PNEUMONIE INTERSTITIELLE ET FIBROSE PULMONAIRE - La Semaine Vétérinaire n° 1851 du 24/04/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1851 du 24/04/2020

PATHOLOGIE RESPIRATOIRE CHEZ LE CHEVAL

PRATIQUE MIXTE

FORMATION

Auteur(s) : ANNE COUROUCÉ

La pneumonie interstitielle est une affection rare chez le cheval adulte. Il existe quatre phases dans cette maladie : une phase initiale avec atteinte du parenchyme pulmonaire et des alvéoles ; une phase proliférative avec altérations des cellules et du parenchyme du tissu pulmonaire ; une phase chronique avec développement progressif d’une fibrose pulmonaire ; une phase finale avec développement d’une fibrose pulmonaire irréversible.

L’oxygénation est compromise du fait du nombre réduit d’alvéoles fonctionnelles affectant la ventilation et de l’augmentation de l’épaisseur des barrières de diffusion. La compliance pulmonaire est réduite du fait d’une perte de la distension des alvéoles, de la présence d’un œdème pulmonaire et de fibrose. La capacité totale et vitale du poumon est réduite en association avec une diminution de la possibilité des échanges gazeux et de la compliance pulmonaire. De ce fait, le cheval fait un effort accru pour respirer ce qui se traduit, tout d’abord, par une intolérance à l’exercice puis par une dyspnée au repos. Une hypertension pulmonaire avec dilatation de l’artère pulmonaire (cor pulmonale) peut survenir et est une complication de la pneumonie interstitielle, de la fibrose ainsi que de l’hypoxémie et hypercapnie (Wilkins et Lascola, 2015).

Les causes de pneumonie interstitielle fibrosante

- Infection (virale, bactérienne, fongique, parasitaire) :

• EHV5, avec présence d’une pneunomie fibrosante multinodulaire (equine multinodular pulmonary fibrosis ou EMPF),

• Mycobactéries (Mycobacterium avium) ;

- Inhalation de poussières inorganiques comme la silicose (décrit dans la Carmel Valley en Californie, États-Unis) ;

- Ingestion de toxines provenant de plantes comme les alcaloides pyrrolozidiniques (Crotaralia, Trichodesma et Senecio), Perilla frutescens (ou purple mint), Asteraceae (Crofton weed) ;

- Idiopathique.

Focus sur EHV5

La fibrose pulmonaire idiopathique (IPF) est une maladie chronique et dévastatrice chez l’homme, qui affecte les adultes d’âge moyen ou plus âgés. Une revue de littérature de Tashiro et coll. (2017) a permis d’explorer les modèles animaux ressemblant à l’IPF. Chez les chevaux, le gammaherpesvirus equine herpesvirus 5 (EHV5) a été détecté dans le tissu pulmonaire de chevaux ayant développé une fibrose pulmonaire progressive et est l’une des causes de cette affection dans cette espèce. La pathologie de cette affection est différente de celle de l’homme et permet de mettre en évidence de multiples nodules, d’où l’appelation equine multinodular pulmonary fibrosis ou EMPF. Bien que la pathologie ne soit pas similaire, il existe des points communs entre l’homme et le cheval incluant une perte de poids, une intolérance progressive à l’exercice et des lésions radiologiques et échographiques caractéristiques (photos 1 et 2).

Chez le cheval, l’herpès virus EHV5, qui est présent chez une large population de chevaux sans aucune manifestation clinique, peut, chez certains individus, entraîner une pneumonie fibrosante de part, très probablement, la présence de souches plus agressives du virus. La question qui se pose également au sujet de l’induction de la fibrose pulmonaire est la suivante : survient-elle lors de la phase lytique du virus ou lors de sa phase de latence dans l’organisme ? La réponse n’est pas tranchée à ce sujet.

