MARIE-FRÉDÉRIQUE LE POTIER : « IL N’Y A PAS DE RECRUDESCENCE DE LA MALADIE D’AUJESZKY » - La Semaine Vétérinaire n° 1838 du 24/01/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1838 du 24/01/2020

MALADIES RÉGLEMENTÉES

PRATIQUE MIXTE

ANALYSE

Auteur(s) : TANIT HALFON

DEPUIS 2018, LA SURVEILLANCE PROGRAMMÉE DE LA MALADIE D’AUJESZKY CHEZ LE PORC A PERMIS DE DÉTECTER QUATRE FOYERS EN MÉTROPOLE, TOUS CONCERNANT DES ÉLEVAGES DE PLEIN AIR. EN PARALLÈLE, DES CAS SONT RÉGULIÈREMENT RAPPORTÉS SUR DES CHIENS DE CHASSE.

Marie-Frédérique Le Potier, experte au sein de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et responsable du laboratoire national de référence, au laboratoire Anses de Ploufragan (Côtes-d’Armor), fait le point sur la maladie d’Aujeszky, ou pseudo-rage, dont le dernier foyer en élevage porcin remonte au mois de décembre 2019.

Les signalements faits depuis 2018 de maladie d’Aujeszky en élevage porcin sont-ils inquiétants ? Les dernières déclarations remontent à septembre 2010…

Marie-Frédérique Le Potier : Rappelons que la maladie est éradiquée en France continentale - elle est enzootique en Corse -, mais qu’elle continue de circuler dans les populations de sangliers. Les dernières enquêtes épidémiologiques1, qui remontent au début des années 2000, avaient révélé des prévalences variables suivant les régions : de l’ordre de 30 % dans le centre et le nord-est de la France, alors qu’elle est très faible en Bretagne par exemple, en lien notamment avec les zones forestières. De plus, la maladie fait l’objet d’une surveillance programmée, ciblant les élevages les plus à risque, dont les élevages en plein air, ce qui a d’ailleurs permis la détection des derniers cas. L’introduction de la maladie serait liée à un contact avec la faune sauvage, du fait d’une insuffisance dans les mesures de biosécurité : concrètement, il s’agit d’élevages avec des clôtures défaillantes. Dans ce contexte, on ne peut pas parler de recrudescence mais bien de cas particuliers. Notre chance est que jusqu’à présent, les départements touchés ne sont pas de gros producteurs de porcs.

La maladie touche-t-elle davantage les chiens de chasse ?

Le laboratoire de Ploufragan effectue leur suivi depuis 2006. Des cas sont diagnostiqués tous les hivers, en saison de chasse : par exemple, pour cette année, nous en sommes déjà à une douzaine de cas. Si les résultats sont très variables d’une année sur l’autre, je pense qu’ils sont globalement sous-estimés, car les vétérinaires, ou les chasseurs, n’ont pas forcément le réflexe de les signaler, alors que c’est une maladie à déclaration obligatoire. De plus, une récente étude2, relative à la diversité génétique du virus isolé chez des chiens de 2006 à 2018, a révélé une hausse des cas dans le sud-est de la France, alors que cette région n’était pas identifiée comme une zone à forte prévalence. à ce sujet, je note qu’il y a beaucoup d’interrogations sur les chiens cette année. Les praticiens me questionnent sur l’intérêt de la vaccination. Le problème est qu’il n’existe que des vaccins pour les porcs, et nous ne disposons pas à ce jour de données d’efficacité pour le chien, même si on sait que la vaccination des chiens est pratiquée en Belgique. De plus, seuls les vaccins inactivés pourraient être utilisés, les vaccins vivants tuant les chiens. Pour les porcs d’élevage, la vaccination est interdite depuis l’obtention du statut indemne de la France.

Des évolutions en terme de surveillance sont-elles à prévoir ?

La surveillance est déjà très stricte et adaptée. Elle cible, par exemple, les élevages porcins de plein air dans lesquels il est rare de détecter des signes cliniques, du fait d’une propagation plus lente du virus, même si les éleveurs peuvent être alertéspar des épisodes d’avortements chez les truies. Dans ces exploitationsa, le taux de prévalence est de 30 à 40 % quand il monte à plus de 70 % dans les élevages industriels.

1. Hars et Rossi, 2009. www.bit.ly/367YzFW.

2. Deblanc et coll, Pathogens 2019, 8(4), 266. www.bit.ly/2G7hgih.

LA BIOSÉCURITÉ : UNE CONDITION ESSENTIELLE

Les mesures de biosécurité en élevage porcin ont été renforcées par l’arrêté ministériel du 16 octobre 2018, publié dans le contexte de la peste porcine africaine. Dans ce cadre, une formation référent biosécurité a déjà été réalisée pour plus de 8 000 référents en 2019. De plus, des audits biosécurité ont été lancés fin 2019 par les organisations professionnelles de la filière. Les contrôles des services vétérinaires débuteront, quant à eux, dès 2020. Pour les élevages plein air, les systèmes de clôtures préconisés ne sont rendus obligatoires qu’à compter du 1er janvier 2021.

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