DES LIVRAISONS SOUS TENSION - La Semaine Vétérinaire n° 1847 du 27/03/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1847 du 27/03/2020

DISTRIBUTION VÉTÉRINAIRE

PHARMACIE

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL

La crise sanitaire a fait exploser les ventes d’aliments pour animaux de compagnie. Dans ce contexte, approvisionner les cabinets et les cliniques vétérinaires constitue un véritable défi pour les centrales d’achat, qui font également face aux conséquences organisationnelles liées au confinement.

Avec le papier toilette et les paquets de pâtes, les croquettes font partie des produits que les Français stockent depuis l’annonce, le 16 mars, du confinement pour limiter la propagation de l’épidémie de Covid-19. En quelques heures à peine, les propriétaires d’animaux de compagnie se précipitaient dans les cabinets et cliniques vétérinaires pour s’approvisionner en médicaments et aliments pour leurs animaux. Des praticiens ont parfois fait face à des « commandes folles ». Cet afflux de clientèle a naturellement eu des conséquences sur l’activité des centrales d’achat vétérinaires qui ont, pour certaines, vu un volume de commandes plus de deux fois supérieur à leur capacité habituelle. Alors qu’elles sont elles-mêmes impactées par la propagation de l’épidémie, elles s’activent sur tous les fronts pour assurer la continuité de leurs services aux vétérinaires.

Des tonnages « énormes »

Augmentation importante du volume de commandes, afflux d’appels, effectifs réduits, mise en place de mesures de sécurité et d’hygiène pour protéger leurs équipes, le constat est le même chez les centrales d’achat vétérinaires, les conséquences de la crise du Covid-19 sur leurs activités sont inédites. « Dès l’annonce du confinement, nous avons reçu un nombre inhabituel de commandes : deux fois plus en médicaments et trois fois plus en pet food », constate Olivier Duran, directeur général d’Alcyon France. Même son de cloche chez Coveto où Emmanuel Thebaud, directeur marketing et communication de Coveto, se rend à l’évidence : aucun outil logistique n’est capable d’absorber trois fois le volume de sa charge de travail habituel. Les clients surstockent, les vétérinaires, sans doute, souhaitent éviter les ruptures. Dans tous les cas, les effets se font sentir du côté de leurs fournisseurs de médicaments et d’aliments. La centrale d’achat Hippocampe constate également une hausse des commandes. Centravet indique faire face à des commandes journalières avec un « tonnage énorme », passant ainsi de 18 tonnes habituellement à 56 tonnes quelques jours seulement après l’annonce du confinement. Cette situation a entraîné des délais de livraison plus longs de l’ordre de quelques jours. Coveto a été dans l’obligation de différer la livraison de certaines commandes, dont celles du service click and collect (achat en ligne et retrait en point de vente), car les véhicules de transport étaient pleins. « Il est impossible d’imaginer livrer nos clients si nos camions sont chargés au maximum », explique Emmanuel Thebaud. La période est d’autant plus compliquée pour les centrales que l’organisation du travail et leurs chaînes de production sont bousculées par les annonces successives du gouvernement.

