ADAPTER LES PRATIQUES AUX PORCS - La Semaine Vétérinaire n° 1851 du 24/04/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1851 du 24/04/2020

ÉTHOLOGIE

PRATIQUE MIXTE

Auteur(s) : TANIT HALFON

Mieux connaître les particularités comportementales de ces animaux permet d’améliorer les conditions et les pratiques d’élevage. Explications.

Le porc possède des capacités sensorielles propres à son espèce, affectant la façon dont il perçoit son environnement, a montré Céline Tallet, éthologue et chercheuse à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) lors des 52es journées de la recherche porcine1. Elle refait le point sur les conséquences pour l’élevage.

Comment le porc appréhende-t-il son environnement ?

Le porc utilise surtout son odorat et son ouïe. Comme les chiens, il a la capacité de détecter des odeurs à grande distance. Son champ auditif est supérieur au nôtre. Il peut, par exemple, entendre les ultrasons. En revanche, sa vision est limitée : il voit en nuances de bleu et gris, et possède un champ de vision binoculaire de 30°, ce qui lui impose de devoir tourner la tête pour voir sur les côtés. Il est, de plus, sensible aux contrastes avec la lumière. Il est probable qu’il soit également tactile, puisqu’il flaire avec son groin et touche ses congénères de la même manière. Par ailleurs, le porc a une bonne mémoire : il reconnaît ses congénères, comme sa mère et ses frères et sœurs de portée. Il réagit aussi en fonction de l’expérience vécue : il a ainsi peur de ce qui est nouveau. Enfin, le porc a besoin d’avoir des interactions sociales, que ce soit avec son éleveur ou ses congénères. Au sein d’un groupe, on pourra observer des liens d’affinités entre individus, par exemple dormir ou jouer ensemble. Le groupe est aussi soumis à des liens hiérarchiques avec des individus dominants et dominés.

Certaines pratiques d’élevage sont-elles à proscrire du fait de ses particularités sensorielles ?

La période du sevrage engendre un stress social du fait du regroupement d’individus de portées différentes peu familiers entre eux. L’idéal serait de sociabiliser les porcelets avant, en créant des passages entre les cases maternité qui les laisseraient se mélanger entre eux. Autre exemple : les couloirs de déplacement des animaux devraient être peu larges et dépourvus d’obstacles. S’ils sont situés à l’extérieur, il faudrait envisager des déplacements dans des périodes à moindre contraste de lumière, comme le matin. Le bruit est aussi un problème. Pour habituer les animaux, notamment aux sons soudains, certains éleveurs passent la radio, mais peu d’études sont faites sur cette pratique. Enfin, le porc est un fouisseur, l’idéal est donc de lui procurer un substrat pour le faire, telle que de la litière au sol. D’autres matériaux pour enrichir l’environnement peuvent aussi être utilisés, le principe étant qu’ils soient déformables, non ingérables, et changés régulièrement. Un environnement pauvre va générer de l’ennui.

En tant qu’animal sensible, doué d’émotions, quelles améliorations envisager dans les pratiques d’élevage ?

La perception de la douleur est particulièrement à prendre en compte dans les pratiques d’élevage. À la différence de la peur, qui est une émotion assez brève, la douleur peut être prolongée et impacte durablement l’état mental des animaux qui perçoivent de manière plus négative leur environnement. A contrario, le porc ressent aussi des émotions positives, au travers des jeux, de l’enrichissement cognitif de son environnement, procurés notamment par les distributeurs de concentrés à actionner avec des boutons ou par des interactions douces avec l’éleveur. Il a été prouvé qu’un porc qui a de mauvaises relations avec son éleveur manifestera davantage d’appréhension pour d’autres personnes, et vice-versa. En revanche, il n’est pas démontré que le porc reconnaît la personne qui le castre.

Quelles approches adopter pour le vétérinaire ?

L’idéal est de laisser venir l’animal tout seul, et de se servir en particulier des individus qui le font plus facilement que d’autres pour s’approcher d’un groupe. Si on sent que les animaux sont stressés, il faut opérer plus délicatement, en s’aidant notamment de nourriture. Toutefois, ce n’est pas l’idéal à mon sens, car le jour où l’on vient sans rien, cela complique la tâche : l’animal va être frustré de ne pas avoir à manger. Après, tout dépend si l’éleveur a habitué ses animaux à avoir des contacts positifs ou non.

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