STOCKS DE MÉDICAMENTS : LES LABORATOIRES RASSURENT - La Semaine Vétérinaire n° 1845 du 13/03/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1845 du 13/03/2020

CRISE DU COVID-19

PHARMACIE

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL

Alors que l’épidémie du Covid-19 bouleverse l’industrie mondiale, l’ANMV indique qu’actuellement la pénurie de médicaments vétérinaires est évitée en France.

Faut-il être sur le qui-vive et craindre une pénurie de médicaments vétérinaires en raison de la crise du Covid-19 ? Non. Du moins, pas à ce stade, à en croire Jean-Pierre Orand, directeur de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses-ANMV). Le ralentissement de l’activité des entreprises chinoises fait vraisemblablement planer l’ombre de la pénurie alors que l’Agence européenne des médicaments1 estime que « près de 40 % des médicaments finis commercialisés dans l’Union européenne proviennent de pays tiers et 80 % des fabricants de substances pharmaceutiques actives utilisées pour des médicaments disponibles en Europe sont situés en dehors de l’Union [dont 60 % en Chine, NDLR] ». De leur côté, les laboratoires, par la voix du Syndicat de l’industrie du médicament et réactif vétérinaires (SIMV), se veulent rassurants. Leurs stocks sont en quantité suffisante, tant en matières premières qu’en médicaments produits, pour éviter les pénuries à court terme.

Des stocks limités mais pas de pénurie

Pas d’inquiétude… dans l’immédiat ! Le premier cas de pénurie déclaré aux états-Unis par la Food and Drug Administration (FDA)2 ne concerne pas l’Europe. Il s’agit en tout cas du message qui ressort d’une enquête3 menée en février par l’Anses-ANMV auprès des adhérents du SIMV à la suite du Covid-19. Celle-ci révèle qu’au 27 février deux ingrédients pharmaceutiques actifs (API) avaient des périodes de stocks limitées (entre deux et trois mois). Mais pour d’autres principes actifs, le risque zéro n’existe pas. « Des problèmes ne se poseront éventuellement que si la situation n’évolue pas favorablement en Chine d’ici trois à quatre mois », souligne le communiqué de presse conjoint de l’agence et du SIMV. Pour Jean-Louis Hunault, président du SIMV, les signaux sont au vert. « La situation est en reprise. L’hypothèse d’un blocage de la Chine pendant trois ou quatre mois s’éloigne de jour en jour. Ce n’est pas parce que deux ingrédients pharmaceutiques actifs ont des périodes de stock limitées qu’il y aura une pénurie. » à ce stade, aucune précision n’a été donnée sur les médicaments vétérinaires concernés par ces constats. Une façon pour l’ANMV d’éviter les effets de stockage. Selon Jean-Louis Hunault, même en cas de pénurie, des réponses alternatives existent certainement parmi les 2 900 autorisations de mise sur le marché disponibles en France. L’agence est en « contact permanent » avec les industriels pour suivre l’évolution de la situation.

Des masques FFP2 en rupture

Autre risque sanitaire qui accompagne la crise du Covid-19, la pénurie de certains dispositifs médicaux type masques de protection respiratoire FFP2 utilisés par les praticiens. En cause, la crainte qui gagne du terrain auprès du grand public et, avec elle, la prise d’assaut des pharmacies pour acquérir des gants, les masques de type FFP2, des gels hydroalcooliques… pour se protéger du Covid-19. La situation inquiète la Commission européenne. Et pour cause : la commissaire européenne chargée de la santé, Stella Kyriakides, a déclaré que la Chine produit près de 50 % des équipements de protection (dont des masques). En France, les fournisseurs peinent à alimenter le marché. Le gouvernement réquisitionne4 jusqu’au 31 mai 2020 les stocks de masques de protection respiratoire de type FFP2 détenus par toute personne morale de droit public ou de droit privé. Interrogé par nos soins, le ministère des Solidarités et de la Santé, en charge de l’application de cette mesure, indique ne pas exclure les vétérinaires parmi les professionnels dont les stocks de masques FFP2 peuvent être réquisitionnés. Paradoxe ou complexité de la mesure, ces derniers peuvent toutefois en bénéficier s’ils justifient être en contact avec des personnes atteintes du Covid-19. Cette possibilité reste difficilement applicable car, à ce stade, aucun élément ne permet de penser que les animaux de compagnie puissent être infectés par ce virus ni participer à sa dispersion, mais la contamination reste possible par des clients. Du côté des centrales d’achat vétérinaires, une hausse substantielle de la consommation de gels hydroalcooliques, de gants et de masques type FFP2 est aussi observée sur les deux premiers mois de l’année (en comparaison avec 2019). L’une d’elles souligne qu’habituellement, ces produits ne se vendent pas en grande quantité. Elle en constate toutefois une surconsommation « très certainement liée à la situation actuelle ». Pour les centrales, la priorité est de gérer au mieux leurs stocks disponibles. Bien que des ruptures de certaines références sont déjà visibles sur les interfaces de commande. Certaines centrales sont même sollicitées par de nouveaux fournisseurs. La situation se corse d’autant que les centrales vétérinaires ne sont pas prioritaires pour l’achat de ces produits.

