GARE À LA CONFUSION DES GENRES ! - La Semaine Vétérinaire n° 1846 du 20/03/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1846 du 20/03/2020

BAIL SOCIÉTÉ COMMERCIALE-SCI

ENTREPRISE

Auteur(s) : JACQUES NADEL

Le dirigeant a créé une société civile immobilière pour l’acquisition du local professionnel donné en location à sa société commerciale (SEL, SARL, etc.). Ces deux entités étant distinctes, un certain nombre de précautions doivent être prises au niveau du bail et de la gestion des deux patrimoines pour éviter tout litige par la suite.

Une société civile immobilière (SCI) pour l’acquisition des murs permet de scinder le patrimoine privé du patrimoine professionnel. La dissociation doit être totale.

En premier lieu, l’application du statut particulier des baux commerciaux suppose l’existence d’un contrat de bail au bénéfice de la société commerciale. S’il est établi par écrit, il doit être rédigé en bonne et due forme, en précisant l’objet du bail, le nom de l’exploitant, locataire des murs, la durée et le renouvellement du bail, la révision du loyer, etc. Un bail écrit est fortement conseillé, en vue d’établir la preuve de l’existence du contrat dans l’hypothèse où un conflit surviendrait ultérieurement.

Cependant, l’absence d’écrit en la matière n’est pas en soi caractéristique d’une situation anormale. En vertu du principe du consensualisme, réaffirmé par la réforme du droit des contrats de février 2016, la conclusion d’un contrat résulte du seul échange des consentements. Un bail verbal peut donc suffire. Il n’en va différemment que si la location s’accompagne de relations commerciales anormales, par exemple, en cas de hausse anormale du loyer, en l’absence de recouvrement de loyers impayés sans contrepartie ou en cas de réduction de la surface louée sans modification du loyer.

Pas de confusion des patrimoines…

Créer une SCI pour acheter un immeuble au moyen d’un prêt bancaire et le louer à une société commerciale pour qu’elle y exploite son activité est un montage classique et parfaitement légal dans son principe. Il ne présente pas de risques s’il n’existe aucune relation financière anormale entre la SCI et la société commerciale. En particulier, le prix du loyer doit être normal, fixé en fonction de la valeur locative du bien, ni trop faible, ni excessif.

Et même si le loyer payé par la société est minoré, cette situation ne caractérise pas forcément une relation financière anormale entre les sociétés dès lors que ce loyer tient compte notamment des charges locatives que la société commerciale doit payer en vertu du bail. De même, une hausse de loyer significative peut être justifiée si la SCI a réalisé des travaux conséquents dans les locaux ou si le loyer d’origine ne correspondait pas à la valeur locative.

L’existence de dirigeants ou d’associés communs dans les deux sociétés ou de sièges sociaux identiques ne caractérise pas non plus à elle seule des relations financières anormales entre les deux sociétés.

La prudence exige de documenter le mieux possible les relations financières : niveau des loyers, valeur locative des locaux, travaux effectués, emprunts, etc. Si elle est respectée, la confusion des patrimoines d’une société commerciale et d’une société civile ne pourra être suspectée. La confusion ne peut davantage être déduite du seul défaut de paiement des loyers, ni de la facturation des loyers à des dates qui semblent n’obéir qu’à des considérations d’opportunité.

… sauf en cas de relations financières anormales

Des relations financières anormales, c’est-à-dire incompatibles avec des obligations contractuelles réciproques normales, caractérisent, en revanche, une confusion des patrimoines. Par exemple, si le loyer payé par la société à la SCI est excessif et fixé selon les mensualités du prêt remboursé par la SCI, et non selon la valeur locative des locaux. Ou si la SCI prête des locaux à la société, sans paiement de loyer, pendant trois ans, alors que la SCI n’a pas d’autres ressources. Ou encore si la société finance des travaux d’aménagement représentant plusieurs années de loyer sans versement d’indemnité.

Dans le cas où la confusion des patrimoines est avérée, la sanction peut être redoutable : si la société commerciale est en difficulté et fait l’objet d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire), cette procédure est étendue à la SCI, qui répond donc des dettes de la société commerciale.

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