EXPLORATION DES RHINITES ET DACRYOCYSTITES - La Semaine Vétérinaire n° 1846 du 20/03/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1846 du 20/03/2020

LAPIN

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

FORMATION

Auteur(s) : ADELINE LINSART

CONFÉRENCIERS

GRAHAM ZOLLER, praticien au CHV Frégis, Arcueil (Val-de-Marne) - AURÉLIE LE LOC’H, responsable de Labo NAC à Toulouse (Haute-Garonne) - ÉMILIE TESSIER, praticienne à la clinique LC Vet à Strasbourg (Bas-Rhin) - JÉRÔME ABADIE, maître de conférences en histologie et anatomie pathologique à Oniris, Nantes (Loire-Atlantique).

Article rédigé d’après des conférences présentées au congrès de l’Afvac à Lyon (Rhône), en novembre 2019.

Jetage et épiphora constituent des motifs de consultation fréquents chez le lapin, caractérisant souvent une atteinte de l’appareil respiratoire supérieur. Ils peuvent s’accompagner d’éternuements, mais aussi de ronflements, de stertor, etc. Ces derniers signes ne doivent pas être négligés, car ils peuvent déboucher sur une détresse respiratoire grave (le lapin respirant obligatoirement par le nez). La nature du jetage et de l’épiphora (séreux, muqueux, mucopurulent, etc.), les caractéristiques de son apparition (aigu, chronique, intermittent, saisonnier, etc.), ainsi que son caractère bilatéral ou non permettent d’établir la liste des hypothèses diagnostiques (tableaux page 22) et donc de choisir les examens complémentaires les plus pertinents. Il est donc primordial de réaliser un recueil précis des commémoratifs et de l’anamnèse. Les rhinites et dacryocystites étant majoritairement d’origine bactérienne, le recours à des examens de laboratoire est pertinent dès l’échec des corrections environnementales et d’un traitement médical de première intention bien conduit. La bactériologie est généralement associée à un examen d’imagerie, afin de maximiser les chances d’obtenir un prélèvement représentatif. En effet, si un abcès dentaire est à l’origine de la rhinite, il sera plus pertinent de soumettre un morceau de la coque de l’abcès au laboratoire plutôt qu’un écouvillonnage nasal, ce qui nécessite un diagnostic préalable par imagerie.

Quel type de prélèvement réaliser ?

- L’écouvillon nasal est privilégié chez les lapins souffrant d’une rhinite seule, sans dacryocystite ou autres complications associées. Le prélèvement est effectué sur un animal tranquillisé ou anesthésié. La réaction à l’introduction de l’écouvillon est très vive et peut compromettre la qualité et la représentativité de l’échantillon soumis au laboratoire. Les narines sont désinfectées à l’aide d’un antiseptique classique (dilution adaptée aux muqueuses), puis séchées avec une compresse stérile. Un écouvillon floqué stérile (ou un écouvillon préalablement humidifié avec du chlorure de sodium [NaCl] isotonique stérile) est inséré le plus loin possible dans la cavité nasale sans toucher la peau, puis placé dans le milieu de culture. Des saignements peuvent survenir à la suite du prélèvement. Les deux narines sont prélevées en cas de jetage bilatéral.

Le rinçage nasal peut être effectué en complément de l’écouvillonnage ou en remplacement (notamment lorsque l’étroitesse des narines gêne l’introduction de l’écouvillon). Les narines sont tout d’abord désinfectées. 1 à 2 ml de NaCl isotonique stérile sont introduits à l’aide d’une seringue et immédiatement réaspirés. Le rinçage est effectué dans les deux narines pour augmenter la sensibilité de l’examen. Cette technique est moins invasive mais ne permet pas de détecter des germes intralésionnels.

- Lors de dacryocystite, le rinçage du conduit lacrymal est l’examen à privilégier. Il doit être effectué avant toute injection de soluté (test de perméabilité, produit de contraste). Une anesthésie locale de l’œil avec de la tétracaïne accompagnée d’une bonne contention et d’un éclairage adapté peuvent s’avérer suffisants. Cependant, si d’autres procédures sont programmées, il est plus confortable pour le lapin comme pour l’opérateur que l’animal soit anesthésié. Les narines sont d’abord désinfectées. Un cathéter sans mandrin (jaune ou bleu) est introduit dans le point d’entrée du canal lacrymal, situé cranio-ventralement. 1 à 2 ml de NaCl stérile sont injectés doucement et récupérés au niveau du méat nasal par un assistant, dans un milieu de culture adapté. Il est fortement recommandé de prélever les deux conduits lors d’atteinte bilatérale.