1. www.bit.ly/2Q3a1NU.

2. www.bit.ly/3aBLtmI.

3. www.bit.ly/2vTZiOJ.

4. www.bit.ly/2wDfjst.

UNE DÉPENDANCE À LA PRODUCTION CHINOISE

La crise du Covid-19 remet en cause la dépendance de l’industrie pharmaceutique vis-à-vis de la production asiatique. En santé humaine, Sanofi annonce vouloir créer un leader européen des principes actifs pharmaceutiques. Cette initiative trouve son écho en santé animale. « Lors de l’édition 2019 de la Journée nationale vétérinaire, un de nos adhérents a indiqué son intention de ne pas dépendre excessivement de la source d’approvisionnement asiatique », explique Jean-Louis Hunault, président du Syndicat de l’industrie du médicament et réactif vétérinaires (SIMV). Cette entreprise a en effet choisi l’Europe de l’Est et l’Espagne comme sources d’approvisionnement en matières premières pour la fabrication d’un certain nombre de produits. « La question de l’approvisionnement intracommunautaire est dans l’esprit des laboratoires. L’annonce de Sanofi s’inscrit également dans cette démarche. Il est de l’intérêt de nos entreprises d’avoir une sécurisation de leur approvisionnement en matières premières. Cette expérience du coronavirus va contribuer à confirmer cette tendance », poursuit le représentant de l’industrie.

POINT DE VUE
JEAN-PIERRE ORAND
Directeur de l’Agence nationale du médicament vétérinaire
Les laboratoires ont en moyenne trois à six mois de stocks

Faut-il s’inquiéter d’un éventuel manque de disponibilité de médicaments vétérinaires ?

Pour l’instant, il n’y a pas matière à s’inquiéter outre mesure. La crise semble s’atténuer en Chine. Je n’ai pas de voyant rouge allumé. Les laboratoires ont en moyenne trois à six mois de stocks de matières premières et de médicaments déjà produits. L’industrie est très transparente et à l’écoute de nos demandes. S’il y a des ruptures avérées sur le terrain, nous appliquerons les dispositions de la charte que nous avons mise en place pour la gestion des ruptures d’approvisionnement d’un médicament vétérinaire. Même au niveau européen, l’Agence européenne des médicaments (EMA) n’a pas identifié à ce jour de rupture avérée. L’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) participe aussi aux travaux de la task force européenne créée pour faire face à cette crise. Si la situation évolue, l’agence communiquera sur son site internet. Nous ne souhaitons pas être une source d’alerte supplémentaire et favoriser ainsi les effets de stockage. Il faut aussi garder à l’esprit que nous dépendons totalement de l’évolution de la crise du coronavirus au niveau mondial.

D’autres points de tension pourraient avoir un impact sur la disponibilité de ces produits ?

Il est encore trop tôt pour constater les conséquences réelles de la crise du coronavirus. Mais il est clair que les flux de circulation ne sont pas ce qu’ils étaient avant la crise. L’évolution de la situation dépendra de la durée de la crise. Nous commençons à constater toutefois des problèmes sous-jacents. En raison de la situation, l’Europe a pour l’instant suspendu l’inspection de certains établissements de production en Chine. Cela pourrait retarder le renouvellement des certificats de bonnes pratiques de fabrication. Par ailleurs, les tensions quant à l’approvisionnement en masques FFP2 nécessaires à la production des médicaments stériles pourraient également avoir des impacts.

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