LA RÉFORME DE L’EXÉCUTION PROVISOIRE - La Semaine Vétérinaire n° 1845 du 13/03/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1845 du 13/03/2020

ÉVOLUTION DU DROIT

ENTREPRISE

Auteur(s) : CÉLINE PECCAVY

La réforme de la procédure civile a été votée sans bruit. Elle n’est pas sans conséquence pour le justifiable, notamment pour l’exécution provisoire.

Les avocats et les magistrats avaient protesté en 2018 contre la réforme de la procédure civile, réforme de la justice qui, selon eux, portait atteinte à certains droits fondamentaux du justiciable. Rien n’y a fait. Dans le contexte très tendu de la réforme des retraites, celle de la procédure civile, elle, a été votée. Un vote qui est passé inaperçu, mais qui va avoir de lourdes conséquences pour le justifiable qui s’en rendra compte forcément trop tard. Focus donc sur cette réforme en profondeur du système judiciaire et ici sur le point particulier de l’exécution provisoire.

Les contours de l’exécution provisoire

Rappelons déjà de quoi il s’agit. Le sujet concerne les jugements rendus en première instance. Dans le système judiciaire que nous connaissions depuis fort longtemps, l’appel était en principe suspensif d’exécution immédiate de la première décision. Un principe très logique à vrai dire. Les magistrats ne sont pas à l’abri de commettre une erreur d’appréciation des faits et/ou une erreur de droit. Lorsqu’une telle situation se présente, l’appel permet de faire rejuger dans son intégralité le dossier, et ce par d’autres magistrats. Une seconde chance donc pour le défendeur d’échapper à une condamnation. Au cœur de ce dispositif, l’exécution provisoire est définie comme « un bénéfice qui permet au gagnant d’exécuter un jugement dès sa signification malgré l’effet suspensif du délai des voies de recours ordinaires ou de leur exercice » (Serge Guinchard, professeur émérite de droit privé de l’université Paris 2). Concrètement, le demandeur en justice sollicitait, dans le cadre du procès de première instance du juge, qu’il prononce cette exécution provisoire afin qu’il puisse, quelle que soit la suite de la procédure, obtenir sans délai ce qui lui a été accordé. Légalement, le magistrat (article 515 du Code de procédure civile) appréciait souverainement chaque espèce sans que rien ne lui soit imposé.

Un premier vent de réforme sur le sujet a soufflé en 1997. Le rapport de Jean-Marie Coulon, président de la cour d’appel de Paris, préconisait alors une exécution immédiate des jugements de première instance, de plein droit, avec un contrôle du premier président. À la suite des protestations, le nouveau gouvernement issu des élections du printemps 2002 n’a pas repris le projet. Une justice empreinte d’une certaine souplesse a donc survécu et a supplanté l’idée initiale de freiner le contentieux en appel. Cette réforme avait assurément une logique purement gestionnaire. Le justiciable déjà condamné et devant s’exécuter immédiatement aura forcément moins de motivation à relever appel. Le second vent de 2018 devait revenir à la rigidité et le décret du 11 décembre 2019, sceller une nouvelle ère judiciaire.

Dorénavant, il conviendra de s’exécuter promptement

Désormais l’article 514 du Code de procédure civile dispose que : « Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. » Nous y sommes. Le justiciable condamné en première instance devra dorénavant s’exécuter promptement. Des exceptions ? Quelques-unes oui. La première figure à l’article 514-1 du même code : le juge peut écarter la mesure de droit s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Les animaux sont-ils une nature d’affaire particulière ? Il y a fort à parier que les magistrats auront des visions différentes conduisant à des jurisprudences disparates.

Deuxième particularité notable issue du nouvel article 514-3 : le premier président de la cour d’appel peut arrêter l’exécution si celle-ci « risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives ». Par le passé, un justiciable condamné à restituer un chien avait déjà plaidé ces conséquences en affirmant que lui retirer son animal, seul compagnon, et eu égard à ses gros soucis de santé, aurait de telles conséquences excessives. La cour d’appel de Toulouse, par décision du 30 mai 2005, devait rejeter la demande.

En conclusion : une réforme applicable depuis le 1er janvier 2020 et qui n’a pas fini de surprendre le justiciable.

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