« VEILLER SUR L’INDÉPENDANCE CLINIQUE » - La Semaine Vétérinaire n° 1840 du 07/02/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1840 du 07/02/2020

LES CORPORATES EN EUROPE

ANALYSE

Le développement des grands groupes en europe retient l’attention de la fédération vétérinaire européenne qui rencontre les acteurs du secteur et évalue les impacts potentiels sur la profession

La taille moyenne des structures vétérinaires semble connaître une période de changement. » selon l’enquête de 2018 de la fédération vétérinaire européenne (FVE)1, bien qu’actuellement la plupart des cliniques vétérinaires (70 %) soient de petite taille (moins de cinq employés), il y aurait « une tendance à l’augmentation et à la création de plus grandes structures ». C’est d’ailleurs confirmé par une diminution du nombre de vétérinaires propriétaires, passant de 35 % en 2015 à 27 % trois ans plus tard, tandis que le pourcentage de vétérinaires employés évolue de 25 à 31 %.

Impact sur la profession

Le sujet est suivi de très près par la FVE, qui a rencontré les quatre premiers corporates vétérinaires à Bruxelles, en Belgique, le 29 janvier. À l’ordre du jour : la formation vétérinaire, les cheminements de carrière, le bien-être du personnel vétérinaire, l’assurance qualité, l’utilisation responsable des médicaments, le soutien aux jeunes diplômés et l’utilisation de nouvelles technologies pour faciliter la pratique vétérinaire.

le président de la FVE, Rens Van Dobbenburgh, a déclaré que « les structures corporates sont là pour durer, et pour s’agrandir. elles auront un impact sur le style et le type d’emploi vétérinaire, ce qui aura une incidence sur les revenus, les conditions et les possibilités d’emploi et le bien-être des vétérinaires. elles auront également un impact sur les organisations vétérinaires professionnelles, aux niveaux à la fois national et européen. en tant que profession, nous devons travailler avec eux, pas contre eux, pour protéger nos confrères ».

Plus grand que Banfield

Il existe de nombreuses formes de ces sociétés corporates. L’entreprise peut être active uniquement dans la pratique vétérinaire ou peut avoir un intérêt dans différents domaines du secteur vétérinaire, tels que l’animalerie, les produits pharmaceutiques, les dispositifs médicaux, les aliments ou la formation vétérinaire. Certaines corporates sont des entreprises familiales qui se sont développées, tandis que d’autres font partie de grands consortiums d’investissement internationaux. Avec ses 1 372 cliniques et 19 000 employés, IVC-evidensia dépasse désormais le réseau Banfield Pet Hospital aux États-Unis, qui compte un peu plus de 1 000 cliniques (tableau ci-dessous).

L’expérience nord-américaine

Aux États-Unis, où les grandes chaînes sont présentes depuis plusieurs décennies, la profession a été confrontée à des changements similaires. « un tout nouveau paysage vétérinaire se dessine, indiquait la PDG de l’AVMA2, Janet Donlin, qui était invitée à l’assemblée générale de la fve l’année dernière. Nous avons observé une augmentation du nombre de cliniques, mais toute la croissance concernait les grandes structures avec plus de 100 employés ». Elle fait une distinction selon le type de propriétaire. « les entreprises comme Mars Inc. [qui possède quatre groupes dans le top dix aux États-Unis, NDLR] ont fait des acquisitions à “large spectre” dans le domaine de la santé animale, telles que de la télémédecine, des cliniques de bien-être, des services de fin de vie à domicile et des cliniques spécialisées. En outre, ils investissent dans la réussite et le bien-être de leurs employés. Tout cela suggère un engagement dans ce domaine à long terme. » d’autre part, « les sociétés de capital-risque - comme le fonds de retraite canadien actuellement propriétaire d’une chaîne vétérinaire chez nous - sont probablement plus intéressées par le rendement. Ces entreprises ne saisissent donc pas forcément l’impact et l’importance de sujets comme le bien-être des employés ou l’indépendance décisionnaire des vétérinaires. Nous devons veiller sur les intérêts des vétérinaires dans ces entreprises, en particulier leur indépendance clinique, leur bien-être et leurs conditions de travail ».

PRINCIPAUX GROUPES VÉTÉRIBAIRES AUX ÉTATS-UNIS © 2018 AVMA

Plus de 40 % de parts de marché en Europe du Nord

Les pays européens où ces entreprises vétérinaires ont réalisé la plus grande empreinte au cours des dernières années sont le Royaume-Uni (plus de 50 % de parts de marché), la Suède, la Norvège, la Finlande et les Pays-Bas (plus de 40 % de parts de marché dans chaque pays). La relation entre les organisations professionnelles et ces entreprises a également été évoquée au danemark, où les corporates représentent désormais environ 15 % du marché. Depuis 2015, le syndicat de praticiens salariés (ADO) accepte aussi comme membres des employés des corporates (même si les propriétaires ne sont pas vétérinaires). Selon l’association danoise des vétérinaires (DVA), cela signifie que l’ado élabore le contrat de travail pour tous les vétérinaires praticiens salariés au danemark et les représente au niveau national. La dva a également noté que les entreprises, principalement présentes dans le segment supérieur du marché, « ont influencé le niveau des prix de manière positive, avec une augmentation des salaires des vétérinaires employés ».

Et en France ? Ces entreprises se développent également en France3. Un développement qui est d’ailleurs attendu à s’inscrire dans la durée : selon l’enquête de la fve, 84 % des vétérinaires français sont convaincus que les vétérinaires travaillant seuls seront minoritaires d’ici l’an 2030.

1. www.bit.ly/2umvdyy.

2. Association vétérinaire américaine : www.avma.org.

3. Lire la semaine vétérinaire n° 1839 du 31/1/2020, pages 32 à 37.

Rencontre entre les représentants des quatre plus grands corporates européen et la Fédération vétérinaire européenne, le 29 janvier. De gauche à droite : Nancy De Briyne (FVE), Rens van Dobbenburgh (président de la FVE), Thierry Chambon (FVE), Ulrich Göggerle (Anicura), Ben Jacklin (CVS), Torill Moseng (FVE), Stanislav Winiarczyk (FVE), Catriona Curtis (Vets4Pets/Pets at Home), Amanda Boag (Vets Now/IVC Evidensia), Jan Vaarten (FVE) et John Leighton-Jones (IVC Evidensia).PRINCIPAUX GROUPES VÉTÉRINAIRES EN EUROPE© 2018 AVMA

« L’indépendance doit rester garantie »

Même si les cliniques corporates présentent un modèle commercial intéressant, explique Rens van Dobbenburgh, président de la FVE, elles nécessitent une attention particulière, notamment en ce qui concerne la déontologie et l’éthique professionnelle, ainsi que l’impact général sur l’activité vétérinaire globale. » En particulier, « l’indépendance du vétérinaire individuel doit toujours rester garantie concernant le diagnostic, l’utilisation d’outils de diagnostic, la liberté de choix thérapeutique, du temps consacré aux “patients” et le référencement de ceux-ci vers un spécialiste de choix. C’est pourquoi nous rencontrons régulièrement des représentants des acteurs majeurs. »

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