu’une prise de conscience collective favorisera des systèmes de production plus localisés, à petite échelle, qui permettent d’être plus résilients d’un point de vue environnemental mais aussi économique.

1. www.avsf.org.