LES QUESTIONS À SE POSER EN DÉBUTANT EN CLIENTÈLE - La Semaine Vétérinaire n° 1845 du 13/03/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1845 du 13/03/2020

CARRIÈRE

ENTREPRISE

Auteur(s) : CHRISTELLE FOURNEL

Pour réussir son entrée dans le métier, il est nécessaire de se poser les bonnes questions comme le choix de la structure d’accueil ou des modalités de travail. Une introspection permettra de mieux définir son projet personnel, tout en donnant un bon élan à sa carrière.

Une mauvaise première expérience peut briser une vocation. Cela explique parfois de vraies remises en question chez nos jeunes vétérinaires et certaines reconversions hâtives. Il convient donc de prendre le temps de se questionner : quelles espèces souhaite-t-on soigner ? Avec quels types de clients souhaite-t-on travailler ? Que fait-on si l’expérience vécue ne s’avère pas concluante ? Quelle charge de travail et dans quel contexte souhaite-t-on travailler ? Qu’est-on prêt à accepter pour réussir son début de carrière ?

Être curieux sur les différentes filières

Lorsque l’on suit un cursus avec une dominante en école vétérinaire, on a tendance à choisir comme première expérience, la même dominante. Un choix pas nécessairement judicieux. En effet, un vétérinaire qui s’oriente vers une seule filière dès le début de sa formation et de sa vie professionnelle aura de moins en moins d’opportunités de diversifier ses champs de compétences. Ainsi, l’étudiant valorise ses connaissances acquises à l’école et réduit le nombre de portes laissées ouvertes dès l’obtention de son diplôme. Arrivé en fin de cursus, il pourrait se positionner comme suit :

- éliminer d’emblée la ou les filières dans lesquelles il ne voudra jamais travailler, pour des raisons de valeurs, de conditions de travail, de type de clientèle, d’espèce animale… ni en tant que praticien ni en tant que salarié dans l’industrie ;

- s’orienter vers la ou les structures qui permettent d’acquérir de l’expérience dans plusieurs filières. Par exemple, il existe des clientèles à la fois canines et équines. Il est possible de trouver deux structures en Bretagne, l’une qui soigne des animaux de rente, l’autre qui s’est spécialisée en élevage porcin.

Ce choix stratégique peut être en opposition avec les préférences personnelles, comme vivre près de ses proches. Il s’agit d’une situation a priori temporaire, d’un investissement sur l’avenir qui déstabilise à court terme mais apporte plus de sécurité sur le long terme.

Savoir communiquer avec son employeur

Malheureusement, il n’est pas rare de lire ou d’entendre des témoignages de jeunes qui ont mal vécu leurs premières présences en clinique, s’arrêtent de travailler, cessent la clientèle, voire se réorientent vers d’autres métiers (enseignant, psychologue, conseiller financier, etc.). La structure, les associés, certains collaborateurs, traversaient peut-être une phase difficile et se trouvaient moins disponibles et avenants pour leur nouvel arrivant.

L’esprit humain tend à généraliser les expériences vécues afin de donner un cadre, une cohérence à notre compréhension du monde. Parfois nous avons raison, souvent nous procédons à des généralisations trop rapides. Il paraît donc utile de :

- parler de ce vécu négatif, soit directement auprès de la structure en question afin de mieux comprendre leur point de vue (et même si cela demande du courage), soit avec des collègues bienveillants qui pourront moduler la perception,

- renouveler le même type d’expérience dans un autre contexte afin de se faire une idée plus conforme à la réalité « habituelle ».

Remettre en cause son attitude

Par ailleurs, on peut tirer des enseignements d’une remise en cause personnelle : « De mon côté, qu’aurais-je pu faire de plus, de mieux, de différent pour que les choses se passent mieux ? » Lorsque l’on arrive dans une nouvelle structure, on a tendance à demander beaucoup de choses (à tort ou à raison, là n’est pas la question). Si l’employeur se trouve lui-même surchargé de travail ou en état de stress, il peut percevoir ces multiples requêtes comme des agressions. Il est alors utile de nous interroger sur la forme des demandes : quand ont-elles été formulées ? Sur quels sujets ? Avec quel enjeu ? Ces demandes sont-elles couramment pratiquées dans le milieu ? L’employeur considère-t-il, sur certains sujets, que le nouvel embauché doit avoir fait ses preuves avant de lui octroyer ce qu’il considère comme un privilège ?

Choisir son mode de travail

Par défaut, le vétérinaire junior commence comme salarié en forfait en heures échelon 1. Une fois “thésé”, il reste en forfait en heures (échelon 2), puis évolue vers un forfait jour. Lorsqu’il est expérimenté, a fortiori lorsqu’il se spécialise, il demande un statut de collaborateur libéral.

Toutefois, les vétérinaires employeurs ont généralement un avis assez tranché sur le choix de la collaboration : salarié en forfait en heures ou en forfait jour, ou collaborateur libéral. Il peut être utile d’interroger les raisons de ce choix : si l’économie budgétaire est évoquée, le recruteur n’a peut-être pas compris la différence entre les statuts et il convient d’être vigilant sur le risque de salariat déguisé. Du côté du salarié, il apparaît préférable d’avoir une opinion sur le sujet avant la première rencontre1. Des informations détaillées sont fournies sur le site de l’Ordre des vétérinaires (www.veterinaire.fr/ressources.html).

Gérer la différence générationnelle

Il faut souligner que les vétérinaires recruteurs ont commencé à travailler sans compter leurs heures. Pour eux, il est normal de travailler 50 heures par semaine, même en tant que salarié. S’ils comprennent donc tout à fait l’évolution de la législation à ce sujet, il leur est difficile d’entendre qu’un salarié cadre revendique 15 minutes travaillées au-delà de leur temps de travail contractuel en heures complémentaires ou supplémentaires, que ce soit pour gérer une urgence ou la cliente la plus fidèle de la clinique.

De même, les vétérinaires recruteurs se sont formés “sur le tas”, par eux-mêmes et se sont bien souvent financés leur formation. Aujourd’hui, ils travaillent encore intensivement et ont besoin de leurs salariés pour trouver du temps pour eux (enfin !). Lorsque le jeune fraîchement diplômé demande les modalités de la formation continue avant même d’avoir achevé sa période d’essai, le recruteur peut se dire que “tout est dû aux jeunes désormais”.

Quoi qu’il en soit, tous ces sujets devraient être abordés dès les premiers entretiens afin de clarifier la compréhension de chacun et de trouver un compromis satisfaisant pour les deux parties.

1. Voir l’article « Salarié ou collaborateur libéral : que choisir ? » paru dans La Semaine Vétérinaire n° 1831 du 22/11/2019, pages 46 et 47.

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