« COMMENT RESPECTER LES MESURES DE BIOSÉCURITÉ EN PRÉSENCE DE L’ÉLEVEUR ? » - La Semaine Vétérinaire n° 1849 du 10/04/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1849 du 10/04/2020

FAIRE FRONT AU COVID-19

Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD

FRANCK DHOTE, VICE-PRÉSIDENT DE L’AFVE, RAPPELLE L’OBLIGATION DE SÉCURITÉ DU VÉTÉRINAIRE AU-DELÀ DE TOUTE NOTE ADMINISTRATIVE.

La note publiée par l’Association francophone des vétérinaires praticiens de l’expertise (AFVE) fait-elle suite à des demandes de clarification des textes venant de praticiens ?

L’AFVE n’a pas été interrogée officiellement, mais de nombreux vétérinaires se sont tournés vers les membres du conseil d’administration pour les questionner à titre personnel. Chacun de ses membres avait préalablement été confronté aux contradictions qui émanaient des différentes notes en question, mais aussi aux pressions provenant d’autres organisations professionnelles du monde de l’élevage. Les praticiens avaient besoin de connaître la portée juridique des textes. La confusion était entretenue par certaines communications présentant le ministère de l’Agriculture comme notre tutelle, y compris pour des actes ne relevant pas du mandat sanitaire. Cette note remet les diverses instructions à leur place : ce ne sont que des avis dépourvus de pouvoir contraignant ou protecteur.

Quel est votre sentiment face à l’instruction technique de la Direction générale de l’alimentation (DGAL) du 20 mars ? Pensez-vous que les actes à poursuivre puissent réellement être réalisés sur le terrain dans un respect des conditions de biosécurité ?

Ce n’est pas une directive. C’est une simple note administrative dépourvue de valeur juridique dans un contrat de droit privé, y compris pour les prophylaxies relevant de l’habilitation sanitaire et non du mandatement. Comment respecter en pratique les mesures de biosécurité, en particulier la distanciation, en présence de l’éleveur qui, rappelons-le, est responsable de la contention de ses animaux. Je vous rappelle aussi que les vétérinaires ne font pas partie des professionnels susceptibles d’être approvisionnés en masques par l’Administration. Nombre d’entre eux ont d’ailleurs fait don de leurs équipements de protection au bénéfice des personnels soignants, en même temps qu’ils ont mis à disposition leurs respirateurs, concentrateurs d’oxygène, etc.

Dans certains territoires, les éleveurs sont âgés et font ainsi partie des personnes à risque. Demander au vétérinaire d’aller procéder à des opérations de prophylaxie sanitaire alors même qu’il est évident que dans de nombreuses situations, le respect des fameuses « barrières » est matériellement impossible, c’est l’inciter à mettre en danger ses salariés, lui-même et ses clients.

Quel est le message que vous voulez faire passer grâce à cette note aux vétérinaires ?

Le message que nous souhaitons faire passer est le suivant : le vétérinaire est personnellement responsable de ses actes. Il a une obligation de sécurité envers ses employés, ses clients, mais aussi envers lui-même. Il lui appartient de prendre ses décisions en connaissance de cause en fonction du contexte, en donnant toujours la priorité à la santé humaine, y compris face à des pressions économiques. Il doit être conscient de la balance bénéfices/risques de ses actions.  ?

Mandat sanitaire, des missions à poursuivre selon la SNGTV

À l’instar des autres organisations professionnelles, la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) a délivré ses recommandations1 sur les actes que les vétérinaires ruraux devraient ou non poursuivre en cette période de confinement. Selon l’association, il est légitime que certains praticiens aient des craintes pour leur sécurité ou celle de leurs salariés dans l’exercice de leurs missions, cependant ils restent « des acteurs indispensables pour assurer la sécurité alimentaire et la santé publique, compte tenu de l’impact sanitaire, économique ou émotionnel que pourrait représenter la rupture de cet engagement ».

« De cela nous devons être fiers »

C’est pourquoi, il est indispensable que les vétérinaires en productions animales détenteurs du mandat sanitaire continuent leurs missions de maintien de la qualification officielle des élevages, tout comme de conseillers des éleveurs, indique la lettre. À cette fin, même « s’il est évidemment discutable de vouloir appliquer à tous ce qui n’est pas applicable partout (…) et que le respect des gestes barrières reste la priorité, une certaine latitude est possible », selon la SNGTV. Ainsi, les dates de prophylaxies peuvent être modifiées par arrêté préfectoral et les opérations être reportées si les animaux sont rendus disponibles par l’éleveur dans les trois mois qui viennent.

1. Newsletter du 27 mars (www.sngtv.org).

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