Une production à effectif réduit

Dans ce climat de tension, les vétérinaires sont appelés à faire preuve de compréhension et de bienveillance, notamment lorsqu’ils contactent les hot lines des centrales. « Nos chaînes de production et donc nos délais de livraison ont été impactés. Nous avons dû expliquer la situation à nos clients interrogatifs et parfois agressifs vis-à-vis de nos équipes », souligne le directeur général d’Alcyon France. Certaines centrales travaillent à effectif réduit du fait de l’absence de plusieurs salariés en raison du contexte sanitaire. Conséquence immédiate : l’adaptation. « Nous avons pu compenser ce léger sous effectif en nous réorganisant en interne. Certains de nos employés des services support apportent leur soutien à la préparation des commandes. Nous avons également embauché quelques intérimaires. Nos équipes n’hésitent pas à faire des heures supplémentaires pour assurer la continuité de nos activités », explique Emmanuel Thebaud. Pour d’autres centrales, il a fallu aussi se réorganiser. Alcyon a été contraint d’arrêter certaines activités supports. Leurs délégués commerciaux sont à l’arrêt. « Une partie de ces équipes a été mise au chômage partiel. Nous considérons que, dans le contexte actuel, les vétérinaires ont d’autres priorités que d’être sollicités », justifie Olivier Duran. Centravet indique à ses clients que seuls l’ordre d’arrivée, ses capacités de production et les horaires de départs des transports déterminent et cadencent son activité. « Les livraisons seront toujours préparées et transportées en bacs, en revanche, nous les livrons désormais sous sacs plastiques. Les bacs, sacs, briquettes, pochettes isothermes et cartons ne seront plus repris par nos chauffeurs. Les retours de produits sont également suspendus », annonce la centrale.

L’espoir de l’autorégulation

Coveto indique opter pour l’autorégulation. La centrale invite les vétérinaires à limiter et à réguler leurs commandes d’aliments à des volumes raisonnables. Pour fluidifier sa chaîne de production, elle a temporairement suspendu certaines activités qui ne lui paraissent pas essentielles, telles que la production de cartes de visite pour les vétérinaires, les retours de convenance ou encore des étiquettes de rayonnage. Elle a momentanément supprimé un service classique de la distribution vétérinaire afin de rationnaliser ses livraisons. « Nous demandons à nos clients d’arrêter de faire des commandes de “dépannage” hors horaires, notamment pour des aliments », indique Emmanuel Thebaud. La centrale a aussi choisi de privilégier les commandes qui comportent des médicaments, afin de permettre aux vétérinaires d’assurer les urgences. « Nos clients sont informés de ces choix et les annulations de commandes se font avec leur accord », poursuit le directeur marketing et communication. Alcyon a décidé de limiter les achats en ligne click and collect, car « le nombre de demandes a littéralement explosé ». « Ces commandes sont plus compliquées à préparer puisque le colis doit être emballé pour un client en particulier et non un cabinet vétérinaire. Cela prend du temps », explique Olivier Duran. Pour ce dernier, ce pic d’activité devrait s’atténuer dans les jours à venir. « L’effet de stockage va passer et les activités de certaines cliniques et cabinets vétérinaires vont baisser. Certains clients nous ont déjà fait part de leur intention de fermer quelques-uns de leurs sites. Cette chute d’activité devrait nous permettre de revenir à une situation plus calme et de pouvoir assurer normalement notre service aux clients. Il faut aussi garder en tête que les vétérinaires ruraux conserveront une activité probablement forte malgré la crise », ajoute-t-il. Coveto rassure également les vétérinaires sur l’état de ses stocks. « Nous ne sommes pas inquiets à ce sujet d’autant que nos fournisseurs poursuivent leur travail. Cette question n’est actuellement pas une priorité, mais elle pourrait le devenir en fonction de l’évolution de la situation sanitaire. »

SOLIDAIRES AVEC LA SANTÉ HUMAINE

Alors que le ministère de la Santé et le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (CNOV) appellent les vétérinaires à se montrer solidaires avec la médecine humaine en apportant un soutien matériel par la fourniture d’appareils d’anesthésie et de réanimation, les centrales d’achat vétérinaires se disent aussi prêtes à participer à l’effort collectif. Elles ont été contactées par le CNOV pour faire l’état de leurs stocks pour certains équipements. « Nous avons communiqué ces stocks qui consistent essentiellement en des concentrateurs d’oxygène. En cas de besoin, nous sommes ainsi prêts à les fournir. Chacun doit faire un effort à son échelle », indique Olivier Duran, directeur général d’Alcyon France. Coveto informe également que ses appareils seront « naturellement mis à la disposition des professionnels de santé ».

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