LA MISE EN ŒUVRE DU CONCEPT ONE HEALTH : MYTHE OU RÉALITÉ ? - La Semaine Vétérinaire n° 1845 du 13/03/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1845 du 13/03/2020

EXPRESSION

LA QUESTION EN DÉBAT

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL

Face aux menaces sanitaires, les interactions entre la santé humaine et la santé animale paraissent indispensables pour y apporter des réponses multisectorielles. Pourtant plébiscitée par les instances internationales, sur le terrain, l’application effective de l’approche One Health (“Une seule santé”) se heurte à un manque d’interdisciplinarité.

C’EST UN SUJET D’ACTUALITÉ

ÉRIC PERIGAUD (N 84)

Vétérinaire mixte à Saint-Léonard-de-Noblat (Haute-Vienne)

Le concept “Une seule santé” est une réalité sur le terrain, un sujet d’actualité. Nous le constatons notamment au sujet de l’antibiorésistance, qui mobilise de nombreux acteurs, et les zoonoses qui concernent aussi bien l’homme que l’animal. Nous devons poursuivre notre mobilisation et la sensibilisation des acteurs impliqués afin qu’il y ait une prise en compte collective de l’approche “Une seule santé”. Avec la réussite du premier plan écoAntibio, l’implication des vétérinaires n’est plus à démontrer. Du côté de la médecine humaine, la question de leur sensibilisation se pose. Lors d’un colloque que nous avions organisé sur l’antibiorésistance et ouvert à tous les professionnels de santé, peu d’entre eux se sont déplacés. Cela témoigne-t-il de leur manque d’intérêt pour cette problématique ou d’un besoin de sensibilisation sur l’importance des enjeux ? Les professionnels des milieux hospitaliers sont pourtant sensibles à la problématique de l’antibiorésistance. Mais une meilleure sensibilisation des médecins généralistes à l’utilisation des antibiotiques me paraît essentielle.

UN CONCEPT À DEUX VITESSES

VINCENT VIARD (T 03)

Vétérinaire mixte à Gaillac (Tarn)

La prise en compte du concept « Une seule santé » est à deux vitesses. Pourtant l’actualité nous rappelle que la santé humaine et la santé animale sont imbriquées. Sur le terrain, il reste beaucoup de chemin à parcourir pour une réelle prise en compte de ce concept par les acteurs impliqués. La responsabilité des vétérinaires est davantage pointée du doigt lorsqu’il s’agit d’antibiorésistance ou de zoonoses. Par exemple, j’ai l’impression que la prise en charge des animaux mordeurs ne se fait pas correctement par les professionnels concernés. De façon générale, il est rare que les médecins fassent les bons liens sur les zoonoses. Plusieurs leviers sont à mobiliser pour une véritable prise de conscience des pouvoirs publics. La mission interministérielle sur l’antibiorésistance devrait solliciter le ministère de l’Agriculture et ne pas uniquement dépendre de celui de la santé. De même, le vétérinaire devrait être présenté comme le garant de la lutte contre l’antibiorésistance. Les pouvoirs publics devraient privilégier des mesures plus incitatives qui valorisent l’expertise du praticien. Plutôt que des mesures coercitives pour la profession.

UN LONG CHEMIN RESTE À PARCOURIR

DELPHINE FERRÉ-FAYACHE (T 02)

Vétérinaire rurale à Lacapelle-Marival (Lot)

Du côté de la profession, je note une réelle implication notamment dans la lutte contre l’antibiorésistance. Dans ma pratique quotidienne, je veille à utiliser les antibiotiques de façon raisonnée. Mais je pense qu’un chemin long reste à parcourir pour une prise en compte du concept « Une seule santé » par l’ensemble des acteurs impliqués. L’objectif de favoriser l’interdisciplinarité n’est pas atteint, pourtant il s’agit d’une orientation fortement plébiscitée. En effet, sur le terrain, je constate qu’il s’agit d’un concept qui n’est pas encore correctement appliqué notamment par les acteurs de la santé humaine. Il arrive que des médecins n’aient pas les bons réflexes face à une zoonose. Pour changer la donne, il faudrait favoriser l’information et la communication entre les différents acteurs, encourager l’organisation de colloques interdisciplinaires afin de faciliter une approche multisectorielle. Certes des colloques sont déjà organisés autour du concept « Une seule santé », mais il faudrait que ceux-ci soient plus réguliers.

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