URGENCE SUR LA GESTION DU MAILLAGE VÉTÉRINAIRE - La Semaine Vétérinaire n° 1844 du 06/03/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1844 du 06/03/2020

DÉSERTS RURAUX

PRATIQUE MIXTE

Auteur(s) : MARINE NEVEUX

Installation et maintien de l’exercice vétérinaire dans les territoires ruraux : c’est la préoccupation du rapport du CGAAER rendu public en février. Il liste des propositions d’actions pour lutter contre les déserts vétérinaires. En fil rouge : l’urgence à ce que les pouvoirs publics se saisissent du problème et mobilisent des moyens.

Le maillage vétérinaire en zone rurale, un marronnier ? C’est un thème en effet sur lequel la profession vétérinaire alerte le ministère de tutelle depuis plusieurs années. Ce n’est pas propre à la France, ni à la profession, mais aujourd’hui l’urgence est absolue sur notre territoire ! Et le sujet est bien souvent revenu au point mort malgré les gouvernements successifs…

La problématique retentit à bien des occasions ces dernières semaines : le 6 février lors d’une table ronde consacrée à ce sujet lors de la Journée nationale vétérinaire et lors de débats au Salon de l’agriculture.

Alors : énième rapport que celui du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) ? Ou enfin un plan d’action national ambitieux ? Le rapport Installation et maintien de l’exercice vétérinaire dans les territoires ruraux a été établi par Arthur Tirado et Bernard Vanhoye, inspecteurs de la santé publique vétérinaire (ISPV), et Frédéric Poisson, ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts. Il s’affiche comme une boîte à outils dont les différents instruments sont à utiliser selon le contexte local, ce qui est une bonne chose, car chaque zone a ses spécificités, et vouloir imposer un modèle unique aurait été plus périlleux. Le rapport se veut gagnant avec la proposition d’un plan d’action concret et « face à l’échec manifeste, plus de trois ans et demi après son lancement en mai 2016, de la feuille de route Réseau de vétérinaires dans les territoires ruraux en productions animales et compte tenu de la tendance forte observée ces dernières années de relâchement du maillage vétérinaire ».

Appel au soutien des pouvoirs publics

L’urgence est palpable et les gouvernances nationale et locale sont appelées de vœux pieux. C’est essentiel en effet. La première recommandation implique « le soutien des pouvoirs publics auprès de la profession vétérinaire et de la profession agricole, pour garantir l’adéquation du maillage vétérinaire et l’accès aux soins vétérinaires en territoires ruraux et péri-urbains ». La future politique agricole commune (PAC) pourrait apporter une approche communautaire supplémentaire, notamment en s’appuyant sur les attentes sociétales en matière de bien-être animal, insuffsamment prises en compte pour les aides PAC, comme le dénoncent d’ailleurs régulièrement les associations de protection animale.

Recrutement et formation

Agir à la source ? En effet, les axes du recrutement et de la formation des vétérinaires ruraux sont en exergue. Un point sur lequel la profession a déjà apporté son impulsion et des solutions : en témoignent les stages tutorés qui sont un succès et dont on ne peut souhaiter que la pérennisation et le développement.

2021 marque aussi un tournant pour notre profession avec une nouvelle modalité de recrutement en post-bac.

Vétérinaires et éleveurs : même combat

Pas d’éleveurs sans vétérinaires, et pas de vétérinaires sans éleveurs. Un axe pertinent du rapport est de valoriser le partenariat gagnant-gagnant entre vétérinaires et éleveurs. Chacun est dépendant de la bonne santé de l’autre.

Les missionnaires souhaitent renforcer le partenariat gagnant éleveurs-vétérinaires, notamment « il appartient aux organisations professionnelles agricoles (OPA), et plus particulièrement aux chambres d’agriculture, d’intervenir auprès des éleveurs : pour modifier leur perception bien souvent négative de la prestation vétérinaire (c’est pour eux un coût à réduire et non pas un investissement pour une meilleure rentabilité de leurs élevages), pour évaluer leurs besoins en soins vétérinaires ».

Pour offrir aux vétérinaires s’installant en territoire rural une qualité de vie professionnelle, des mesures du plan d’action prônent une approche thérapeutique globale, holistique, plurifactorielle, préventive et proactive, des troupeaux. « Pour cela, donner accès aux vétérinaires à toutes les données sanitaires (et si possible de performance) des élevages de leurs clientèles. » Le projet Calypso en est une concrétisation pertinente1. Et encourager les vétérinaires ruraux « selon la typologie et la densité d’élevages, à contracter individuellement avec les éleveurs de leur clientèle ou à constituer des groupes vétérinaires conventionnés (GVC) avec des associations d’éleveurs, dans le cadre de contrats de partenariat de type assurantiel ».

Des aides concrètes

Des mesures concrètes, et non des mesurettes ou des grandes orientations : voilà ce qu’attendent aussi les confrères qui peinent à demeurer en zone rurale. Pourquoi n’y a-t-il pas aujourd’hui plus de synergies avec les collectivités territoriales, en effet ? Et le département ne pourrait-il pas aider le maillage ?

Le rapport propose des outils concrets : « bourses d’étude, le tuilage via le maintien en activité de vétérinaires proches de la retraite, des exonérations fiscales, la garantie d’un revenu temporaire minimal à l’installation, l’appui à la création d’associations d’éleveurs, l’appui à la création de cabinets d’au moins trois vétérinaires ruraux ».

Parmi les mesures du plan d’action donc : « donner aux collectivités locales la possibilité légale de prendre des mesures incitatives pour : encourager l’installation de vétérinaires en zones rurales (prêt de locaux et équipement, indemnité compensatoire pour soutien à l’activité économique rurale, aide aux éleveurs pour la prise en charge des frais de déplacement vétérinaire, etc.) ».

Assurer la permanence et la continuité des soins reste une problématique majeure d’organisation pour les vétérinaires, et source d’épuisement professionnel. Le rapport évoque une plateforme de gestion des appels et d’optimisation des déplacements, de même que l’installation en associations pour optimiser l’organisation du travail et diminuer les contraintes en matière de gardes

Des questions en suspens

Enfin, en dernier recours, si les mesures se révèlent insuffisantes, le rapport envisage la création de postes de vétérinaires financés par les pouvoirs publics. L’idée existe déjà dans d’autres pays européens, mais les pouvoirs publics auront-ils les moyens de créer ces postes ? Alors que le renouvellement des postes dans le corps des ISPV est déjà tendu, par exemple ?

Et les sous dans tout cela ? Des questions restent en suspens et laissent parfois sur notre faim : celle du coût des mesures proposées. Une omission volontaire selon les missionnaires : « L’exercice leur est apparu difficilement réalisable tant qu’une cartographie précise des zones critiques d’accès aux soins vétérinaires (ZCASV) n’aura pas été établie ». L’affection d’un fonds d’urgence est demandée pour mettre en œuvre les premières mesures.

1. Lire pages 10 et 11 de ce numéro.

QUATRE AXES THÉMATIQUES DU PLAN D’ACTION

– Renforcer la gouvernance nationale et locale appliquée au maillage vétérinaire.

– Favoriser le recrutement et la formation de futurs vétérinaires ruraux.

– Aider à l’installation et au maintien des vétérinaires en territoires ruraux.

– Aider à l’installation des éleveurs et au renforcement de la rentabilité économique de leurs exploitations, tout en répondant aux attentes sociétales (bien-être animal, protection de l’environnement, sécurité sanitaire des aliments).

EXTRAIT DES RECOMMANDATIONS DU RAPPORT

« Renouer des liens forts et de confiance d’une part entre les vétérinaires sanitaires et le MAA, en renforçant notamment les actions de santé publique vétérinaire confiées par l’État aux vétérinaires ruraux, et d’autre part entre les éleveurs et les vétérinaires libéraux, en développant de nouvelles formes de partenariat éleveurs-vétérinaires, de type assurantiel (contrats individuels ou conventionnement collectif), privilégiant une approche préventive et holistique de la santé des troupeaux. »

EXTRAIT DES MESURES DU PLAN D’ACTION

« Accroître significativement le nombre de missions de santé publique vétérinaire confiées par l’État aux vétérinaires ruraux sous la forme de visite sanitaire d’élevage (VSE), bilan sanitaire d’élevage (BSE), certifications bien-être animal (BEA) et bonnes pratiques d’élevage respectueuses de l’environnement (BPERE), contrôles sanitaires d’ateliers d’abattage et de transformation, préparation à la gestion de situations de crises sanitaires, et les revaloriser. »

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