Le gold standard pour diagnostiquer une pneumonie interstitielle chez un cheval est la biopsie pulmonaire. Néanmoins, une étude récente de Pusterla et coll. (2017) s’est intéressée à des méthodes de prélèvement faisables sur le terrain, afin d’en connaître la sensibilité et la spécificité. Ainsi, ils ont effectué une étude sur 70 chevaux avec des sujets “contrôle”, d’autres présentant une EMPF, des individus atteints d’une maladie inflammatoire des voies respiratoires profondes et des chevaux présentant une pneumonie interstitielle non due à EHV5. Ils ont effectué différents prélèvements sur ces chevaux : lavage bronchoalvéolaire (LBA), sang et secrétions nasales. Pour la détection d’EHV5 :

- LBA : fortement associé à EMPF (sensibilité : 91 % ; spécificité : 98,3 %) ;

- Sang : fortement associé à EMPF (sensibilité : 91 % ; spécificité : 83,1 %) ;

- Sécrétions nasales (sensibilité : 72,7 % ; spécificité : 83,1 %) ;

- Sang et sécrétions nasales (sensibilité : 90 % ; spécificité : 89,8 %).

Sur le terrain, la réalisation d’un LBA ou la combinaison d’une prise de sang et de prélèvement de sécrétions nasales peut être un bon outil diagnostic pour EHV5 chez des chevaux atteints de détresse respiratoire.

Focus sur Mycobacterium Avium

Deux cas cliniques ont été présentés pour illustrer cette affection. Les chevaux étaient présentés pour perte de poids, léthargie, fièvre intermittente, fréquence respiratoire élevée, dyspnée inspiratoire et expiratoire et toux. L’auscultation thoracique a permis de mettre en évidence des crépitements et des sifflements sur toute l’aire d’auscultation pulmonaire. Ils présentaient une leucocytose neutrophilique modérée et une augmentation marquée du fibrinogène. Les chevaux ont tous les deux eu un lavage trachéal et un LBA qui est revenu positif pour Mycobacterium Avium subsp avium, mais aussi pour EHV5 et EHV2. La biopsie pulmonaire est revenue positive également pour Mycobacterium Avium subsp avium. La radiographie pulmonaire montre un poumon totalement gris sur lequel il est difficile de distinguer les vaisseaux et est caractéristique d’une pneumonie interstitielle miliaire et diffuse (photo 3). L’échographie pulmonaire fait apparaître, quant à elle, de multiples images en “queue de comète” (photo 4).

Mycobacterium Avium versus EHV5 ?

Au vu de ces deux derniers cas, on peut se poser la question de l’association entre virus et infection bactérienne. L’hypothèse a été formulée que les virus pouvaient agir comme agents immunosuppresseurs et prédisposer à d’autres infections ou être impliqués dans des syndromes de fatigue chronique et persistante. Par exemple, chez les poulains, l’infection par EHV2 a été reliée à une infection secondaire par rhodococcus equi. Le virus semble déclencher l’invasion bactérienne. Concernant l’effet de virus comme EHV2 ou EHV5 sur la prolifération de bactéries comme les mycobactéries, rien n’est établi à ce jour, mais on peut se poser la question d’une relation entre les deux.

Ainsi, même si c’est une affection rare, elle peut survenir chez les chevaux. Cette maladie est grave et il convient de la suspecter chez des chevaux présentant des signes respiratoires marqués, de la fièvre intermittente, mais aussi un taux de fibrinogène augmenté. Le praticien a à sa disposition des outils de diagnostic sur le terrain, cependant, il convient souvent de pousser plus loin les examens complémentaires avec une radiographie et une biopsie pulmonaires pour évaluer la situation dans son ensemble et avoir également une idée du pronostic.

Article rédigé d’après la conférence d’Anne Couroucé au congrès de la Veterinary Comparative Respiratory Society à Caen (Calvados), en septembre 2019.

LES OUTILS DIAGNOSTICS À LA DISPOSITION DU PRATICIEN

- Bilan hématobiochimique, avec notamment numération et formule sanguines et dosage du fibrinogène.

- Radiographie et échographie pulmonaire.

- Prélèvements respiratoires, avec lavage trachéal pour cytologie, bactériologie et recherche d’agents infectieux par PCR et lavage bronchoalvéolaire pour cytologie et recherche d’agents infectieux par PCR.

- Biopsie pulmonaire pour histologie et recherche de bactéries et d’agents infectieux par PCR.

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