ONCOLOGIE COMPARÉE : LE CHIEN, MEILLEUR AMI DE L’HOMME - La Semaine Vétérinaire n° 1851 du 24/04/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1851 du 24/04/2020

RECHERCHE CLINIQUE

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

Auteur(s) : TANIT HALFON

À Oniris, une équipe de chercheurs a lancé une étude clinique pour évaluer l’effet de la radio-immunothérapie chez le chien atteint de lymphome B diffus à grandes cellules. Un projet qui illustre l’intérêt du modèle chien.

En matière de cancer, le chien et l’humain se ressemblent. Cette homologie a été mise en évidence par le groupe AMaROC (cAncers animaux, Modèles pour la Recherche en Oncologie comparée), associant des chercheurs d’Oniris et de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), pour les carcinomes mammaires et les lymphomes B diffus à grandes cellules. Pour ces derniers, le chien présente des sous-types très similaires à ceux de l’humain. De plus, les cellules tumorales expriment un antigène de surface commun, le CD22, un point déterminant qui a permis d’ouvrir la voie à un essai clinique chez le chien atteint de lymphome, d’évaluation d’un traitement de radioimmunothérapie, une première mondiale en médecine vétérinaire. Peu utilisée en médecine humaine, et toujours dans des stades avancés de cancers (thérapie de sauvetage), la radio-immunothérapie est une modalité thérapeutique de la médecine nucléaire. Il s’agit d’injecter des anticorps, spécifiques d’un antigène tumoral, couplés à un atome radioactif. Dans l’essai clinique, plusieurs objectifs sont visés. Tout d’abord, évaluer la toxicité du traitement chez le chien (essai clinique de phase I), mais aussi tester de nouveaux protocoles afin de progresser dans la personnalisation du traitement chez l’homme. En effet, si environ 90 % des cellules tumorales surexpriment l’antigène CD22, ce dernier est aussi exprimé de manière physiologique par les cellules de la lignée B dans la moelle osseuse. Des examens d’imagerie permettront de suivre la distribution de l’anticorps radiomarqué dans le corps et d’estimer la dose qui sera délivrée au niveau de la moelle osseuse, et donc la toxicité potentielle du traitement. Dernier objectif : plus simplement faire la preuve de concept que ce type d’essai est bien réalisable chez le chien. À ce jour, quatre chiens atteints de lymphome ont déjà été recrutés et ont bénéficié du protocole.

Un modèle unique

Les modèles de cancers spontanés chez le chien ont montré leur intérêt pour la recherche translationnelle en cancérologie. Le groupe AMaROC a mis en évidence qu’en plus de développer des tumeurs souvent très proches de celles de l’homme du point de vue anatomopathologique le chien présentait majoritairement les sous-types de cancers les plus agressifs pour l’humain pour les lymphomes B et les carcinomes mammaires. De plus, à la différence du modèle classique murin, le chien possède un système immunitaire compétent. Autres avantages : il dispose du même terrain génétique que l’humain en ce qui concerne la cancérogénèse. De plus, les conditions environnementales dans lesquelles il vit et les facteurs de risque associés sont similaires. Par ailleurs, il est éthiquement possible de traiter l’animal en première intention avec la thérapeutique anticancéreuse à tester, ce qui permet de l’évaluer sur un terrain moins remanié par d’autres traitements. Néanmoins, le diagnostic peut être plus tardif et donc compliquer l’organisation de l’essai clinique. Dans celui d’Oniris, les chiens reçoivent ainsi au préalable une injection de L-asparaginase afin de les stabiliser.

Des bénéfices pour l’humain et l’animal

La médecine humaine n’est pas la seule bénéficiaire des connaissances scientifiques apportées par ce type de recherche. La médecine vétérinaire aussi. D’ailleurs, ces recherches ne peuvent se faire que s’il existe un bénéfice potentiel pour les animaux de l’étude. Le lymphome est justement un des cancers majeurs du chien, avec une incidence en hausse. Les chimiothérapies anticancéreuses en médecine vétérinaire sont moins intensives qu’en médecine humaine, à la fois pour des raisons éthiques (qualité de vie), de lourdeur médicale et de coût, et ont de ce fait une efficacité parfois moindre. Il n’existe à ce jour pas de traitement curatif pour ce cancer canin, et la médiane de survie sous chimiothérapie est de 1 an à 1 an et demi. D’où l’intérêt d’étudier des traitements innovants comme la radio-immunothérapie, dont on attend une faible toxicité comme c’est le cas chez l’homme. Par ailleurs, la collaboration avec des chercheurs en oncologie humaine permet à la recherche vétérinaire d’adopter des méthodologies et des protocoles très rigoureux issus des recherches cliniques menées chez l’homme, aidant ainsi à la progression de la médecine vétérinaire. À Oniris, elle a permis, par exemple, d’avancer dans la classification immunohisto chimique des lymphomes B et des carcinomes mammaires des carnivores domestiques, avec, à la clé, un bond en avant dans la précision du pronostic.

COMMENT PARTICIPER ?

L’équipe d’Oniris recrute sur une période de deux ans (la date de fin de recrutement n’est pas encore fixée) des chiens atteints de lymphome B diffus à grandes cellules. Pour y participer, il suffit d’envoyer un e-mail à

contact.essai-lymphome@oniris-nantes.fr ou de téléphoner au 06 84 99 30 16. Le protocole de l’essai a été validé par le Comité d’éthique de la recherche clinique et épidémiologique vétérinaire d’Oniris (Cervo).

À noter qu’en cette période de crise, le recrutement est en pause. Il reprendra dès que possible.

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr