DÉCLARER UN PROBLÈME N’EST PAS RECONNAÎTRE SA CULPABILITÉ - La Semaine Vétérinaire n° 1844 du 06/03/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1844 du 06/03/2020

RESPONSABILITÉ CIVILE PROFESSIONNELLE

ENTREPRISE

Auteur(s) : LORENZA RICHARD

Bien connaître ses obligations en matière de RCP permet au vétérinaire de se protéger en cas de réclamation d’un client pour faute ayant entraîné un préjudice, et d’éviter certaines erreurs.

Le taux de réclamations contre les vétérinaires serait en permanente progression, d’environ 10 % en 2017 à 12 % en 2018, alors qu’environ 1 % des médecins généralistes sont mis en cause. Le vétérinaire doit ainsi anticiper les risques avant un acte médical ou chirurgical, puis savoir comment réagir en cas de réclamation de la part du propriétaire de l’animal si un problème survient. L’assurance en responsabilité civile professionnelle (RCP) couvre le préjudice qu’un acte vétérinaire pourrait avoir causé à un animal. La mise en œuvre de la RCP nécessite trois éléments : un fait dommageable ou une faute, un préjudice, et un lien de causalité entre la faute et le préjudice. Le vétérinaire ayant une obligation de moyens renforcée mais pas une obligation de résultat, il doit ainsi, en cas de réclamation, pouvoir faire la preuve que tous les moyens ont été employés, avec l’accord du propriétaire de l’animal.

En amont : le consentement éclairé

C’est pourquoi, en amont, il est obligatoire de recueillir le consentement éclairé du propriétaire, en expliquant par écrit les actes, leurs conséquences et leurs risques potentiels. Il est également nécessaire de s’assurer que le client les a bien compris. Dès cet instant, les modalités de continuité des soins doivent être précisées, pour les changements de pansement, par exemple. Cette anticipation peut être difficile ou dissuasive, cependant c’est un point essentiel pour le consentement éclairé : le maître mot est la transparence. Lorsque la structure fait appel à un intervenant extérieur, en chirurgie par exemple, les conditions générales de fonctionnement (CGF) doivent l’indiquer. Il serait également important que cet intervenant participe au consentement éclairé en détaillant ses actes et les risques spécifiques encourus, car il est le seul à pouvoir donner cette information.

Une bonne couverture RCP avant tout

Le vétérinaire doit aussi s’assurer qu’il est bien couvert pour tous les actes réalisés. Ceux-ci sont explicités lors de la signature du contrat de RCP. Le praticien doit également déclarer à son assureur, par écrit, toute circonstance nouvelle qui pourrait aggraver le risque, comme l’emploi d’un salarié ou le développement d’une activité, par exemple, pour éviter tout défaut d’assurance qui serait dommageable. De plus, il est primordial que chaque praticien de la structure soit protégé en fonction de son statut et pour ses activités propres (spécialisation, par exemple). Il convient également de vérifier qu’un intervenant extérieur est en exercice légal et est lui-même bien couvert en RCP pour les actes qu’il réalise.

Recevoir le client

Dès la survenue d’un problème, afin de montrer que l’équipe se sent concernée par celui-ci, il convient dans un premier temps de recevoir le propriétaire de l’animal, idéalement à deux confrères, et dans une pièce isolée. Le vétérinaire doit faire preuve d’empathie vis-à-vis du client, et lui expliquer clairement ce qui s’est passé, sans mentir, afin de ne pas envenimer le conflit. Certains clients font en effet une réclamation en raison du manque d’explication du vétérinaire, qui donne l’impression qu’il ment, ou encore de son attitude, qu’ils peuvent juger méprisante ou non compatissante. Il convient de demander au propriétaire s’il veut voir le corps de l’animal, s’il souhaite une autopsie par un expert, etc. Le vétérinaire doit rester sobre et fuir les détails, car certains mots utilisés lors de la confrontation s’ancrent dans la mémoire du client.

Déclarer sans reconnaître

Le vétérinaire peut reconnaître qu’il y a eu un problème, mais cela ne signifie pas qu’il reconnaît sa culpabilité. C’est en effet uniquement à l’assureur de statuer sur la responsabilité, ou non, du praticien, en considérant le préjudice subi, la faute, et le lien de causalité entre eux. De plus, si le vétérinaire admet qu’il est responsable, cela l’engage à indemniser le client à titre personnel et l’assureur peut refuser de se charger de l’affaire.

Le vétérinaire doit saisir l’assureur en cas de réclamation, qu’elle soit amiable ou qu’elle consiste en une plainte au Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (CNOV) ou au tribunal civil. Il doit donner les coordonnées de l’assureur au client, et lui demander de s’en remettre à la décision qui sera prise. Cela le décharge du processus conflictuel et de l’indemnisation éventuelle.

Seuls les faits comptent

Toute réclamation est recevable par l’assureur, même si le client n’a pas réglé sa facture au vétérinaire. Si le propriétaire dispose d’une protection juridique, il doit déclarer le “fait générateur”, que le vétérinaire peut aider à expliciter, par exemple « décès d’un animal au cours d’une chirurgie ». Si le propriétaire n’en dispose pas, c’est au vétérinaire de faire la déclaration d’incident à l’assureur. Pour cela, il doit s’isoler et prendre de la distance par rapport à ce qui s’est passé, de façon à rester factuel. Là encore, il convient de ne pas présumer de sa culpabilité ni de tenter de se déresponsabiliser. Seuls les faits comptent. Il est également important d’expliquer au client que les expertises vont mettre du temps.

Débriefer

Enfin, quelle que soit la décision, débriefer au sein de sa structure est primordial, car tout accident est source d’apprentissage. C’est une action essentielle mais négligée, alors qu’elle permet à l’auteur de ne pas culpabiliser et de se sentir soutenu par le reste de l’équipe. Si un salarié est à l’origine de l’accident, il se trouve dans un sentiment d’insécurité si les collaborateurs ne lui en parlent pas. En revanche, il apprend beaucoup s’ils le rassurent en lui disant qu’eux aussi ont été confrontés à cela, par exemple, et échangent avec lui sur les bons gestes à réaliser pour éviter de nouveau problème à l’avenir.

Article rédigé d’après l’atelier du CNOV au congrès de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac), le 28 novembre à Lyon (Rhône). Conférenciers : Sophie Kasbi, directrice des affaires juridiques du conseil national de l’Ordre des vétérinaires (CNOV), Yves Legeay, praticien à Nantes (Loire-Atlantique) et membre du CNOV, Nicolas Gombault, directeur général délégué du groupe Mutuelle d’assurances du corps de santé français (MACSF).

RAPPELS RÉGLEMENTAIRES

L’article R.242.48 VI du Code rural et de la pêche maritime oblige le vétérinaire à avoir une responsabilité civile professionnelle (RCP) couverte par un contrat d’assurance adapté à son statut et à son exercice.

L’article R.242.35 impose notamment au vétérinaire de tenir à disposition des personnes ayant recours à ses services les informations relatives à la prise en charge de sa RCP, et les coordonnées de son assureur.

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