UNE INTELLIGENCE HORS NORME QUI CONDITIONNE LEUR COMPORTEMENT - La Semaine Vétérinaire n° 1840 du 07/02/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1840 du 07/02/2020

LES PERROQUETS

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

FORMATION

Auteur(s) : MARINE DHUNPUTH*, JULIE NICOLEAU**

CONFÉRENCIERS

IRENE PEPPERBERG, éthologue, université de Harvard (États-Unis) • JAN HOOIMEIJER, praticien dans une clinique réservée aux oiseaux aux Pays-Bas.

Article rédigé d’après une conférence organisée en partenariat avec l’Afvac, l’Association of Avian Veterinarians et Yaboumba Junior, à l’ENVT, en octobre 2019.

Qui n’a jamais entendu l’expression “tête de linotte”, faisant référence à quelqu’un à l’intelligence réduite ? En effet, depuis longtemps les oiseaux apparaissent aux yeux du monde comme des animaux aux faibles capacités intellectuelles. Ce n’est qu’en 1950 que la cognition des oiseaux est abordée par les travaux de O. H. Mowrer, J. H. Grosslight et C. Zaynor. Connue notamment pour son livre The Alex Studies, l’éthologue Irene Pepperberg a présenté les incroyables capacités d’apprentissage et d’intelligence des perroquets lors d’un cycle de conférence à l’École nationale vétérinaire de Toulouse. Elle explique ainsi que ces derniers apprennent par le mimétisme et le questionnement. Correctement entraînés, les perroquets ne répéteront pas simplement le mot “banane” mais comprendront, en questionnant sur sa couleur et sur sa nature, qu’il s’agit d’un fruit et que celui-ci est jaune. À la suite de ces entraînements, plusieurs concepts ont ainsi été étudiés chez les perroquets : la compréhension de concepts numériques, les illusions d’optique, la mémoire visuelle, l’évaluation des quantités de liquide et les probabilités.

Une mémoire visuelle supérieure à celle d’un enfant de 8 ans

Des expériences mettant en jeu des pions de différentes couleurs ont permis de démontrer l’existence d’une mémoire visuelle chez le perroquet. En effet, ces pions étaient recouverts d’un verre opaque, puis mélangés et l’oiseau devait retrouver une couleur donnée. Cette même expérience, réalisée avec des humains adultes et des enfants de 6 à 8 ans, montre que les perroquets sont toujours meilleurs que les enfants. Ils surpassent aussi les adultes lorsqu’il y a trois ou quatre mouvements de mélange, mais leurs capacités diminuent au-delà de ces chiffres. La capacité d’évaluation des volumes a également été testée à l’aide de plusieurs expériences. La même quantité de liquide était présentée aux perroquets, puis versée sous leurs yeux ou non dans deux contenants différents. Sans avoir visualisé le transfert, ils choisissent le récipient qui semble le plus rempli. Au contraire, en ayant visualisé le transfert dans le contenant, leur choix est aléatoire car ils comprennent que la quantité de liquide est la même. En comparaison, les enfants doivent être âgés de 5 ans minimum avant de comprendre que la même quantité de liquide n’apparaît pas de la même manière selon le contenant. Les perroquets ont réussi plusieurs expériences similaires, mais l’une des plus impressionnantes met en jeu leur capacité à « traquer » le liquide. Il s’agit de présenter deux liquides de volume différent dans le même contenant initial, puis de les verser en croisant les trajectoires, dans deux récipients de taille différente et opaques. Les perroquets réussissent à comprendre quel récipient initial est le plus rempli, et le suivent du regard afin de le retrouver par la suite, quel que soit le volume du récipient final. Seuls certains singes réussissent cette expérience, prouvant ainsi les réelles capacités intellectuelles des perroquets. Enfin, il est possible que les perroquets parviennent à adopter un raisonnement probabiliste, traduit dans une étude par l’habilité à choisir le récipient en verre transparent pour lequel il y a la plus grande chance de piocher une banane lors d’un seul essai. Les perroquets ont alors face à eux plusieurs choix : le hasard, le récipient contenant le plus de bananes ou celui avec la probabilité la plus élevée de piocher une banane parmi les autres éléments. Le taux de réussite est de 60 %, correspondant à un taux identique à celui des humains adultes pour la même expérience. Dans cette conférence, irène pepperberg a donc présenté clairement les capacités intellectuelles impressionnantes des perroquets, rappelant que toutes leurs aptitudes sont encore loin d’être connues.

