MARCHER SUR TROIS PATTES N’EST PAS UNE FATALITÉ - La Semaine Vétérinaire n° 1841 du 14/02/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1841 du 14/02/2020

PROTHÈSE

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

Auteur(s) : TANIT HALFON

POUR RÉTABLIR UN SUPPORT FONCTIONNEL POUR LA LOCOMOTION, IL EST POSSIBLE D’ÉQUIPER UN ANIMAL AMPUTÉ D’UNE PROTHÈSE EXTERNE.

Au centre de rééducation pour chien et chat Alforme à l’école nationale vétérinaire d’Alfort, le nombre d’animaux équipés en prothèses externes ne dépasse pas les quatre à cinq cas par an. Un chiffre « anecdotique car très peu connu des vétérinaires praticiens », explique Artem Rogalev, le vétérinaire responsable du centre. Un dispositif qui gagnerait à être connu ? « On ne pose pas forcément la question de l’utilité, constate le responsable du centre. À mon sens, une prothèse peut être indiquée pour toutes les amputations jusqu’au tarse ou au carpe. Elle permet, de plus, d’éviter un report de poids sur le membre controlatéral qui risquerait de favoriser le développement d’arthrose. » Le succès d’une prothèse externe dépend de la longueur du moignon. « Au-delà d’une amputation au-dessus du un tiers proximal d’un membre, le relief anatomique n’est pas suffisant pour envisager une pose », souligne Artem Rogalev. En théorie, les chiens et les chats peuvent être candidats, mais d’autres espèces animales peuvent être concernées.

Un dispositif au cas par cas

En pratique, la pose se fait au cas par cas, explique Guillaume Ragetly, vétérinaire spécialiste en chirurgie des animaux de compagnie au centre hospitalier vétérinaire de Frégis (Arcueil, Val-de-Marne). Et implique une préparation en amont des propriétaires. « Il ne faut pas leur laisser croire que ça va être simple. Ils doivent se rendre disponibles afin d’ajuster la prothèse. » Après un temps de stabilisation du moignon vient l’étape de l’empreinte, qui sera utilisée par un orthoprothésiste pour fabriquer un appareil sur mesure. En France, les orthoprothésistes ayant une compétence pour l’animal sont rares. à Frégis, l’empreinte est envoyée au Canada. Le centre Alforme collabore, lui, avec un orthoprothésiste français. Sur la durée, une usure de la prothèse est possible, avec certaines pièces qui devront être changées. De plus, il est conseillé de retirer l’appareil la nuit ou en cas d’absence du propriétaire, pour éviter tout risque de destruction par l’animal et pour laisser respirer la peau.

« Plus on en fera, meilleur on sera »

Cette gestion pourrait freiner certains propriétaires, sans oublier le coût : « entre 1 000 et 3 000 € », détaille le responsable d’Alforme. Reste aussi la question de son emploi réel par l’animal. « On ne peut pas le garantir, c’est notamment le cas pour les chats. Ils sont rarement appareillés », convient Artem Rogalev, qui conseille toutefois : « Ce n’est pas indispensable, mais plus on appareille tôt, plus on a de chances que l’animal utilise sa prothèse, quitte à la faire évoluer dans le temps, par exemple pour les chiots présentant une malformation osseuse. » Guillaume Ragetly en a fait aussi les frais. « J’ai en tête l’exemple d’un rotweiller à qui il restait deux membres et demi, et qu’on avait équipé d’une exoprothèse. Il ne s’en est jamais vraiment servi », explique-t-il. Malgré tout, il en est convaincu, comme pour toute technique, « les exoprothèses, plus on en fera, meilleur on sera ».

PROTHÈSES OSTÉO-INTÉGRÉES : UN COÛT NON NÉGLIGEABLE

Si elles font souvent la une des médias grand public, les prothèses ostéo-intégrées sont encore rares et non accessibles en France. « Cela reste très expérimental, avec souvent des complications qu’il faut gérer à vie », explique Guillaume Ragetly, qui met en garde contre une rétraction de la peau autour de l’implant : « Cela arrive souvent, ce qui rend visible la partie interne de la prothèse. Avec pour conséquence un risque infectieux. » De plus, « en Angleterre, le budget peut dépasser les 25 000 €, sans compter que l’hospitalisation dure au moins trois semaines ». Malgré tout, « c’est probablement le dispositif le plus adapté aux carnivores domestiques. Et pour le propriétaire, si tout se passe bien, la gestion quotidienne est bien plus simple ». Au Royaume-Uni, le centre Fitzpatrick est particulièrement connu pour réaliser ce genre d’interventions.

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