URGENCE SUR LA DÉSERTIFICATION RURALE - La Semaine Vétérinaire n° 1841 du 14/02/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1841 du 14/02/2020

JOURNÉE NATIONALE VÉTÉRINAIRE

ANALYSE

Auteur(s) : MARINE NEVEUX

La Journée nationale vétérinaire est désormais bien ancrée dans le paysage vétérinaire. La deuxième édition s’est tenue le 6 février à Paris. En cette période préelectorales en France et de débat, la profession scelle ses rôles piliers au sein des territoires.

Lancée à l’initiative des organisations représentatives vétérinaires en 2019, la Journée nationale vétérinaire, avait pour ambition de renforcer le lien et le partage d’expériences, de dresser des objectifs et des actions face aux enjeux d’avenir et aux attentes sociétales. Les objectifs sont-ils tenus ?

Oui, ce rendez-vous est désormais bien ancré dans les événements à ne pas rater de notre profession. Il y attire tous les représentants de la profession et les acteurs clés qui gravitent autour d’elle. Il attire aussi praticiens, confrères, enseignants, et jeunes ! Pari gagné donc que la relève se préoccupe des enjeux de son avenir.

Sommes-nous restés sur un format d’entre-soi ? Non, et c’est là un des autres points forts de ce rendez-vous qui fédère des acteurs aux horizons variés, et reçoit les politiques, sous toutes leurs facettes, pour porter le message et l’image de la profession dans les arcanes du pouvoir. Car, c’est bien par les politiques, les actions collectives, la coordination, que les projets prendront aussi leur essor et trouveront un plus fort écho. L’initiative d’avoir fait venir députés, sénateurs, ministre (par vidéo), directrice de cabinet, responsables de collectivité est donc un atout de cette journée. Des propositions sont débattues au grand jour, d’autres discussions avancent aussi en coulisses. Paris ne se fait pas en un jour, bien entendu, et les chantiers engagés l’an passé restent d’actualité et à faire avancer. La réflexion mûrit, les urgences sont martelées, dites et redites. « Une décennie ne sera pas de trop pour relever l’ensemble des défis », note d’ailleurs Jacques Guérin, président de l’Ordre, qui pointe « l’urgence des déserts dans les territoires ruraux. Dans certains cas, l’urgence est même absolue ».

Désert rural : urgence absolue !

À quelques semaines des municipales, le sujet de la désertification rurale trouve un terreau fertile auprès des acteurs politiques, prolifiques en idées en cette période. « Les vétérinaires ont certainement besoin de tisser un lien étroit avec les élus des territoires », motive aussi Jacques Guérin.

Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques au Sénat, reconnaît que « l’élu local a vraiment un rôle dans l’aménagement du territoire ». C’est entendu, et comment envisager alors un tissu rural avec les vétérinaires ? La sénatrice reconnaît les contraintes du métier : permanence et continuité de soins, astreintes, disponibilité, responsabilité, temps de transport dans les zones rurales… « Il n’y a pas aujourd’hui un problème de démographie vétérinaire, mais de désertification rurale ». Et la tendance est inquiétante, avec en cinq ans une baisse de 10 % de vétérinaires en rurale. Moins d’élevages, c’est aussi moins de vétérinaires. « À l’heure où l’on parle de relocalisation, il est urgent de travailler à un nouvel équilibre d’autant que la sécurité sanitaire a été érigée au premier rang des préoccupations publiques ». Et concrètement ? « On peut réfléchir à la compensation des frais de transport, on peut renforcer la contractualisation entre les vétérinaires et les éleveurs ». Et pourquoi pas plus de synergies avec les collectivités territoriales ? La répartition entre les ASV et le vétérinaire est une piste également évoquée.

Le sujet ne date pas d’hier…

« Depuis plusieurs années, nous avons alerté notre ministère de tutelle sur la question du maillage vétérinaire », rappelle Christophe Brard, président de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV). « La feuille de route de Stéphane Le Foll est au point mort », regrette-t-il.

Le constat de la désertification rurale ne s’arrête pas au vétérinaire, mais à l’éleveur aussi. « Il n’y aura pas d’éleveurs sans vétérinaires, comme il n’y aura pas de vétérinaires sans éleveurs, explique Yves Daniel, député. C’est une question d’aménagement du territoire qui nécessite tous les acteurs. »

Car le problème ne saurait en effet s’arrêter à une vision chiffrée en matière de ressources humaines. « Avant tout, il faut développer de l’économie dans nos élevages, renchérit Marianne Dutoit, de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Quand l’économie va se développer dans nos élevages, on pourra développer des contrats avec les vétérinaires ». Marianne Dutoit témoigne des tristes choix politiques qui amènent des difficultés économiques dans les élevages (accords internationaux, notamment).

Enfin, les solutions seront aussi locales, comme le note Olivier Damaisin, député du Lot-et-Garonne, « il faut une analyse fine ». Attirer les jeunes, c’est aussi la connexion à la fibre, le logement, la création d’un bassin de vie et d’activités…

Les pistes sont lancées, comme le détaille Matthieu Mourou, vétérinaire et président du conseil régional de l’Ordre des vétérinaires de Nouvelle Aquitaine : dispositions fiscales, travail sur les missions régaliennes, maisons d’urgence, télémédecine, télérégulation, etc.1

Beaucoup de questions sont ainsi portées à la réflexion à l’issue de cette journée. Il sera intéressant d’en suivre les concrétisations proches et celles à mener sur la décennie à venir. La profession vétérinaire est, bien entendu, attendue aussi sur l’élevage et les nouvelles aspirations des consommateurs, les impacts environnementaux, la bientraitance animale, etc. Les sujets de tables rondes sont inépuisables pour témoigner des profondes mutations de la profession vétérinaire… et les actions à développer !

1. Lire le détail dans un prochain numéro de La Semaine Vétérinaire.

Les vétérinaires ont-ils conscience de leur rôle sociétal ?

La profession souhaite relancer l’idée généreuse de l’association Vétérinaires pour tous (VPT), qui avait été créée à l’initiative de deux vétérinaires en 1994 : Claude Paolino et Erol Cavdar (VPT Var). VPT apportait une aide à la médicalisation des animaux des personnes démunies, mais aussi aux animaux errants, elle menait des actions sur l’environnement. Une démarche pionnière à l’époque. Ne convient-il pas de remettre sur les rails un modèle qui était pertinent, en prévenant les soucis juridiques et fiscaux auxquels il a été confronté ?

« Le rôle social et solidaire du vétérinaire est essentiel », estime Loïc Dombreval. Mais les vétérinaires ont-ils conscience du rôle sociétal qu’ils ont ? Et veulent-ils s’inscrire dans cette dimension ? Comment veulent-ils le faire également ? « L’Ordre des vétérinaires a la possibilité de donner au vétérinaire celle d’exercer hors de ses quatre murs, il faudrait que le Code de déontologie soit adapté pour que les vétérinaires puissent répondre à cette mission sociétale », surenchérit-il. « Les vétérinaires font de la protection animale tous les jours, mais ils ne savent pas le faire savoir », témoigne Claude Paolino.

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