EN NUTRITION, LA NATURE N’EST PAS UN BON MODÈLE - La Semaine Vétérinaire n° 1849 du 10/04/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1849 du 10/04/2020

RÉGIME BARF, « SANS », ETC.

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

Auteur(s) : CHARLOTTE DEVAUX

Avec l’engouement du « naturel », un grand vent du « retour à la nature » souffle sur l’alimentation des chiens et des chats. Au-delà de la tendance marketing, est-ce scientifiquement justifiable de vouloir nourrir son chien comme un loup ?

La nature est-elle une bonne propriétaire d’animaux ? À l’état sauvage, le « but » d’un animal est la reproduction afin d’assurer la perpétuation de l’espèce. L’unique survie jusqu’à la maturité sexuelle et la dispersion des gamètes ne semble pas être l’objectif des propriétaires d’animaux de compagnie qui ont plutôt des attentes en matière de longévité, de beauté et de santé. La nature est souvent idéalisée, la réalité de l’animal dans la nature tient plus du chat errant FIV ou FelV positif que du jardin d’Éden.

Les chiens existent-ils dans la nature ?

Si le chien et le loup partagent un ancêtre commun vieux d’au moins 15 000 ans, de nombreuses modifications génétiques ont transformé le prédateur qu’est le loup en un chien de compagnie. Ces modifications ont surtout intéressé les gènes relatifs au comportement mais aussi à la digestion, particulièrement à celle de l’amidon. Ainsi, les chiens qui ont le mieux profité des restes des humains sont ceux qui se sont le plus reproduits et cela a conduit à sélectionner certaines variantes génétiques plus adaptées à la cohabitation avec l’humain. Cependant, il convient de garder à l’esprit que les protéines animales étant une ressource précieuse, les restes des humains après la sédentarisation et le développement de l’agriculture étaient essentiellement composés de céréales mais aussi de leurs fèces. Cet aspect de l’alimentation ancestrale du chien est étrangement souvent occulté. Le chien d’aujourd’hui est donc très éloigné du loup morphologiquement, ce qui est évident pour un bouledogue français ou un cavalier king-charles, mais aussi d’un point de vue digestif. Par définition, le chien est une espèce créée par l’humain et la notion de chien « dans la nature » n’a donc aucun sens d’un point de vue scientifique.

Dans la nature, les souris ne vont pas à l’abattoir

À l’opposé des chiens, la plupart des chats sont capables de chasser et de survivre sans intervention humaine. Il semble donc plus pertinent de parler de régime naturel du chat. Cependant, les tentatives visant à s’en rapprocher soulèvent tout de même quelques questions. Biologically appropriated raw food (Barf) et prey model prônent le retour au cru puisqu’« on n’a jamais vu un chat faire cuire une souris ». Cependant, c’est oublier un peu vite que, dans la nature, les animaux ne sont pas mis à mort en abattoir, éviscérés, dépecés, pour ensuite être transportés avec tous les risques de rupture de la chaîne du froid et consommés à retardement. Dans la nature, si un enfant en bas âge est contaminé par une salmonelle, son pronostic vital est très sombre, il paraît peu probable que les adeptes des régimes ancestraux d’aujourd’hui soient prêts à mettre la santé de leurs enfants en jeu. La nature étant bien faite, les études montrent que la plupart des personnes nourrissant leurs animaux au Barf sont sans enfants. Dernier argument, et non des moindres des partisans du naturel, détracteurs des céréales dans les croquettes : « A-t-on déjà vu un chien ou un chat moissonner un champ de blé ? » Argument face auquel il serait intéressant de répondre qu’il n’a jamais été vu non plus de chien ou de chat récolter des lentilles ou des patates douces qui servent pourtant à remplacer les céréales.

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