ECHINOCOCCUS MULTILOCULARIS, UNE MALADIE D’AVENIR ? - La Semaine Vétérinaire n° 1838 du 24/01/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1838 du 24/01/2020

ZOONOSE PARASITAIRE

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

ANALYSE

Auteur(s) : TANIT HALFON

LES ÉTUDES TENDENT À MONTRER UNE EXTENSION DE L’AIRE DE DISTRIBUTION DU PARASITE. EN PARALLÈLE, UN PLUS GRAND NOMBRE DE CAS HUMAINS EST DÉTECTÉ. DES CONSTATS PAS SI SIMPLES À EXPLIQUER

Depuis 5 ans, 36 nouveaux cas humains d’échinococcose alvéolaire par an sont enregistrés contre 15 auparavant. Si la maladie reste plus fréquente dans les départements endémiques, en 2018, presque 25 % des cas ont été signalés par des centres hospitaliers situés en dehors de cette zone, contre 6 % jusqu’en 2012. En parallèle, les enquêtes de terrain tendent à montrer une extension de l’aire de répartition du parasite responsable, Echinococcus multilocularis, vers l’ouest et le sud de la France1. « Nous n’avons en réalité pas de preuves formelles de l’extension du parasite, car aucune étude n’avait été réalisée hors zone d’endémie auparavant », nuance Franck Boué, directeur adjoint du laboratoire de la rage et de la faune sauvage de Nancy (Meurthe-et-Moselle). De plus, « il est difficile de faire un lien direct entre les contaminations humaines et les renards infectés, du fait du temps de latence relativement long, les signes de la maladie chez l’homme n’étant visibles que 5 à 10 ans après l’ingestion accidentelle des œufs de parasite ». « Dans le passé, les cas humains n’étaient peut-être pas aussi bien signalés, ajoute Laurence Millon, directrice du centre national de référence échinococcoses. Les cas déclarés à l’Ouest pourraient être liés à une contamination locale ou à un voyage en zone d’endémie. »

Des hypothèses à vérifier

En clair, pas question de parler aujourd’hui d’émergence. Ni d’être catégorique. « Même si depuis une dizaine d’années, nous savons que les populations de renards augmentent, il n’y pas de corrélation évidente avec la répartition du parasite et les prévalences observées », explique Franck Boué. Les questions restent ouvertes aussi quant aux voies de contamination en humaine. « Si l’hôte naturel est vraiment le renard - une fois contaminé, il excrète un grand nombre d’œufs -, les chiens et les chats peuvent aussi, par prédation, ingérer des larves de parasite. Mais ce dernier s’y développe moins bien, il y a moins d’œufs et on ne dispose pas encore de preuves quant à leur pouvoir infectieux », souligne laurence millon. À ce sujet, franck boué complète : « seul 1 % des chiens sont porteurs en zone de forte endémie. Le chien n’est pas responsable du maintien du cycle parasitaire. »

Informer, prévenir

Dans ce contexte, pas question non plus d’affirmer que l’abattage des renards est la bonne solution. « Indépendamment de toute considération éthique et écologique, il y a peu de chances que l’on puisse agir de manière efficace dans le milieu extérieur soit en procédant à des abattages, soit à une vermifugation massive, car cela supposerait d’atteindre des proportions importantes des populations de renards, ce qui n’est pas réalisable. Ces deux principes d’action seraient de toute façon très invasifs et perturbants pour les écosystèmes, donc non justifiés », affirme Jean-Yves Chollet, chef de l’unité sanitaire de la faune à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. Par ailleurs, l’abattage n’est plus de mise dans le cadre de la surveillance épidémiologique, du fait du développement de la polymerase chain reaction (PCR) permettant de faire des analyses directement sur des fèces. À ce jour, la prévention ne change pas. Dans les zones de forte endémie, il convient de vermifuger ses animaux une fois par mois avec un antiparasitaire contenant du praziquantel, durant la période où l’animal est actif à l’extérieur. Côté humain, si les mesures d’hygiène de base sont à suivre, Laurence Millon précise que « nous conseillons maintenant d’effectuer un dépistage sérologique pour les personnes immunodéprimées, et résidant dans les zones très à risque, d’autant si elles possèdent un chien, à associer éventuellement à un examen échographique ». Fort heureusement, l’être humain se révèle un hôte très résistant vis-à-vis du parasite, avec seulement 1 individu exposé sur 100 qui développerait la maladie.

1. www.bit.ly/2GaSbDd.

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