Intérêt de la cytologie

Les prélèvements décrits ci-dessus peuvent également être destinés à une analyse cytologique. Bien que négligée, cette analyse peut rapidement orienter le clinicien, pour un coût raisonnable. La cytologie est particulièrement intéressante dans le diagnostic différentiel de la tréponématose et de la pasteurellose, ainsi qu’en cas de suspicion d’un processus néoplasique. De nombreux hétérophiles et macrophages, peu de lymphocytes et de globules rouges sont observés lors de rhinite bactérienne. Des débris cellulaires, ainsi que des bactéries intra- ou extracellulaires peuvent être identifiés. Ces éléments en faveur d’une rhinite bactérienne conduisent à la réalisation d’une bactériologie.

Imagerie médicale

Le recours à l’imagerie est également indispensable face à des cas de rhinite ou de dacryocystite n’ayant pas répondu au traitement initial. Il est important de rechercher les causes d’échec du traitement médical parmi lesquelles abcès, corps étranger ou lyse des cornets nasaux sont fréquemment identifiés. L’imagerie permet aussi d’exclure un processus tumoral. Elle est nécessairement complétée par des examens de laboratoire (bactériologie, cytologie, histopathologie).

Radiographie

Cet acte peu invasif et rapide à mettre en œuvre nécessite tout de même une sédation ou une anesthésie générale. Il est moins sensible que l’examen tomodensitométrique, notamment dans le dépistage des otites moyennes, des rhinites et sinusites modérées et des lésions des tissus mous. Il convient d’obtenir des incidences radiographiques avec un positionnement optimal, sans quoi les rotations gêneront l’interprétation. Les vues dorso-ventrales, ainsi que latérales droite et gauche sont privilégiées pour l’examen des cavités nasales. Elles permettent aussi une bonne visualisation des bulles tympaniques (communication des voies respiratoires avec les bulles tympaniques via la trompe d’Eustache) et une première approche de la dentition du lapin. La dacryocystographie (administration de produit de contraste iodé destiné à l’injection intraveineuse dans le conduit lacrymal) permet une bonne visualisation des structures et de dépister ainsi une obstruction, une sténose, une déviation ou une rupture du canal.

Tomodensitométrie

Le scanner est aujourd’hui largement disponible et offre une résolution satisfaisante, y compris chez les nouveaux animaux de compagnie, pour la plupart des appareils. L’examen est le plus souvent effectué sous anesthésie générale pour cette indication. L’anesthésie est d’assez courte durée : en effet, le temps d’acquisition des images est de l’ordre de 5 à 10 min maximum. Le scanner offre une meilleure sensibilité que l’examen radiographique conventionnel pour le dépistage des lésions. La reconstruction en 3D facilite l’interprétation des images en retirant les biais liés à la superposition et permet de planifier les abords chirurgicaux ou endoscopiques. L’utilisation de produit de contraste dans le conduit lacrymal (dacryocystoscanner) et par voie intraveineuse permet de vérifier le trajet du conduit lacrymal et de souligner les structures vascularisées.

Rhinoscopie

La rhinoscopie est un examen difficile à mener et pouvant s’avérer décevant chez le lapin. En effet, l’étroitesse des voies respiratoires interdit une pénétration très profonde de l’optique, sauf à disposer d’un rhinoscope de diamètre réduit (1,9 mm). Les muqueuses nasales sont très sensibles et réactives. Une anesthésie profonde est indispensable. Les saignements peuvent être abondants, pendant et après la procédure, ce qui peut compromettre l’oxygénation de cet animal qui respire exclusivement par le nez. Le lapin, intubé et profondément anesthésié, est placé en décubitus sternal. L’endoscope rigide de 2,7 mm est introduit, avec ou sans sa gaine. Lorsque la gaine ne peut être introduite, le rinçage des cavités nasales est assuré par l’introduction d’un long cathéter souple le long de l’endoscope. Les deux indications principales de la rhinoscopie sont la réalisation de biopsies des muqueuses (suspicion de phénomène tumoral, prélèvement en vue d’une bactériologie et d’une histologie sur des cas de rhinites réfractaires aux procédures classiques) et le retrait de corps étrangers (à condition que celui-ci soit situé suffisamment cranialement pour être accessible, sans quoi une rhinotomie exploratrice sera nécessaire).

RECOMMANDATIONS POUR LA BACTÉRIOLOGIE

- Compléter avec soin la feuille de demande d’analyse. Les commémoratifs constituent une information essentielle pour le laboratoire. - Conserver le prélèvement au frais dans l’attente de l’envoi postal.

- Envoyer le prélèvement le plus rapidement possible au laboratoire.

- Préférer les milieux de culture liquides et les écouvillons floqués.

- Si une origine dentaire est suspectée, une bactériologie aéro-anaérobie doit être demandée.

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