« ARRÊTONS LE COMMERCE DE LA FAUNE SAUVAGE EN CHINE » - La Semaine Vétérinaire n° 1849 du 10/04/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1849 du 10/04/2020

URGENCE INTERNATIONALE

FAIRE FRONT AU COVID-19

Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD

Selon Patrice Gautier (N 94), côté vétérinaire, l’urgence est de s’assurer que le commerce de la faune sauvage cesse immédiatement et véritablement dans des pays tels que la Chine. Ses paroles n’engagent pas l’OIE, dont il est l’un des experts.

Comment êtes-vous devenu expert auprès de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) ?

Patrice Gautier : Diplômé de l’École nationale vétérinaire de Nantes en 1994, je suis parti, dès l’an 2000, exercer au Viêtnam. J’étais donc responsable de Vétérinaires sans frontières et présent en Asie lors des épidémies du syndrome respiratoire aigu sévère (Sras), début 2003, et, quelques mois plus tard, de l’influenza aviaire. C’est depuis ces crises que je suis devenu, avec d’autres, expert vétérinaire pour l’OIE sur la thématique de l’évaluation des services vétérinaires. Revenu vivre en Bretagne en 2013, je suis désormais maire de la commune d’évran (Côtes-d’Armor) et, au sein de Dinan agglomération, élu en charge de l’agriculture et de l’alimentation. Mais j’effectue toujours, au maximum, cinq missions courtes par an pour l’OIE ou l’OMS. Selon une méthode mise en place par l’OIE, je dois établir le niveau de performance des services vétérinaires de différents pays au monde.

Pour vous, il ne fait aucun doute que la chauve-souris est à l’origine du Covid-19 ?

Oui, c’était déjà le cas en ce qui concerne le Sras, où il s’agissait déjà d’un coronavirus et d’une épidémie qui ont vu le jour en Chine. Ce virus s’était transmis de la chauve-souris à la civette. Cette fois-ci, c’est de la chauve-souris au pangolin. Ces deux virus sont très probablement issus de virus similaires présents dans les chauves-souris. Mais contrairement au Sras qui a fait environ 800 morts - grâce notamment à l’alerte donnée par le Dr Carlo Urbani depuis Hanoï - cette fois, le Covid-19 se répand et tue davantage.

Comment s’opère la transmission de l’animal à l’homme ?

Les viandes de civette et de pangolin étaient vendues sur le marché de Wuhan, en chine - ville d’où est partie l’épidémie - en dehors de toute règle d’hygiène. Le virus peut se trouver dans les déjections, l’urine et bien sûr la viande, et donc se transmettre à ceux qui les manipulent sans précaution. Les normes internationales ne sont pas appliquées de façon satisfaisante sur ce marché. La pression des commerçants et de la hiérarchie est forte. C’est ce que nous appelons le manque d’indépendance technique pour les vétérinaires.

Comment expliquer une propagation mondiale si rapide ?

D’après les informations dont nous disposons, les premiers symptômes sont apparus début décembre 2019 chez des hommes travaillant ou ayant fréquenté le grand marché de Wuhan. Mais ce n’est qu’un mois plus tard que l’OMS a été alertée ! Malgré les mesures de confinement radical décidées en janvier par la Chine, le virus avait eu le temps de se propager en ville et à l’extérieur. Le 12 janvier 2020, l’OMS affichait officiellement sur son site que « sur la base des informations actuellement disponibles à propos de cet événement, l’OMS déconseille toute restriction des voyages et du commerce avec la Chine ». Vu l’intervention de la police chinoise auprès du Dr Li Wenliang - le médecin qui a tenté d’alerter ses confrères le 31 décembre -, il semble qu’il y avait une grave différence entre les informations réelles et les informations officielles en Chine1. ?

1. Conséquemment, Patrice Gautier proposes aux gouvernements comme celui de la France d’obtenir soit le renforcement radical des instances internationales (comme l’OIE et l’OMS), soit d’améliorer leurs propres veilles sanitaires par rapport aux risques venant d’Asie notamment. S’il le faut, il recommande même de passer par un contrôle strict des déplacements depuis ces pays à risque.

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