LE SMARTPHONE PREND SES MARQUES EN OPHTALMOLOGIE - La Semaine Vétérinaire n° 1841 du 14/02/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1841 du 14/02/2020

AVIS D’EXPERT

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

Auteur(s) : VALENTINE CHAMARD

NE SE SUBSTITUANT PAS AUX APPAREILS D’OPHTALMOSCOPIE DIRECTE ET INDIRECTE, LA PHOTOGRAPHIE DU FOND D’ŒIL DEPUIS LE SMARTPHONE PEUT NÉANMOINS INTERVENIR DANS UN DEUXIÈME TEMPS, AVEC POUR PRINCIPAL AVANTAGE LA PÉDAGOGIE AUPRÈS DU PROPRIÉTAIRE.

En permettant la prise de photos et de vidéos de haute résolution - et leur transmission - le smartphone peut devenir un allié du praticien. Illustration avec Thomas Dulaurent, spécialiste en ophtalmologie au CHV Saint-Martin-Bellevue.

Quel emploi faites-vous du smartphone dans votre activité ?

Thomas Dulaurent : Je ne m’en sers que pour des applications très précises. Les appareils d’imagerie du fond d’œil que j’utilise au quotidien (KOWA RC-2 numérisée, notamment) sont couplés à un appareil photographique hybride compact Sony. Via une application, l’appareil peut transmettre et enregistrer les images en direct sur un smartphone ou une tablette, sans fil (par le système wifi). Cela permet aux clients de voir en direct la même chose que le clinicien. Grâce à une autre application (Dropbox), les photos peuvent être transmises directement sur un ordinateur, encore une fois sans fil. Cela présente l’avantage considérable de ne plus devoir transférer les photos en sortant la carte mémoire de l’appareil.

Existe-t-il des smartphones réservés à l’ophtalmologie ?

À ma connaissance, il n’existe pas de smartphone conçu spécifiquement pour l’ophtalmologie, mais des systèmes qui peuvent y être associés. Par exemple, le D-eye est un système ingénieux qui combine un jeu de miroirs semi-transparents, de miroirs conventionnels et de filtres polarisants. C’est un boîtier qui se monte directement sur le smartphone. Il permet de mettre en évidence de nombreuses lésions du fond d’œil : hémorragies, décollements, plages de rétinochoroïdite active ou bien cicatrices, atrophies rétiniennes… Malgré ses qualités, il n’a pas changé mon approche clinique, car la qualité des photos obtenues n’est pas aussi bonne qu’avec les systèmes spécialisés dans cette tâche. Il n’est à mon avis pas conçu pour le diagnostic, mais doit plus être considéré comme un outil photographique, au même titre que le Smartscope, le Clearview ou, plus récemment, l’Epicam, utilisés pour la photographie du fond d’œil. Rien ne remplace l’examen préliminaire du fond d’œil à l’aide d’un ophtalmoscope direct ou indirect. La réalisation d’une photographie s’inscrit seulement dans un deuxième temps.

Cette technologie présente-t-elle un intérêt en activité généraliste ?

Le D-eye s’inscrit complètement dans une activité généraliste. L’utilisation de l’application correspondante est accessible et l’appareil lui-même est facile à utiliser. Le coût étant plus abordable que pour les autres appareils de photographie du fond d’œil, l’achat de ce boîtier peut être envisagé dans une clinique pour laquelle l’ophtalmologie est une discipline assez marginale.

Quel matériel conseilleriez-vous pour débuter ?

Si l’on s’en tient à l’utilisation d’un smartphone, la meilleure technique pour débuter est expliquée dans un tutoriel en ligne sur YouTube1. Le smartphone sert à la fois de source de lumière coaxiale et de système d’enregistrement. L’opérateur n’a besoin en plus que d’une lentille d’examen de 20 dioptries. La technique est simple mais présente néanmoins deux inconvénients majeurs par rapport au D-eye : l’intensité lumineuse, qui ne peut souvent pas être modulée (la lumière produite par le flash continu est alors très vive et gênante pour l’animal), et l’absence de polarisation croisée peuvent rendre le reflet sur la lentille gênant. Mon conseil est alors de travailler dans une pièce sombre, voire dans le noir total, pour limiter les reflets parasites liés aux autres sources lumineuses de la pièce. Seul le reflet de la lumière produite par le smartphone est alors visible.

La télémédecine en ophtalmologie, permise par ce type de procédé, a-t-elle un avenir en France ?

C’est un grand débat. La télémédecine est un argument souvent avancé par les ophtalmologistes en médecine humaine. Pour l’ophtalmologie vétérinaire, nous n’en sommes probablement pas encore là. Si un animal pose un problème en matière de diagnostic, il est facile de photographier son fond d’œil avec une qualité exceptionnelle et de partager rapidement l’image avec des confrères. Nous ne traitons pas des milliers de cas, de sorte que cette problématique n’est pas encore prégnante. Mais la télémédecine commence à se développer en médecine vétérinaire et nous devrons bien suivre le cours des choses.

1. www.bit.ly/2UquoaG.

THOMAS DULAURENT Spécialiste en ophtalmologie au centre hospitalier vétérinaire Saint-Martin-Bellevue (Haute-Savoie)© D. R.Exemple de photographies du fond d’œil obtenues avec le D-eye chez un lapin (a), un chat (b), un chien subalbinos (c) et un chien présentant des cicatrices de choriorétinite (d).© Thomas Dulaurent:
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