LES CROYANCES DOMINENT LES CHOIX NUTRITIONNELS DES MUSHERS - La Semaine Vétérinaire n° 1840 du 07/02/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1840 du 07/02/2020

CHIEN DE TRAÎNEAU

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

NUTRITION

Auteur(s) : CHARLOTTE DEVAUX

D’APRÈS LES TÉMOIGNAGES RECUEILLIS LORS DE LA COURSE DE LA GRANDE ODYSSÉE SAVOIE MONT BLANC, LES CHIENS DE TRAÎNEAU, CONTRAIREMENT AUX ATHLÈTES HUMAINS, NE BÉNÉFICIENT PAS D’UNE ALIMENTATION OPTIMALE, POURTANT INDISPENSABLE À LEURS PERFORMANCES SPORTIVES.

Le passage de la grande odyssée savoie mont blanc à valmorel (Savoie), le 17 janvier, a été l’occasion d’interviewer plusieurs mushers sur l’alimentation qu’ils donnent à leurs chiens. Force est de constater que, s’il s’agit de professionnels canins qui nourrissent des athlètes de haut niveau, ce sont pourtant bien souvent les croyances plus que les données de la science qui motivent les choix nutritionnels.

Huile de poisson et viande crue au menu

Tous les mushers interviewés donnaient un mélange de croquettes et de viande ou de poisson crus, le plus souvent moitié-moitié. Les “viandes” utilisées sont très disparates, des steaks hachés de restauration collective à la viande séparée mécaniquement (VSM) en passant par un mélange viande, gras, abats plus ou moins os. Si chacun dit “donner de la viande”, cela recouvre en réalité des situations nutritionnelles bien différentes avec des compositions en matière de calcium, de phosphore, d’acides aminés, de lipides et de micronutriments très variables. L’ajout de “viande” s’est répandu dans le monde du mushing par contagion et parfois pour des raisons économiques. Ceux qui donnent de la VSM notamment rapportent un coût bien inférieur aux croquettes. Celles-ci composent environ la moitié de la ration des chiens, elles sont de qualité très variable, sûrement à relier aux coûts engendrés. Le plus souvent, elles sont distribuées mouillées pour favoriser l’hydratation.

À la recherche du complément miracle

Toutes les personnes interviewées ajoutent de l’huile de poisson à la ration des chiens. Si le bien-fondé de cette pratique semble évident eu égard aux multiples bienfaits de celles-ci, l’utilisation de gros bidons dont on ne connaît pas le mode de conservation fait craindre une oxydation si l’huile se retrouve exposée à la chaleur et à l’oxygène. En plus de cela, quasiment tous les chiens reçoivent des suppléments de type chondroïtine et glucosamine, quelques-uns des suppléments minéraux ou vitaminiques, d’autres de la phytothérapie. Si, côté nourriture, le naturel a le vent en poupe avec l’engouement pour la viande, en matière de récupération, les électrolytes et la maltodextrine semblent garder la place de choix face à la mixture riz-miel pourtant préconisée par Delphine Clero, maître de conférences en médecine sportive canine à l’École nationale vétérinaire d’Alfort, peut-être par facilité d’emploi des préparations industrielles.

Un équilibre à trouver

En conclusion, ces chiens sportifs de haut niveau sont nourris avec des rations mixtes dont personne ne connaît ou ne cherche à vérifier l’équilibre. Avant d’investir dans des suppléments probablement coûteux, ne serait-il pas primordial de s’intéresser à l’équilibre de base de la ration quotidienne de ces athlètes ? Si l’ajout de viande semblerait améliorer certains problèmes comme les diarrhées de stress, il ne devrait pas mener à un déséquilibre de la ration au risque de finir par impacter les performances. Après les analyseurs biochimiques de gaz sanguins et le capteur plan, la Team véto de la Grande Odyssée devra peut-être se munir d’un outil permettant d’analyser les rations alimentaires, car l’approche scientifique ne se limite pas à la médecine mais commence bien par l’alimentation.

Pour l’alimentation des chiens de traîneau, beaucoup de pratiques empiriques ont encore cours dans le milieu du mushing.© Charlotte Devaux
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