DIAGNOSTIC ET PRISE EN CHARGE DES RÉTROVIROSES DU CHAT - La Semaine Vétérinaire n° 1845 du 13/03/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1845 du 13/03/2020

RECOMMANDATIONS DE L’AAFP

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

FORMATION

Auteur(s) : TAREK BOUZOURAA

La Facco, fédération des petfooders français, sort de son silence et fait vœu de pédagogie avec la traduction en français du Guide nutritionnel de la fédération des fabricants européens d’aliments (Fediaf). Éclairage sur ce document capital.

Les rétrovirus chez le chat occupent toujours une place importante en médecine vétérinaire dans le monde et en France. En effet, ces dernières années, les études de prévalence les plus robustes font état d’une fréquence d’antigénémie au virus de la leucose féline (FeLV) comprise entre 2,3 et 5,5 %, ainsi qu’une séropositivité au virus de l’immunodéficience féline (FIV) comprise entre 2,5 et 4,3 %. L’Europe du sud semble être très concernée, probablement en lien avec un caractère inadapté des procédures de prophylaxie classiquement recommandées. L’American Association of Feline Practitioners (AAFP) vient de mettre à jour ses recommandations1 pour le diagnostic et le traitement des rétroviroses.

Rappels sur le FeLV

Le virus du FeLV est inoculé horizontalement par contact rapproché (combat et léchage essentiellement) et verticalement depuis la mère à ses chatons. Suite à une exposition au FeLV, une infection est soit abortive (rencontrée dans 20 à 30 % des cas), régressive (30 à 40 %) ou progressive (30 à 40 %). L’issue est dépendante de l’inoculum initial et de l’immunité de l’hôte. La forme abortive est définie par l’absence d’antigénémie, d’isolement de l’ARN viral ou de l’ADN proviral et l’incapacité de mise en culture virale tandis que le chat est séropositif (il exprime une quantité significative d’anticorps, témoins de son exposition à l’agent viral). La forme régressive s’accompagne d’une réponse immune qui n’élimine pas le virus et n’interrompt pas sa réplication. Le chat ne présente toujours pas d’antigénémie, d’ARN viral et n’est pas cultivable, tandis qu’il arborera l’ADN proviral et sera séropositif. Enfin, lors d’infection progressive, le virus se propage et engendre un profil défini par une antigénémie, la détection de l’ADN proviral, de l’ARN viral, la capacité de mise en culture virale mais généralement un profil séronégatif. Ce dernier profil pathologique prédispose à un décès prématuré, le plus souvent d’une hémopathie maligne à invasion médullo-sanguine (lymphome ou leucémie lymphoïde).

Rappels sur le FIV

Le principal mode de transmission du FIV reste l’inoculation de salive lors de morsures tandis que le mode de transmission sexuelle est rare et une transmission verticale (prouvée expérimentalement) demeure anecdotique sur le terrain. Durant la phase infectieuse précoce, les populations lymphoïdes CD4+ et CD8+ s’amenuisent. Ensuite, la réponse sérologique autorise une maîtrise, un contrôle et donc une diminution de la charge virale, permettant alors une recrudescence de la population en lymphocytes T CD8+ au-delà de leur compte initial, avec une inversion du rapport CD4+/CD8+ qui se maintient dans le temps malgré une chute respective mais proportionnelle des deux populations. C’est durant cette phase asymptomatique pouvant durer plusieurs années qu’un dysfonctionnement immun peut survenir, prédisposant alors aux infections opportunistes, répétées et chroniques, voire augmentant le risque d’hémopathie maligne.

Interpréter les tests rapides

Un dépistage par le biais d’un test rapide à réaliser au chevet du chat doit être envisagé lors d’une nouvelle acquisition, avant une éventuelle vaccination pour le FeLV (ou le FIV dans les structures où elle est réalisée), à la suite d’une potentielle exposition à un chat infecté ou dès lors qu’une situation épidémioclinique ou biologique évoque la possibilité d’un portage rétroviral (symptomatique ou non), préconise l’AAFP. La lecture et l’interprétation d’un test rapide doivent rester précautionneuses et réalisées en fonction du profil de risque épidémiologique et de la temporalité vis-à-vis d’une exposition présumée. Un résultat positif doit faire l’objet d’une réflexion, plus particulièrement chez un chat sain d’apparence ou n’ayant jamais eu accès à l’extérieur, pour lequel la probabilité d’être réellement infecté est faible. À l’inverse, un résultat négatif est en règle générale fiable au sein d’une population classique, notamment en France où la prévalence rétrovirale est faible (aux alentours de 0,7 %). Cependant, un faux négatif est à craindre en phase infectieuse précoce, c’est-à-dire avant l’apparition d’une antigénémie au FeLV (durant les 30 premiers jours) ou d’une séropositivité au FIV (avant 60 jours). Les experts préconisent un « double niveau » d’évaluation (schéma) et la nécessité parfois d’employer des tests de dépistages de différents fabricants.

Adapter le protocole vaccinal

Les pratiques prophylactiques vaccinales (pour le FeLV) et environnementales n’ont que peu évolué tandis que la vaccination contre le FIV demeure peu reconnue. Les protocoles vaccinaux pour le FeLV indiquent une primovaccination autour de huit semaines avec une seconde injection à trois-quatre semaines, puis un rappel au bout de 1 an. Un rappel annuel n’est ensuite pas nécessaire dans toutes les situations et sera réservé aux seuls chats qui ont accès à l’extérieur, qui ont des contacts réguliers avec des chats infectés ou de statut méconnu mais douteux. Un rappel tous les deux ans sera proposé aux chats ayant un accès limité à l’extérieur et/ou un contact restreint avec des chats de statut méconnu ou douteux. Enfin, des rappels plus espacés, voire l’absence de rappel vaccinal, peuvent être envisagés chez les chats les moins à risque (chat seul vivant en intérieur strictement, n’ayant jamais aucun contact avec d’autres chats ou uniquement avec des chats d’intérieur tous négatifs au FeLV, chat n’ayant accès qu’à un enclos extérieur sans interaction avec des congénères, chat n’ayant aucun contact avec des autres chats). La vaccination contre le FIV n’est pas clairement préconisée et n’est pas accessible dans tous les pays, dont la France. Le seul vaccin disponible actuellement se nomme Fel-O-Vax FIV (Boehringer Ingelheim). Il s’agit d’une forme inactivée adjuvée dont l’efficacité demeure limitée (56 % dans l’une des études de terrain disponibles). La vaccination contre le FIV n’est pas considérée comme indispensable selon les recommandations précédentes de l’AAFP de 2013. Elle peut être envisagée pour des chats ayant un très fort risque d’exposition. Néanmoins, ceux-ci doivent être clairement identifiables et « marqués » comme vaccinés, car l’administration du vaccin inactivé interfère avec les tests de dépistage sérologique, ce qui peut induire de faux résultats positifs.

1. Little S, Levy J, Hartmann K et coll. 2020 AAFP Feline Retrovirus Testing and Management Guidelines. J. Feline Med. Surg. 2020;22:5-30.

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