Comprendre les comportements indésirables

De cette intelligence naît une grande variété de comportements exprimés en fonction du contexte et de l’éducation de l’animal. Jan hooimeijer a abordé les principaux troubles du comportement qui peuvent affecter les perroquets, ainsi que les différentes méthodes qui permettent d’en prévenir l’apparition ou de les éradiquer. En effet, même s’il est souvent considéré comme un compagnon loquace et amusant, il n’en demeure pas moins que le perroquet présente parfois des réactions imprévisibles qui peuvent devenir indésirables pour le propriétaire. Avant d’en assurer la prévention, il est important de bien définir ce qu’est un comportement indésirable : certaines mimiques considérées comme drôles ou mignonnes s’avèrent être en réalité des troubles comportementaux qu’il faut donc veiller à ne surtout pas renforcer. Ainsi, mordre, parler, crier ou s’arracher les plumes sont autant de manifestations que le perroquet utilise pour manipuler son propriétaire et obtenir sa pleine attention. Dans ce contexte, montrer de la peur, de la frustration, de la colère ou de l’amusement sera interprété comme une réponse et renforcera ce type de comportement. Ces derniers peuvent apparaître très tôt dans la vie du perroquet et sont, une fois installés, difficiles à éradiquer.

Des réactions anormales souvent inaperçues

Quel que soit le trouble comportemental du perroquet, il est nécessaire de se questionner sur le contexte et la motivation de l’animal à exprimer une telle attitude. Par exemple, crier peut à la fois être perçu comme normal si l’animal éprouve de la douleur, désiré si le propriétaire veut l’entraîner à ce dessein ou indésirable dans les autres cas. La récompense intervient uniquement si le comportement était souhaité par le propriétaire dans le cadre d’un entraînement. En revanche, aucun comportement indésirable ou déplacé ne doit être gratifié. Ces comportements peuvent naître d’une douleur, d’un problème de santé, d’un ennui, et passent ainsi souvent inaperçus. De même, entraîner un perroquet à effectuer un acte et ne pas le récompenser en retour peut frustrer l’animal et l’amener à exprimer sa colère, notamment en écartant les ailes. De plus, l’humain présente inconsciemment une posture considérée comme intimidante ou irrespectueuse vis-à-vis de l’oiseau (yeux rapprochés et dents imposantes). Or, gagner la confiance d’un perroquet est un processus qui peut, certes, prendre de nombreuses années, mais c’est un facteur clé de succès pour son approche et sa bonne contention. La cage, par exemple, symbolise le nid dans lequel l’animal se sent en confiance et ne doit pas être dérangé. Les interactions comme les caresses ou le nourrissage sont normalement uniquement réservées aux partenaires de la même espèce. Prendre en considération ces facteurs est un enjeu majeur afin d’établir une confiance mutuelle et éviter l’expression de comportements indésirables. L’enrichissement de l’environnement est une solution envisageable pour éradiquer ces manifestations néfastes : les jouets, tunnels, interactions sociales avec les animaux ou les humains sont des moyens de s’épanouir et d’établir avec les propriétaires une relation de confiance. Il convient néanmoins d’associer à cela la suppression de toutes les sources de problèmes ou de peur qui peuvent subsister au sein de l’entourage.

Des expériences ont été menées chez des perroquets pour explorer la compréhension de concepts numériques, les illusions d’optique, la mémoire visuelle, l’évaluation des quantités de liquide et les probabilités. Elles montrent les capacités intellectuelles impressionnantes de ces oiseaux.© Alex Slobodkin - IstockMordre, parler, crier ou s’arracher les plumes sont autant de manifestations que le perroquet utilise pour manipuler son propriétaire et obtenir sa pleine attention. Dans ce contexte, montrer de la peur, de la frustration, de la colère ou de l’amusement sera interprété comme une réponse et renforcera ce type de comportement.© Bradley Jasper - IstockLa cage symbolise le nid dans lequel l’animal se sent en confiance et ne doit pas être dérangé. Les interactions comme les caresses ou le nourrissage sont normalement uniquement réservées aux partenaires de la même espèce. Prendre en considération ces facteurs est un enjeu majeur afin d’établir une confiance mutuelle et d’éviter l’expression de comportements indésirables.© Linda Bestwick - Istock
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr